Ven. 20 Août 2021, 17:31
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Catacombes, carrières, métro... dans les sous-sols de Paris, avec les travailleurs de l’ombre
Guides dans les catacombes, inspecteurs des carrières, responsables de terminus à la RATP, ils sont plusieurs milliers de Parisiens à travailler dans les sous-sols, tous les jours, à l’abri des regards. Descente au cœur des souterrains pour découvrir des professions méconnues.
Par Kylian Prevost
Le 20 août 2021 à 07h00
Ils sont indispensables au quotidien, mais exercent une profession de l’ombre. Sous les pavés, à une vingtaine de mètres de profondeur, une brigade de l’Inspection générale des carrières (IGC) est en mission. Peu connue du grand public, cette organisation fondée en 1777 par Louis XVI remplit plusieurs objectifs. Le premier est de prévenir les risques de mouvements de terrain, le second de cartographier les carrières et d’assurer ainsi un rôle de prévention.
Ce jour-là, ils sont cinq à descendre la longue échelle qui mène aux anciennes mines parisiennes. Parmi eux, Jules Querleux, ingénieur, et Bertrand Quenault, chef de brigade. Le milieu est humide et glissant, il ne faut pas avoir peur de se salir les mains. D’autant que la mission à remplir est importante. « L’idée aujourd’hui, c’est de faire un état des lieux du site cartographié. Le second objectif est de surveiller une maison qui se fissure donc on va aller voir ce qu’il se passe en dessous », détaille Jules Querleux.
Sous les pavés, à une vingtaine de mètres de profondeur, une brigade de l’Inspection générale des carrières, fondée en 1777 par Louis XVI, est en mission. LP/K.P.
Le lieu ? Quelque part entre Paris et sa petite couronne. L’Inspection générale des carrières nous a demandé de garder secrète la localisation du puits. Sûrement pour éviter que certains cataphiles et autres amateurs d’excursions souterraines accèdent à ces zones interdites. Pour autant, l’ingénieur le répète, son rôle n’est pas de « faire la police » mais plutôt de sensibiliser pour éviter les risques et les nuisances : « Avec la fréquentation clandestine, une petite galerie de 5 mètres s’est formée et la facture pour l’IGC s’élève désormais à 25 000 euros. »
Des coûts démesurés qui ne sont pas toujours liés aux aménagements des visiteurs. Les entreprises privées, elles aussi, ne sont pas en reste. « Les travaux pas maîtrisés, c’est vraiment un gros problème pour nous. Il y a des restes de coulis d’injection de béton qui coulent et bouchent régulièrement les carrières », se désole Bertrand Quenault.
Mais certaines traces laissées par l’homme sont bien plus anciennes. Dans cette cavité de calcaire grossier exploitée dès 1840, on retrouve aussi des vestiges de l’époque. Au détour de la mine, l’inscription « Monsieur Drian, 1853 » . « Ce sont des marquages du carrier qui exploitait la mine, il y a plus d’un siècle », assène Jules, très vite suppléé par Bertrand qui résume le métier : « Les carriers venaient et exploitaient les bancs sur un ou deux niveaux pour en extraire les meilleures variétés de pierre qui servaient ensuite à la fabrication d’immeubles. »
Responsable de terminus : « une gestion du quotidien »
À quelques kilomètres de là, d’autres sont également en pleine activité dans les souterrains. Gladys Chemir est responsable de terminus à la RATP. Son rôle n’est pas d’arpenter les sous-sols, mais de gérer la circulation de la ligne 12 du métro de Paris. Traiter les incidents et organiser le travail des conducteurs composent ainsi son quotidien. « Mon travail se divise en plusieurs volets. Il y a une gestion du quotidien, que ce soit auprès des conducteurs et du reste des équipes mais il y a aussi le volet accidentel », détaille plus amplement la responsable.
Tous les jours, elle est en charge de la ligne 12 entre les stations Aubervilliers et Front populaire. Ce vaste réseau s’étend sur 15,3 kilomètres et voit passer 39 trains par heure pendant les périodes de pointe. Un rythme effréné et fastidieux qui convient à la jeune femme. « Dans ce métier, je sais à quelle heure je commence, jamais à quelle heure je finis, mais je l’adore », résume la jeune femme, en poste sur la ligne depuis un an.
Pour autant, à ses yeux, travailler 10 mètres sous terre n’est pas plus dérangeant qu’en pleine lumière : « Certains m’avaient dit que travailler en souterrain serait difficile mentalement. Mais j’ai connu le travail avec un bureau qui offrait une vue sur l’extérieur et je n’ai pas vu la différence. »
Pour atteindre ce poste, Gladys a su gravir les échelons et évoluer. D’abord employée en tant qu’acheteur communication et média à la RATP, c’est lors d’un projet où elle se confronte au métro qu’elle se prend de passion pour l’exploitation : « Je travaillais sur un dossier lié au métro et je me suis dit pourquoi pas ? J’ai exprimé ma volonté de partir à l’exploitation et très vite tout s’est enchaîné. Je me suis familiarisée au milieu, j’ai passé mon permis métro puis j’ai obtenu la formation de gestion de terminus. » Un poste qu’elle occupe depuis 2017 et qui lui convient pleinement.
Plongée au cœur des catacombes
Dans la large palette des professions souterraines, on trouve aussi celle de guide des catacombes. Au sud de Paris, place Denfert-Rochereau, dans le 14e, Isabelle Dam Hieu conduit un groupe de plusieurs enfants en visite. Une mise en situation qui conforte l’aspect pédagogique et ludique de son métier.
Car si les catacombes semblent bien connues des Franciliens, avec une affluence de près de 2 000 personnes par jour, leur histoire en revanche est moins connue. « C’est important de mettre en avant les carrières et notamment l’ossuaire parce que les gens ne savent pas forcément ce que c’est », explique la guide. Et d’ajouter : « En plus l’aspect sympa de ce métier, c’est que les gens qui viennent sont dans de bonnes dispositions, ce n’est pas un cours de mathématiques, ils sont là pour le plaisir et ils participent. »
D’ailleurs, après des études à l’École du Louvre puis à la Sorbonne, Isabelle est devenue maître dans l’enseignement historique. Mais la guide rappelle avec humour qu’il faut deux autres qualités : « Ne pas être claustrophobe ni avoir peur des squelettes ! »
Car les catacombes n’en manquent pas : quelque 6 millions d’ossements humains longent les tunnels depuis la fin du XVIIIe siècle. « Paris avait des problèmes de salubrité et de place liés aux cimetières, donc il a été décidé de transférer leurs contenus sous terre. À l’époque, le choix est porté sur un site en dehors de la capitale : les catacombes », renseigne la guide. Désormais, Il ne vous reste donc plus qu’à venir visiter ces lieux pour découvrir la profession discrète mais néanmoins majeure d’Isabelle.