Mer. 21 Mars 2007, 23:12
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www.lemonde.fr a écrit :Le docteur Jean Talairach est mort jeudi 15 mars à l'âge de 96 ans dans la chambre qui fut jadis son bureau personnel, au sein du très vieil hôpital parisien Sainte-Anne, créé par Saint-Louis au XIIIe siècle.
C'est dans cet établissement que ce neurochirurgien à la personnalité hors du commun est parvenu, à la tête d'une petite équipe multidisciplinaire, à développer une technique révolutionnaire qui permet d'obtenir une vision tridimensionnelle des structures et de certaines fonctions du cerveau humain.
Poursuivant, à distance, l'oeuvre commencée par Paul Broca au XIXe siècle, ses travaux ont conféré une renommée internationale à l'école de Sainte-Anne dans le domaine de l'exploration, toujours en pleine expansion, à la fois diagnostique et thérapeutique du système nerveux central.
Jean Talairach naît le 15 janvier 1911 à Perpignan. Rien ne semble destiner à l'exercice de la médecine un enfant que sa mère, pianiste, a formé à la pratique experte du violon. Passionné de l'exploration des caves et des mines désaffectées, ce féru de géométrie et d'architecture gagne pourtant les amphithéâtres de l'antique faculté de médecine de Montpellier. Esprit curieux, intéressé par la psychiatrie, il "monte" vers la capitale en 1938.
RàSISTANT
A l'hôpital Sainte-Anne, ce jeune psychiatre soutient une thèse de doctorat consacrée aux "psychoses ovariennes". Durant l'occupation allemande, il dresse à l'attention des forces alliées un plan détaillé des anciennes galeries souterraines des carrières de Paris. Résistant, il est fait membre de la Légion d'honneur en 1944.
Un élément déterminant de sa carrière sera sa rencontre avec le professeur Marcel David, chef du service de neurochirurgie de Sainte-Anne qui avait été créé en aoà»t 1939. C'est là qu'il commence à réfléchir à ce qui deviendra l'approche stéréotaxique, qui permet de localiser avec précision des zones du cerveau.
En l'absence de toute forme de visualisation radiologique des structures cérébrales et alors que personne ne pouvait imaginer ce que seraient les apports du scanner, de l'imagerie par résonance magnétique et de l'informatique, Jean Talairach parvient à résoudre plusieurs problèmes fondamentaux.
Il le fait à partir d'un système de fixation rigide, adaptable à toutes les formes et tailles de crânes (le premier et toujours célèbre "cadre de Talairach" fabriqué dès 1947 mais jamais breveté). Il avait ensuite trouvé une élégante solution pour la définition et le repérage précis d'une structure cérébrale dans les trois plans de l'espace, sans déformation, en dépit des maigres moyens radiologiques disponibles à l'époque.
DES ATLAS
Enfin, une série de travaux anatomiques d'une qualité toujours saluée à l'échelon international permettront à Jean Talairach et à ses collaborateurs (Pierre Tournoux, Gabor Szikla et Jean Bancaud) de progresser dans un travail sans précédent de cartographie cérébrale.
Cette équipe avait ainsi dressé des atlas qui font toujours autorité, leurs données ayant été progressivement intégrées dans des logiciels informatiques qui permettent aux neurochirurgiens de "naviguer" dans le cerveau en sachant à tout moment, et en temps réel, à quel endroit se trouve la pointe de leurs instruments.
Via cette nouvelle modalité thérapeutique, dite "navigation interventionnelle", les "cartographies de Talairach" guident et continueront longtemps de guider les neurochirurgiens du XXIe siècle, qu'il s'agisse de traiter l'épilepsie, les mouvements anormaux, certaines affections neurodégénératives ou tumeurs cérébrales.
La disparition de Jean Talairach coà¯ncide avec la publication d'un précieux ouvrage, dont il avait assuré la présentation, exposant l'histoire de cette école de Sainte-Anne qui lui doit tant (Souvenirs des études stéréotaxiques du cerveau humain, Editions John Libbey Eurotext, Paris).
Médecin humaniste, modeste jusqu'à l'orgueil, Jean Talairach est demeuré très largement méconnu de ses contemporains.
Jean-Yves Nau
Dans lâexploration urbaine rien n'est acquis, tous est à prendre â¦