Mar. 11 Mars 2003, 09:25
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A Paris, une nouvelle pièce du jeune Gildas Milin, auteur obnubilé par la neurobiologie. Chaos de cerveaux
Par Maoea BOUTEILLET
lundi 10 mars 2003
l y a trois ans, au sortir de sa précédente création (le Premier et le dernier à Bourges), Gildas Milin évoquait déjà son attrait pour les recherches en neurobiologie qui sous-tendent aujourd'hui sa nouvelle pièce, Anthropozoo (1), dont il signe là encore texte, mise en scène et scénographie. Artiste vif  aussi bien plasticien, musicien qu'homme de théâtre  le jeune Milin est allé pendant près d'un an à la rencontre de spécialistes du cerveau pour creuser avec eux cette question de la conscience humaine qui le taraude pièce après pièce. Remisant sa lecture jusque-là plutôt mystique du monde, pour l'aborder sous un angle plus rationnel mais non moins vertigineux.
Tests médicaux. L'histoire se passe dans un sous-sol étouffant, mais l'atmosphère tient ici davantage de la SF que du polar. Anthropozoo explore un futur immédiat dévasté par la guerre. Les hommes qui la font (les généraux, les fils et les frères morts) n'existent que dans le hors-scène. Seules les femmes occupent le plateau. La plupart sont des prisonnières. Soumises à d'importantes radiations au moment de leur capture, elles font l'objet de tests médicaux intensifs sous la surveillance d'une neurologue, Anna Adviso. Celle-ci, inventrice d'une drogue utilisée par l'armée pour endormir le libre arbitre et les états d'âme des soldats, entrevoit soudain le danger potentiel lié aux nouvelles «anthropotechniques» («l'hybridation de l'humain avec l'ordinateur» entre autres).
Nouveau monde. La pièce commence au moment o๠la scientifique demande à son ordinateur personnel de lui simuler un public. «Les rendre réels. Créer une adresse directe (...) Ce public devra figurer les représentants des différents courants de résistance.» L'auteur envisage le théâtre comme lieu o๠s'interroger sur «l'humain comme nouveau monde. Comme site et comme espace de découverte mais aussi potentiellement comme nouvel espace de contrôle». Déterminée et désarmée, sur son pan de scène qui avance au coeur de l'auditoire, la jeune actrice Sophie Rodriguez, à laquelle revient l'essentiel du texte, relaye ces questions de la manière la plus touchante. «Imaginez, dit-elle les yeux brillants d'émotion, qu'on puisse mettre de l'amour en éprouvette, de l'amour en formule, en molécule, en médicament.»
Mugissements. Le vide carcéral du plateau, les costumes taillés façon camisole de force, le travail de lumière et de sons, aux variations parfois imperceptibles, et surtout ce blanc létal qui recouvre toute chose concourent à créer un univers psychiatrique o๠les affects semblent surexposés. Interférant avec le discours d'Anna qui s'efforce d'être la plus rationnelle possible, les femmes émettent des aboiements, mugissements, hurlements (pas toujours du meilleur effet), en même temps qu'elles rampent, se contorsionnent, dansent en une sorte de mouvement de folie collective.
O๠tout cela mène-t-il ? Au risque de passer pour un naà¯f, Milin est un raconteur d'histoires. Et il le fait en coordonnant avec habileté les différents éléments du plateau. Le spectacle passe par des moments de creux o๠l'on a le sentiment que l'auteur a été dépassé par son sujet. Pourtant, à la sortie, quelque chose en nous a bougé.
(1) Actes Sud-Papier.
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