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Dans la ville espagnole de Ceuta, un tunnel la reliant au Maroc a été découvert

Les enquêteurs de la garde civile estiment que le tunnel, construit à 12 mètres de profondeur, servait principalement au trafic de haschich.

https://www.lemonde.fr/international/art..._3210.html


 
L’entrée d’un tunnel de 50 mètres de long, découvert dans l’enclave africaine de Ceuta, qui pourrait avoir été utilisé pour transporter de la drogue du Maroc vers l’Espagne. Cette photo a été diffusée par la Guardia civil espagnole, le 19 février 2025. GUARDIA CIVIL ESPAGNOLE / AFP

Sous une trappe, cachée dans un entrepôt abandonné de la zone industrielle du Tarajal, dans l’enclave espagnole de Ceuta, à la frontière avec le Maroc, des agents de la garde civile ont découvert, le 18 février, un tunnel, probablement destiné au trafic de drogue. Courant à 12 mètres sous terre, cette galerie souterraine est une véritable œuvre d’ingénierie. Illuminée et soutenue par des poutres, elle passe sous le lit d’une rivière et se prolonge, sur une distance d’au moins 50 mètres, jusqu’à la frontière. Du jamais-vu en Espagne.

« Il y a une quinzaine d’années, nous avions détecté des mouvements de drogue au travers du réseau d’égout – des grilles et des capteurs avaient ensuite été installés –, mais rien qui ressemble à ce tunnel », explique au Monde un responsable de communication de la garde civile de Ceuta. L’Audience nationale, le haut tribunal de Madrid chargé du crime organisé, a demandé la collaboration des autorités du royaume chérifien pour savoir où il débouche. Du côté marocain, la zone frontalière est occupée par une base militaire et des maisons dispersées.

C’est une longue enquête sur un réseau de trafic de drogue opérant dans l’enclave espagnole qui a permis aux enquêteurs de l’unité des affaires internes de la garde civile de découvrir ce tunnel. La saisie de 6 000 kilogrammes de haschich, cachés dans le double fond de trois camions en partance pour Algésiras, entre 2023 et 2024, a abouti à l’arrestation, en janvier, de 14 personnes, dont deux gardes civils, un fonctionnaire de prison et un député du parti local Mouvement pour la dignité et la citoyenneté (MDyC).

Deux semaines plus tard, des enquêteurs de Madrid sont venus inspecter l’entrepôt du Tarajal, occupé jusqu’à la pandémie de Covid-19 par une entreprise de marbre, abandonné depuis, où l’entrée du tunnel a été mise au jour. Le lendemain, une autre opération, a priori indépendante, a permis de saisir 700 kg de haschich non loin, dans un autre entrepôt du Tarajal. Cinq personnes ont été arrêtées.

Cette infrastructure inquiète les experts en sécurité. « Il faudrait être naïf pour penser qu’un tunnel comme celui-ci sert seulement à transporter du haschich, estime Chema Gil, consultant en sécurité et terrorisme international. C’est un tunnel praticable relativement bien construit qui suppose un degré de perfectionnement important des trafiquants. Il a pu servir pour toutes sortes de trafics illicites, de drogue mais aussi de personnes, voire d’armes. » La garde civile de Ceuta se veut néanmoins prudente face aux suppositions et extrapolations, tant que l’affaire reste soumise au secret de l’instruction.

L’Espagne est la principale porte d’entrée de la résine de cannabis marocaine en Europe, selon Europol. Elle partage aussi cette fonction avec Anvers et Rotterdam pour ce qui est du trafic de cocaïne. Or, le détroit de Gibraltar, entre Ceuta et le nord du Maroc d’un côté, et Algésiras et les communes de la province du Campo de Gibraltar, est « la zone maritime où le trafic de drogue est le plus intense », selon le département de sécurité du ministère de l’intérieur espagnol.

Depuis le début du mois de février, deux trafiquants de drogue sont morts à la suite de course-poursuite avec des gardes civils dans le détroit de Gibraltar. En février 2024, ce sont deux gardes civils qui ont été tués après avoir été emboutis par une embarcation pilotée par des narcotrafiquants. Le ministère de l’intérieur a intensifié, ces dernières années, la lutte contre le trafic de drogue dans la région du Campo de Gibraltar. En 2024, plus de 12 000 opérations y ont été menées, soit 43 % de plus qu’en 2023. Plus de 150 tonnes de haschich, 69 tonnes de marijuana et 44 tonnes de cocaïne y ont été saisies.

Sandrine Morel (Madrid, correspondante)