Jeu. 24 Nov. 2005, 17:51
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Citation :La malédiction de la momie àtzi
Maurin Picard
[24 novembre 2005]
Konrad Spindler ne croyait guère à la malédiction. Depuis qu'il avait rejoint l'équipe scientifique chargée d'étudier «l'homme des glaces», la célèbre momie rejetée par la montagne en 1991, dans le Tyrol italien, cet archéologue autrichien de 66 ans balayait la rumeur d'un revers de main. «Un tissu d'âneries, une invention des médias, se plaisait-il à dire, dissimulant mal son agacement. Et après, vous allez dire que je suis le suivant sur la liste, c'est ça ?» Konrad Spindler est mort un an plus tard, exactement, des suites d'une sclérose en plaques. Il devenait ainsi la sixième victime d'une étrange hécatombe qui, depuis quatorze ans, frappe ceux qui ont approché la momie de trop près : savants, journalistes, montagnards amateurs ou expérimentés. Surnaturelle ou pas, la tragédie est une aubaine pour les conteurs de tout poil : le scénario rappelle immanquablement les tribulations de la diabolique momie inca Rascar Capac, dans Les Sept Boules de cristal, treizième opus des aventures de Tintin. Hergé avouait d'ailleurs s'être inspiré des démêlés de la célèbre expédition Carnavon qui, en novembre 1922, découvrit la tombe de Toutankhamon dans la vallée des Rois en Egypte, avant de voir ses membres, lord Carnavon le premier, tomber comme des mouches, victimes du courroux du jeune souverain assassiné.
L'«homme de Similaà¼n», comme l'ont appelé les scientifiques, n'a rien à voir, bien sà»r, avec un pharaon ou un roi inca. Mais ce simple quidam de l'âge de bronze, si longtemps abandonné dans l'anonymat des cimes éthérées, pourrait-il avoir été dérangé dans son sommeil éternel, au point de décimer ses plus fidèles disciples, cinquante-trois siècles après sa mort ? Les inconditionnels d'àtzi, nombreux en Autriche, o๠l'homme des glaces est devenu une vraie star, au point d'avoir gagné ce sobriquet affectueux, ne peuvent s'empêcher de réprimer un frisson. En 1993, deux ans après la découverte d'àtzi, le professeur Gà¼nther Henn, qui avait de ses propres mains déposé les restes de l'homme préhistorique dans un body-bag, se tue dans un accident de voiture, à l'âge de 64 ans. Il se rendait justement à une conférence consacrée à àtzi, au cours de laquelle il comptait bien annoncer des «découvertes sensationnelles». Peu de temps après, le guide qui avait amené Henn sur le lieu du dernier souffle d'àtzi et ramené l'illustre dépouille mortelle dans la vallée en hélicoptère, Kurt Fritz, 52 ans, est pris dans une avalanche en montagne. Très expérimenté, connaissant la piste sur le bout des doigts, il est le seul de sa cordée à être emporté par la coulée de neige. Puis c'est au tour du journaliste allemand, Rainer Hoelzl, d'être emporté par une tumeur au cerveau. Il avait filmé le retrait d'àtzi de sa gangue de glace et en avait retiré un documentaire, diffusé dans le monde entier.
Le sinistre décompte reprend en 2004. Helmut Simon, le randonneur qui, avec sa femme Erika, avait découvert le corps des âges farouches, parfaitement conservé, au détour d'un chemin d'altitude, est, à son tour, victime de la malédiction. Agé de 67 ans, l'Allemand, parti seul en montagne lors de vacances en Autriche, disparaît dans le blizzard survenu brutalement sur les pentes de l'àtztal. Ironie du sort, à quelques lieues de la dernière demeure d'àtzi. L'équipe de secours mettra huit jours pour découvrir son corps gelé. Et le jeu de quilles continue : une heure à peine après les funérailles du malheureux randonneur, le chef de raid parti à sa recherche succombe à une crise cardiaque aussi soudaine qu'improbable. Dieter Warnecke, 45 ans, était en pleine force de l'âge et avait le coeur solide, assurent des membres de sa famille, inconsolables. Puis viennent les deux dernières victimes : Konrad Spindler, en avril dernier, et, en octobre, Tom Loy. Cet archéologue australien renommé, spécialiste en chimie moléculaire, est retrouvé inanimé à son domicile de Brisbane, dans le Queensland australien. La date du décès remonte à six jours. Suprême ironie, il mettait justement la dernière main à un ouvrage sur la momie du Tyrol, fondée sur une étude ADN de ses vêtements et des rarissimes outils de l'ère chalcolithique. La police, interdite, se hasarde à évoquer «une mort naturelle ou accidentelle, ou les deux». Loy, âgé de 63 ans, était certes un homme malade, tout comme Spindler. Il souffrait d'une affection du sang depuis douze ans. Là encore, l'imagination reprend le dessus : le mal avait été diagnostiqué peu après sa première rencontre avec àtzi, en 1993. «Tom ne croyait pas à cette superstition», précise aussitôt sa collègue et amie Gail Robertson. Tom Loy, fasciné par l'objet de son étude, s'était taillé une belle réputation dans la communauté scientifique, en réfutant la théorie initiale du décès accidentel d'àtzi, à la suite d'un accident de chasse en montagne.
Au cours de ses recherches, l'Australien avait fait une découverte incroyable. La hache trouvée auprès de la dépouille ainsi que ses vêtements étaient maculés de sang. Du sang appartenant à quatre personnes différentes, pour être précis. Ce qui laisserait penser qu'àtzi, peu avant sa mort, ait pu participer à un combat sans pitié, tuant au moins deux de ses assaillants avant d'être submergé. En témoignent les multiples entailles zébrant mains, poignets et thorax, et surtout la pointe de flèche, découverte tardivement dans le creux de ses reins. Blessé, le fougueux àtzi se serait consumé d'épuisement, tentant en vain de passer un col à 3 400 m d'altitude. Cette théorie a été reprise dans un documentaire réalisé par la BBC (1).
Pour l'heure, sept cadavres et pas le moindre commencement d'un indice. Les polices autrichienne et italienne sont sur les dents, mais le seul et unique suspect détient un alibi en béton. Blotti dans une pièce réfrigérée à â 6°C, au coeur du musée érigé en son honneur à Bolzano (Italie du nord) en 1998, àtzi n'a plus bougé un orteil depuis.
(1) Le mystère àtzi, de Richard Dale et Andrew Bampfield, diffusé le 22 aoà»t 2005 sur France 2.
lafouine
http://www.cyberkata.org/
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