Dim. 06 Juin 2010, 00:09
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Citation :Plus de 5 000 manoirs classés appartiennent à des particuliers qui souffrent du désengagement financier des collectivités.
Dans leur château au milieu de parcs fleuris et posant de préférence en famille, ils font régulièrement la une des magazines et font rêver. Mais ces châtelains perdent aujourd'hui quelque peu le sourire. La crise leur fait craindre un avenir morose. Le régime des subventions auquel ils ont droit se tarit comme le révèle une étude menée par la Demeure historique, une association qui se charge de ce patrimoine privé et de loin le plus nombreux. Sur les 6 450 châteaux et manoirs inscrits ou classés, 5 550 sont en effet entre les mains de particuliers. Les 900 autres relèvent du secteur public.
Ainsi depuis plusieurs années et en parallèle des baisses des aides de l'àtat passant de 30 millions d'euros en 2000 à 25 millions environ l'an passé, les collectivités locales se désengagent. Cette année, on compte 34 départements ayant supprimé l'aide au propriétaire privé. Ce repli inquiétant avait commencé il y a plusieurs années. Entre 2003 et 2007, les crédits avaient chuté de 33 % passant de 10 millions à 6,7 millions d'euros et, en 2008, on dénombrait 28 conseils généraux ayant coupé les vivres au privé.
«Véritable sacerdoce»
Or la situation pourrait continuer à se dégrader. Entre le contexte économique de crise, l'augmentation des prestations sociales, mais aussi le transfert de compétences entre l'àtat et les collectivités, les départements sont aujourd'hui confrontés à des difficultés budgétaires. L'argent manquant, ces derniers se recentrent sur leurs activités obligatoires, comme le volet social. Des coupes sombres ont déjà été annoncées sur des secteurs comme l'associatif et la culture.
Quant aux 21 régions, 14 d'entre elles n'accorderont plus de subvention cette année. Alors que la courbe des crédits affichait jusqu'alors une augmentation constante (1,6 million d'euros en 2003 contre environ 3 millions d'euros en 2008), elle pourrait cette fois fléchir.
Face à ce désengagement, le responsable de la Demeure historique, Jean de Lambertye, demande une compensation de la part de l'àtat. Et sollicite 10 millions d'euros supplémentaires. «Que les taux d'intervention de l'àtat qui sont environ de 20 % pour les monuments classés et de 10 % pour les monuments inscrits passent respectivement à 50 % et 30 %». Une requête difficile à faire entendre : les châtelains faisant, il est vrai, davantage envie que pitié⦠En période de crise, leur sort n'est assurément pas prioritaire.
Le président de l'association ne le sait que trop bien et rappelle que l'enjeu n'est pas d'aider des gens à se loger dans un château, mais bien de protéger un patrimoine. «Nous sommes avant tout des entrepreneurs. Un château fait vivre des sociétés notamment dans des campagnes reculées», dit-il en rappelant aussi ce pacte qui unit l'àtat et ces châtelains privés. Ainsi, l'ordonnance du 9 septembre 2005 les rend «responsables de la conservation du monument historique». Une mission aussi belle que coà»teuse qui doit se réaliser dans les règles de l'art et sous le contrôle des architectes des Bâtiments de France. Ce «véritable sacerdoce», selon ce responsable, doit avoir, d'après lui, comme contrepartie, un appui financier. «Il ne s'agit pas d'aider tous les châteaux chaque année, mais d'apporter des soutiens ciblés aux propriétés fragiles», poursuit-il.
Parmi les plus emblématiques, ces propriétés seraient, selon lui, au nombre de 600 environ. Sans ces appuis et si le désengagement financier se poursuivait, c'est l'allure de ces châteaux qui en sera affectée. «Ils tomberont en ruine et partiront entre les mains d'acquéreurs étrangers», lance un propriétaire.
Renoncer aux restaurations
Déléguée régionale pour la Demeure historique en Basse-Normandie, Isabelle d'Harcourt confirme que, sous l'effet de la crise, la situation a bien changé et que les aides sont plus que jamais nécessaires. «Des propriétaires qui exercent des professions libérales ont vu leurs revenus chuter. Ils ont en plus surestimé les aides et sous-estimé les dépenses», décrit-elle.
Les conséquences de cette mauvaise passe sont diverses : «Certains aujourd'hui se demandent s'ils ne vont pas devoir renoncer à leur château. D'autres plus nombreux et à court d'argent, ont dà» interrompre des chantiers et même renoncer aux subventions. Ils ne pouvaient plus rassembler les fonds nécessaires.» Un gel forcé de la restauration qui met à mal la vieille pierre et porte un coup dur à l'économie locale.