Lun. 15 Mai 2017, 10:06
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La terrasse de la Grande Arche sera à nouveau accessible au public, avec panorama, expositions et restaurant.
LE MONDE | 15.05.2017 à 08h29 | Par Frédéric Edelmann
Mardi 2 mai, avant un second tour propice à interpeller les consciences politiques sur l’héritage de François Mitterrand, un déjeuner réunissait à Puteaux (Hauts-de Seine), au pied de l’arche de la Défense, à l’Hôtel Mercure, le gratin de l’architecture. Des maîtres d’œuvre (architectes), des maîtres d’ouvrage, des ingénieurs de haut vol et même des journalistes, tous témoins à des degrés divers de la naissance du monument, et donc de la mort, en 1987, de son principal architecte, le Danois Johann Otto von Spreckelsen. Puissance invitante : Robert Lion, président de l’association Grande Arche, après avoir été, comme directeur de la Caisse des dépôts, son parrain bienveillant en 1989 à la demande de François Mitterrand. Avant une visite du toit, fermé au public depuis 2009, et finalement rénové par l’agence Valode et Pistre, Robert Lion annonce sa réouverture le 1er juin.
Ainsi s’achève un double chantier. Il aura concerné aussi bien la restauration des espaces et des terrasses du toit que celle des façades de marbre de la paroi sud, converties au granit blanc. A quoi il faut ajouter la restauration de deux œuvres monumentales : La Carte du ciel, de Jean-Pierre Raynaud, et la Fresque monumentale, de Jean Dewasne (1921-1999), sur toute la face intérieure de la paroi sud. Aujourd’hui remises à neuf, elles ont retrouvé leur superbe.
Pont-promenade
La raison d’être de l’espace du toit, à l’origine voué à un carrefour de la communication qui aura fait long feu, a été oubliée. Désormais, outre un pont-promenade offrant une vue spectaculaire à 360 degrés, il proposera un restaurant de cinquante couverts – les Jardins de Joséphine, petit frère du Joséphine, rue du Cherche-Midi, à Paris, avec une carte « bistronomique », composée par le chef Jean-Christian Dumonet.
Pour accéder au toit (11 000 m²), les ascenseurs panoramiques, familiers des pannes, ont été modifiés pour supporter un vent de 80 km/h (50 km/h auparavant). Le groupe toulousain City One, spécialisé dans les métiers de l’accueil, qui fête cette année ses 25 ans, dont 9 ans de croissance ininterrompue, a signé un bail de neuf ans avec Eiffage et investi 2,5 millions d’euros pour l’aménagement et la gestion du toit. Un espace d’exposition de 1 200 m² voué au photojournalisme assurera enfin la dimension culturelle du lieu, où sont espérés un million de visiteurs par an.
Jean-François Leroy, fondateur du festival Visa pour l’image à Perpignan, assurera la direction artistique de quatre expositions chaque année. La photographe américaine Stephanie Sinclair doit étrenner l’endroit à partir du 15 juin, avec une série dénonçant les mariages précoces à travers la planète (Too Young to Wed). On retrouve enfin les trois amphithéâtres de 150 places créés dès 1989, ainsi que 200 m² réservés à des expositions liées à des événements d’actualité.
L’aspect extérieur privilégié
Jean Pistre, un des deux architectes en charge de la dimension physique du chantier associés au groupe de travaux Eiffage, n’a pas caché sa fierté d’avoir été choisi pour transformer ce « symbole d’une époque bénie où l’Etat lançait de grands projets magnifiques ». Détaillant la dimension technique de leur travail, il a rappelé l’apport de Paul Andreu, architecte notamment des aéroports de Roissy, qui a achevé l’Arche après la disparition de Spreckelsen et a pu apporter sa connaissance du monument à l’entreprise de rénovation. Andreu, présent dans l’assemblée, rappelle les données initiales : « Nous avions des contraintes fortes : ériger un arc de triomphe moderne dans la continuité de l’axe historique qui traverse Paris d’est en ouest. L’aspect extérieur a été privilégié sur l’intérieur. Aujourd’hui, il faut reprendre complètement l’organisation du bâtiment. »
Et d’en profiter pour prendre le monde à témoin de la dégradation de l’aéroport de Roissy 1, suivi sur le même registre par Paul Chemetov, à qui l’on doit le ministère des finances à Bercy, et par Christian de Portzamparc, architecte d’une Cité de la musique qui, elle aussi, s’essouffle. Approbation silencieuse d’Adrien Fainsilber (la Cité des sciences) et de Martin Robain (pour Architecture-Studio, coauteur de l’Institut du monde arabe), tous plaidant en somme pour les absents du jour, et signataires le 12 septembre 2016 d’une tribune dans Le Monde, « Ne défigurons pas la Grande Arche de la Défense » : Jean Nouvel (la Philharmonie de Paris), Dominique Perrault (la BNF), Renzo Piano (le Centre Pompidou et le futur Tribunal de grande instance), Richard Rogers…
Tout serait pour le mieux si la paroi nord, propriété d’Axa et de la Caisse des dépôts, n’était restée en l’état, l’assureur s’étant fermé jusqu’à présent à toute idée d’intervention sur l’édifice. Aucun classement ni protection ni label ne protègent encore l’Arche de l’abandon, malgré les études très précises faites à ce sujet : c’est que l’Etat redoute d’ouvrir la boîte de Pandore en protégeant des édifices récents, ce qui l’obligerait à prendre en charge une large partie des travaux. Heureusement, Axa s’est décidé à lancer les travaux sur le pilier nord. Le chantier devrait commencer début 2018 et durer environ un an.
Frédéric Edelmann
Journaliste au Monde
http://www.lemonde.fr/architecture/artic...09550.html