Ven. 09 Avr. 2004, 09:26
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METRO 09/04/2004 : De l'art à partir de plaque d'égout !
http://www.metrofrance.com/site/home.php...mots=égout
Citation :METRO 09/04/2004
Passionné par les plaques d'égout, Didier Serplet parcourt le monde à la rencon-tre de ces points de passage entre deux mondes, qu'il décline sous toutes les formes : photographies, cartes postales, illustrations pour livres, oeuvres en PVC. Rencontre avec un artiste-plasticien à côté de sa plaque.
Pourquoi recenser les plaques d'égout ?
Les villes en Europe ont leur cathédrale, leurs magasins mais aussi leur marque de fonte. C'est un patrimoine auquel les gens s'intéressent beaucoup. Et la plaque d'égout, si vous regardez bien, est composée d'un carré et d'un cercle. Ce sont des fondeurs qui ont eu l'idée de faire ça. Avec tout leur savoir-faire, ils ont retrouvé les deux figures symboles des artistes les plus contemporains du XXe siècle. Mais la plaque
d'égout, c'est aussi un passage entre l'aérien et le souterrain. Elle alimente nos mystères, nos fantasmes dans un monde urbain o๠l'on a besoin d'espaces de repli
La ville vous paraît-elle oppressante ?
Dans nos villes, le monde devient claustrophobe. C'est logique, plus on est de fourmis, plus on va se marcher les uns sur les autres. J'aime l'univers urbain et le béton, j'y vis et j'y travaille, mais si j'ai transformé des combles en atelier, en un trou perdu que je garde secret, c'est que j'ai besoin de solitude. Je pense qu'on a tous besoin de mondes intercalaires à soi, d'intimité. Aujourd'hui, tout le monde, notamment les artistes, dévoile tout. On est dans l'art masturbatoire, le porno-chic.
Vous sentez-vous éloigné des artistes contemporains ?
Je trouve qu'il y a une attitude très narcissique dans le fait de tout exposer. L'esthétisme m'intéresse mais le côté humain aussi. C'est pour ça que je travaille beaucoup avec les gens de la BD. J'y trouve une ambiance fraternelle, même si le mot est un peu ringard. L'art pour moi c'est aussi une histoire de vie, avec ses moments de faiblesse. Un artiste ne fait pas des choses géniales tous les jours. Mais il y a beaucoup d'artistes qui s'expriment en silence et assument le fait de ne pas vendre. Et il y a nettement moins de collectionneurs privés, aujourd'hui, les gens prennent moins de risques. En fait, il vaut mieux être mort parce que, du coup, on fait monter la côte. Moi, je ne suis pas riche mais je vis de ce que je fais.
L'art aujourd'hui vous semble-t-il dévoyé ?
Notre époque a tout mélangé, l'art, la mode, Karl Lagerfeld. On a ouvert l'art aux gens mais uniquement dans un but mercantile. On est dans le pouvoir d'achat, c'est tout. On consomme à vitesse grand V et l'art est devenu de la décoration. Je préfère l'art "intégriste", sans compromis ni compromissions même si je pense que l'art ne doit pas toujours montrer des écorchés mais permettre parfois d'atténuer les souffrances, être un baume.
Pour vous, c'est quoi un artiste ?
Un type qui balaie bien, en y mettant son coeur, son énergie, son engagement, pour moi, c'est un artiste. Ce n'est pas seulement le résultat qui compte mais l'acte et ce qu'on met dedans. Pour moi, l'art n'apporte pas de réponse, c'est plutôt un questionnement perpétuel, une inquiétante étrangeté qui ouvre des portes. C'est pour ça que j'aime les plaques d'égout, ces trous contemporains, l'idée d'ouvrir le couvercle, même s'il n'y rien en dessous.
A quand remonte cette fascination pour les trous ?
J'ai grandi à la campagne, en Charente, o๠nous n'avions pas l'eau courante. En été, lorsque le puit du village était à sec, on était
obligé d'aller chercher d'au-tres sources avec des sourciers et on creusait des trous. Il y avait aussi cette tombe sur laquelle mes parents nous emmenaient pleurer, mes frères et moi, je ne savais pas qui c'était. A 12 ou 13 ans, j'ai appris qu'il s'agissait d'un frère aîné mort-né. Le rapport à la mort a donc été très présent dans ma jeunesse. J'ai longtemps été suicidaire. Lorsque je suis entré aux beaux-arts, à Angoulême, je me sentais toujours aussi mélancolique mais l'art a été un exutoire. Puis, quand je suis monté à Paris o๠j'étais étalagiste et libraire, j'ai rencontré les nouveaux réalistes, Tinguely, César, etc. A la fin des années 1980, j'ai été chargé de l'installation du musée des Egouts.
Jeff95 ~(o|;o)