2 Bhv Caracal |
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Le lien entre les deux sujets policiers desquels je parlais est justement là : sous l'Etat d'urgence, il serait facile et presque légitime d'interdire les rassemblements et plus encore les manifestations d'opinion. Je ne fais pas livrer un bouquet de fleurs à destination de la table du conseil des ministres pour ça, m'enfin reconnaissons qu'ils n'ont pas cédé à la facilité de ce prétexte. Ça aurait constitué un risque, mais moins élevé que celui qu'ils ont pris en laissant sortir les étudiants, tôt rejoints par les lycéens, dont on sait depuis 1986 qu'ils sont la porte ouverte au départ en sucette des manifs.
C'est gentil de me souhaiter l'intégrité physique, j'ai connu des contradicteurs moins bienveillants. Il se trouve que justement il m'est arrivé de me faire savate par un gendarme mobile pour être passé par là. En 2013, sur l'esplanade des Invalides, pendant une charge pour faire respecter l'ordre de dispersion. Et j'étais pas loin de gerber mes tripes boulevard Saint-Michel en 2006 pendant le revival de mai 68, dans une atmosphère saturée de lacrymo : cordes, grappins et assaut de la palissade des CRS dans le but de prendre la Sorbonne, c'était d'une autre intensité que Les Veilleurs. La jubilation du bordel m'avait entraîné à observer tout ça de près. Je savais où je foutais les pieds, j'avais pleine conscience de la situation et de la façon dont elle était susceptible d'évoluer. Je ne suis pas allé me plaindre. Si je monte sur une église et si mon camarade tombe, je ne vais attaquer le curé ou la mairie en justice pour n'avoir pas assez protégé l'accès au bâtiment. Si je prends une prune pour m'être introduit dans un square la nuit ou dans les catas à toute heure, je paie. Faut assumer ses conneries. Même si on ne balance pas soi-même des caillasses ou sa Kro vide sur les condés, quand telle est le situation autour de soi, soit on tâche de faire cesser ces conneries-là - il est vrai que la majorité ne mange pas de ce pain-là -, soit on se casse. Si on est passif jusqu'à être sur le chemin de la charge des CRS, c'est qu'on cautionne le bordel, ou au minimum qu'on le tolère, en tout cas on n'est pas qualifié pour dénoncer les opérations de maintien de l'ordre.
Tu dénonces la répression à la République. J'ai vu autre chose. Je parle d'observation, pas d'interprétation et moins encore d'opinion. J'ai vu au contraire une grande permissivité. Les flics sont là, comme aux abords de tout rassemblement. Et quand ça part en couille, ils font leur boulot. Mais ça part rarement en couille et les matraques ont été peu utilisées. Globalement, je n'ai pas vu quoi que ce soit qui vise à faire cesser le mouvement par la force ou la coercition. Et si tu veux mon avis : bien évidemment je m'en réjouis.