Mar. 30 Sep 2003, 20:14
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Citation :L'avant-dernier puits de charbon de France a fermé à Merlebach
LEMONDE.FR | 20.09.03
Samedi, une cérémonie a eu lieu au sommet de la fosse mosellanne, qui a été exploitée durant 150 ans. En avril 2004, ce sera au tour du tout dernier puits de France, celui de La Houve à Creutzwald (Moselle) et ses quelque 580 mineurs.
Mandoline, fanfare, chants nostalgiques et minute de silence aux morts de la mine : tels ont été les principaux ingrédients de la mise en scène voulue par les Houillères du bassin de Lorraine (HBL) pour marquer l'arrêt de l'extraction sur le puits de Merlebach (Moselle), samedi 20 septembre. Devant un parterre de 2 400 invités, dont 1 500 mineurs, des hommes du fonds en tenue ont poussé symboliquement la dernière berline de charbon de la mine de Merlebach après 150 ans d'exploitation, le tout filmé et retransmis sur écran géant.
A la remontée du dernier "skip" (ascenseur à charbon) chargé de 15 tonnes de houille, l'animateur a palpé un morceau de charbon et s'est extasié, le micro dans l'autre main : "Rendez-vous compte, c'est le dernier !", répétait-il. A ses côtés, un mineur semblait amusé devant l'engouement de l'animateur, mais avouait tout de même "un gros pincement au coeur". En réalité, la mine de Merlebach va encore continuer l'extraction jusqu'en octobre, le temps de parcourir les derniers mètres de la veine "Dora", qui a produit 1,5 millions de tonnes depuis juin 2002.
Mais ces derniers jours, à plus de 1 200 mètres sous terre, dans les galeries du puits Vouters à Freyming-Merlebach résonnaient toujours les bruits de chantier et les voix des "gueules noires" qui ont enlevé les dernières tonnes de charbon français avant la fin de l'extraction. En avril 2004, ce sera au tour du tout dernier puits de France, celui de La Houve à Creutzwald (Moselle) et ses quelque 580 mineurs.
TRISTESSE ET RàSIGNATION
Dans la "cage", sorte de parallélépipède d'acier qui descend à environ 10 mètres par seconde, André Schneider, 60 ans, adjoint au chef d'unité d'exploitation, parle avec émotion de ses débuts comme simple apprenti, à l'âge de 14 ans, et des échelons gravis "un par un". Le vieux mineur, qui conserve toujours son "grisoumètre" en bandoulière autour du cou pour détecter le gaz de mine, avoue sa "tristesse" devant la fermeture de la mine. "Mais il faut aussi voir la réalité économique et les difficultés que l'on rencontre à 1 250 mètres", ajoute-t-il.
"Au fond", les mineurs à l'oeuvre depuis les premières heures de l'aube n'ont plus de visible que le blanc des yeux. Dans la chaleur étouffante du front de taille, ils manoeuvrent la haveuse, une machine colossale de 1 400 kW, qui abat des pans entiers de charbon avec d'effrayants tambours hérissés de pics. D'autres mineurs sont chargés de la sécurité, de l'entretien des machines électromécaniques, de l'aération des galeries, du transport des hommes.
Bernard Baumann, 42 ans, dont 21 années de mine, est un des ouvriers du fond. "La fermeture, c'est dommage : il reste encore du charbon ici", dit-il. "On m'a proposé une place aux espaces verts, pour le jardinage et l'entretien ; ça va me changer", lance ce mineur qui a fait partie de la dernière vague d'embauches aux HBL au début des années 1980.
"FAMEUSE SOLIDARITà"
A l'abri sous d'impressionnantes piles de soutènements hydrauliques, le haveur, Yves Zimmermann, 39 ans dont 21 ans à la mine, est fier de tenir en main la télécommande de la gigantesque dévoreuse de charbon. Interrogé sur la fin de la mine, ce fils et petit-fils de mineur, comme beaucoup de ses camarades, lâche résigné qu'il devra "partir le 1er novembre" et qu'il n'a "pas le choix".
Le chef porion d'exploitation, responsable de l'encadrement au fond, Laurent Semmelbeck, 43 ans, 23 ans aux HBL, le visage noirci comme ses hommes, est un brin nostalgique, lui aussi. "Ce qui va nous manquer, c'est le relationnel entre les hommes, cette fameuse solidarité entre les mineurs qui fait de notre métier une vraie passion", explique-t-il. "Si un autre chantier s'ouvrait, je continuerais, mais là je vais profiter du changement pour faire autre chose", ajoute le chef porion en regrettant que "le mineur en général a peur du changement".
En revenant vers l'air libre, "l'about" (liftier) chargé de manipuler la cage, Gaà«tan Cinquerughe, 42 ans, dont 24 passés à la mine, se montre tout aussi résigné. Pour ce mineur fils d'immigré au casque frappé du drapeau italien, la "quille" sera l'occasion de faire plus de loisirs : "Je vais acheter un camping-car et faire le tour de France en famille", sourit-il.
A quelques encablures de Merlebach, la mine allemande du Warndt, de l'autre côté de la frontière, va continuer son activité pour une période indéterminée. Frédéric Weissenbach, 44 ans dont 27 ans de mine, chef d'équipe fermeture, se dit "attristé". "àa sent vraiment la fin aujourd'hui", a-t-il déclaré samedi, avant d'ajouter : "Après la mine, quel sera l'avenir de nos enfants ? La question reste en suspens."
D'autres déçus de la fermeture, les mineurs de la CGT, dont le syndicat n'a pas signé le pacte charbonnier planifiant la fin du charbon en France, ont manifesté leur désaccord en distribuant des tracts. "Il y a dans cette cérémonie une connotation festive, alors que la fermeture n'a rien de réjouissant pour l'avenir du bassin houiller", a déclaré Yves Hockenberger, secrétaire de la CGT des HBL.
Avec AFP
-- h2o
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