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Citation :Marseille sanctuarise une antique carrière grecque
Les vestiges de la Corderie, vieux de 2 600 ans, témoignent des premiers temps de la cité phocéenne.
LE MONDE | 02.08.2017 à 10h48 | Par Florence Evin
A Marseille, la décision de Françoise Nyssen devrait calmer le jeu, face aux demandes de Jean-Luc Mélenchon et des 9 400 signataires de la pétition mise en ligne par Jean-Noël Bévérini pour sauver la carrière antique de la Corderie. La ministre de la culture a décidé de « sanctuariser » une partie du site voué à la construction d’une centaine d’appartements et de classer « monuments historiques » les vestiges grecs, vieux de 2 600 ans, qui témoignent des premiers temps de la cité phocéenne. Car Marseille, la plus ancienne ville de France, première colonie grecque en Gaule, a été fondée par les Phocéens, ces Grecs d’Asie mineure venus d’Ionie (actuelle côte turque), en 600 av. J.-C.
L’antique carrière de la Grèce archaïque, dite de la Corderie, a été mise au jour sur les contreforts de Notre-Dame-de-la-Garde par la fouille de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). Celle-ci fut décidée, comme le veut la loi dans les zones archéologiques, avant la construction d’une centaine de logements, commerces et crèche, par Vinci Immobilier sur un terrain de 6 000 mètres carrés.
A Marseille, fouille de l’Inrap dans la carrière antique de la cité phocéenne, dite de la Corderie, VIe siècle av. J.-C., où il reste l’empreinte des blocs de calcaire taillés, donnant le volume prélevé de pierre. CYRIL MONTOYA/DRAC PACA/SRA
« On est là dans les premiers temps de la ville, alors qu’elle se structure, cinquante ans après sa fondation. Les traces les plus anciennes datent du début du VIe siècle av. J.-C. La carrière a été exploitée jusqu’au IIe siècle », note Philippe Mellinand. L’archéologue de l’Inrap a fouillé pendant deux mois, avec une équipe de douze personnes, les 1 200 mètres carrés sur 5 à 6 mètres de haut, soit précisément l’emprise de la carrière antique, située à proximité du Vieux-Port – lequel était déjà, à l’époque, aménagé avec des quais dans cette calanque en forme de fer à cheval.
« Tout est visible sous nos yeux car tout a été dégagé, souligne Philippe Mellinand. Ce sont les empreintes en négatif du calcaire prélevé, celles des blocs de sarcophages en cours de taille, comme de leurs couvercles, celles des éléments circulaires, meules, pierres de pressoirs, bases ou tambours de colonnes. » Jusqu’à l’empreinte des blocs modulaires (1,50 m sur 50 cm) pour les fondations des premiers bâtiments publics, ou encore celle de l’impact des outils utilisés : pics à pointe, coins, etc. Et quelques rares tessons d’amphores à vin qui ont été abandonnés par les ouvriers de la carrière.
A Marseille, fouille de l’Inrap dans la carrière grecque datant du VIe siècle av. J.-C., témoignant des premières années de la fondation de la cité phocéenne. CYRIL MONTOYA/DRAC PACA/SRA
« Une servitude de passage libre »
« De la ville, on a les morts et les vivants, et le témoignage d’une économie florissante », résume Dominique Garcia, président de l’Inrap, qui se réjouit de l’opération : « C’était un des rares espaces verts du centre-ville. On est là dans le port grec ; la fouille n’a pas eu lieu par hasard. Un diagnostic de repérage a montré que les vestiges étaient présents et conservés. »
Selon Xavier Delestre, conservateur régional de l’archéologie à la direction des affaires culturelles (DRAC) de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), « le futur bâtiment va être construit sur les vestiges sans intérêt. Nous avons passé un accord avec l’aménageur. A la place d’un jardin, nous aurons la présentation des vestiges protégés, comme l’a confirmé la ministre à Jean-Luc Mélenchon et au voisinage. Il y aura une servitude de passage libre ». Sur 650 mètres carrés, la carrière antique restera ainsi visible au public.