Ven. 16 Mai 2003, 16:10
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Citation :Un siècle et demi d'épopée ferroviaire sur les Champs-àlysées<!-- m --><a class="postlink" href="http://www.figaro.fr/france/20030516.FIG0165.html">http://www.figaro.fr/france/20030516.FIG0165.html</a><!-- m -->
Sur les Champs-àlysées, l'exposition «Train Capitale» doit être inaugurée ce matin à 11 heures. Non sans une certaine appréhension de la part des organisateurs. En effet, quelques difficultés de trafic persistaient hier sur le réseau SNCF francilien après la grève de mercredi et d'hier. L'événement syndical va-t-il ternir l'événement festif ? Telle est la question à la veille de l'ouverture au public. Au moins, tous les engins qui témoignent de l'histoire du chemin de fer ont été installés comme prévu. Pour en arriver là , une grande valse de locomotives et de wagons a, durant plusieurs nuits, transformé Paris en un circuit de trains géant, sous l'oeil de passants ébahis. Et, après une première soirée d'acheminement épique (nos éditions du 7 mai), la machine semble bien huilée. Reste qu'elle suscite toujours autant d'émotion, de fierté, et aussi de hantise dans les rangs des concepteurs. Comme lors de cette nuit du week-end dernier, lors de l'arrivée des véhicules les plus anciens.
Il fallait absolument immortaliser l'instant. Alors, samedi soir, la Marc Seguin s'est offert un tour complet de l'Arc de triomphe, pour la gloire. Puis la petite machine, fidèle reconstitution de la première véritable loco made in France, solidement arrimée à son camion de l'armée, s'est engagée dans une descente tout aussi triomphale des Champs-àlysées dans une lumière dorée de fin de journée. Un premier aperçu des honneurs et de la célébrité qu'elle récoltera pendant tout un mois puisqu'elle a pris place, jusqu'au 15 juin, en tête de «Train Capitale».
Une heure et demie plus tôt à peine, ce samedi, la Marc Seguin et deux autres respectables dames du rail, presque aussi vieilles que le chemin de fer lui-même, la Buddicom Saint-Pierre et la Crampton, n'étaient alors que sur la place d'armes de la caserne du 5e régiment de génie à Versailles. Il revenait à cette formation, spécialisée dans la réalisation ou la réparation de réseaux d'infrastructures et donc rompue aux travaux de voies ferrées, la tâche de mener ces grands ancêtres du chemin de fer à bon port, à bord de ses camions.
Une fois les dernières consignes du capitaine Brice Desaulle énoncées et les sangles de la précieuse Marc Seguin vérifiées, le caporal Gilles Jean-Charles pouvait grimper à bord de sa cabine. Le jeune Martiniquais reconnaissait alors que la mission sortait de l'ordinaire. «Nous, on transporte des pelles, des «bulls»... Tous les engins de travaux publics. Alors aujourd'hui, ça n'a rien à voir.» Mais en prenant avec son camion la tête de l'inhabituel convoi, le caporal ne s'estimait pas ému outre mesure. «Il faut rester concentré», disait-il plutôt en tenant à l'oeil tant sa route que son chargement, et sans savoir vraiment dans les détails ce qu'était cette drôle de machine sur sa remorque.
De Versailles à Paris, la Marc Seguin a ainsi suivi son petit bonhomme de chemin, contournant doucement des ronds-points et passant sous des ponts, croisant des passants interloqués. Dans un restaurant chinois, les clients surpris par le cortège semblaient en avoir oublié leurs baguettes. Peut-être à cause de ces spectateurs aux regards écarquillés ou de tous ces photographes et cameramen qui virevoltaient autour de son engin, peut-être à cause de ce tour de manège très médiatique sur la place de l'àtoile, Gilles Jean-Charles s'était pris au jeu. «J'en ai fait des trucs dans ma vie, mais ça... C'est jouissif ! Je m'en souviendrai», remarquait-il dans un sourire. Finalement, il regrettait presque : «C'est allé trop vite.»
Après une telle promenade de santé, il fallait encore faire glisser la Marc Seguin, la Buddicom et la Crampton, bientôt rejointes par l'élégante voiture dite «des aides de camp» du train impérial, de leur camion sur leur voie ferrée. Des manoeuvres longues opérées sous l'oeil inquiet des responsables habituels de ces bijoux, qu'ils soient de l'Association pour la reconstitution et la préservation du patrimoine industriel, propriétaire de la copie de la Marc Seguin, ou bien du Musée français du chemin de fer de Mulhouse. Ainsi Georges Wursteisen, son responsable technique, et à ce titre maître ès bichonnages d'engins, ne cachait pas «sa trouille» de voir abîmer la Buddicom ou la Crampton, sa préférée. Il remarquait déjà : «Les cuivres et les laitons ont terni. Les machines, on ne les manoeuvre pas souvent et là , elles ont pris la flotte, évidemment. Et il y a eu le transport...»
Mais l'âge des machines ne changeait pas grand-chose à l'affaire. Après tout, quelques jours plus tôt, des représentants de Siemens, un des partenaires industriels de «Train Capitale» avec Alstom et Bombardier, tremblaient déjà pour leur maquette de Tram-Train. Accroupis au ras des rails posés sur la Concorde, ils observaient chaque centimètre de l'installation un peu délicate de cet engin du futur. Et c'est le même air soulagé qui à chaque fois accueillait une manoeuvre rondement menée. Samedi dans la nuit, Georges tapotait ainsi les flancs de la Buddicom puis de la Crampton, comme on félicite une bête obéissante, pour marquer sa joie de les voir enfin bien droites sur les rails. Et admettait sa fierté de voir sur les Champs «le matériel que l'on choie toute l'année. Pour moi, à un an de la retraite, c'est une sacrée consécration».
A la SNCF ou chez WM àvénements, les organisateurs ne boudaient pas plus leur plaisir. Philippe Mirville, sous sa double casquette de porte-parole de la SNCF et de vice-président du Musée de Mulhouse, détaillait sans relâche les caractéristiques des machines à ses voisins et notamment à Guillaume Pepy. Le directeur général exécutif de la société de chemins de fer glissait alors : «L'amour de Philippe pour les trains fait partie de l'histoire de la SNCF !» Quant à Gad Weil, qui a imaginé de «retracer 150 ans d'histoire du train sur 1,2 km», il ressentait rien moins que de «la jubilation. Celle de voir qu'une idée qu'on a eue un jour tout seul mobilise 250 personnes trois ans plus tard. Et on sent déjà l'adhésion populaire». Car, même tard cette nuit-là , passants et passionnés s'agrippaient aux barrières de sécurité pour s'approprier, avant même l'ouverture de l'exposition, ce «Train Capitale».
Marie-Douce Albert
[16 mai 2003]
lafouine
http://www.cyberkata.org/
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