Sam. 15 Oct. 2005, 22:01
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DANS LA NUIT DES GALERIES
Qui n'a pas son souterrain, sa galerie, sa cave, son trou... qui aboutit justement à l'entrée de la mairie, dans les douves du château, juste à côté du tablier du pont? Les boyaux ont bercé nos histoires d'enfance, alimenté nos trouilles de bambins « vas-y descends ayec la bougie, si il n'y a pas d'oxygène, elle s'éteindra... ») suscité les fantasmes les plus fous « il paraît qu'il y a un type qui est entré il y a dix ans et qu'il tourne encore pour trouyer la sortie»), nourri les imaginations (« il y a des ossements humains dis-donc »), fait réécrire des pages d'histoire « Pendant la guerre, des résistants s'y cachaient ») aiguisé les craintes « il y a des rats ayec de telles dents qu'ils peuyent te sectionner le tendon d'Achille») de tous bords. Dans la vie tout court, c'est quand même beaucoup plus simple.
Conflans abrite 30 carrières et 300 caves (entre 18 et 20 hectares), la plupart creusées et exploitées au 19ème siècle pour en extraire la pierre à bâtir qu'on retrouve dans des endroits célèbres (la statue des grands hommes au Louvre, les chapiteaux de la gare de l'Est, plus de 92 statues de Versailles, les voà»tes et les coupoles du Panthéon...). Une fois l'exploitation du calcaire achevée, c'est à l'élevage de champignons que ces lieux ont été dédiés.
Il ne reste aujourd'hui qu'un seul exploitant. Les autres carrières ne reçoivent guère de visites que celle, annuelle, de l'architecte de l'IGC (Inspection générale des carrières) Claude Mussillon.
Surveiller le Conflans souterrain
But de ces promenades, contrôler l'état des galeries et des caves qui se trouvent sous le domaine public. Alors, durant une quinzaine de jours, au mois de mai, muni d'une lampe et d'une carte détaillée des sous-sols, l'architecte arpente, jauge et détaille les changements observés, grâce à la compréhension des riverains chez qui il· faut parfois passer pour accéder aux entrées.
Au fil de la ballade, on se souvient de quelques événements marquants comme l'effondrement de la falaise en 1968, ou de cette galerie, à côté de chez M. Guérard qui, un jour, a perdu son hangar. « La falaise a éclaté comme un coup de tonnerre », se rappelle M. Maury, figure de la mémoire conflanaise. Les explications avancées d'un tel effondrement sont multiples, mais on parle souvent d'un facteur déclencheur: l'infiltration des eaux.
Quelquefois, un simple coup d'Åil à l'entrée des passages suffit. Ainsi sous le parc, on ne remarque pas de signes de dégradation particulière. « Si c'était le cas l'habillage tomberait» précise M. Mussillon.
Plus loin encore, on note une accumulation plus importante de gravats. Là c'est une ancienne carrière d'exploitation, avec un chemin qui permettait de rouler les pierres jusqu'à la Seine. Plusieurs fois par jour, on repère les fissures les plus importantes, distingue les piliers à bras qui servent de soutiens, les murs qui jouent le même rôle... ce sont la plupart du temps les carriers qui ont, pour leur propre sécurité, monté des murs, consolidé.
Des découvertes étonnantes
Plus anecdotique, ces petites niches qui servaient à poser les lampes et qui aujourd'hui font le bonheur de quelques chouettes. Bien plus au-dessus, il y a la rue.
L'architecte repère l'amorce d'un effondrement « sous la pression des terrains au-dessus », et la réserve d'eau utilisée pour arroser les champignons. Les propriétaires voisins des caves ont rivalisé d'imagination pour en faire des entrepôts de toutes tailles.
On pourrait en dresser un inventaire à la Prévert. Ici, c'est un atelier de menuiserie (apparemment désaffecté), là un bric à brac innommable dans lequel on aperçoit une roue de vélo ou le moteur d'une vieille tondeuse. Bref, le débarras.
D'autres, plus rigoureux se servent des galeries comme garage. Enfin, certains y ont carrément élu domicile.
Témoin ce vieux sommier décarcassé sur lequel un clochard tutoyait Morphée. « Il n'avait pas peur que le cie11ui tombe sur la tête» lance ironiquement M. Claude Mussillon. Et puis, on trouve les professionnels qui auraient souhaité utiliser les galeries à des fins... professionnelles. Tel ce marchand de vin d'Herblay qui voulait en faire un lieu de vente et de dégustation.
« La nature a horreur du vide ». Le principe s'applique parfaitement aux galeries.
C'est seulement en 1967 que fut créée l'IGC. Jusqu'alors, il n'existait pas de surveillance systématique. « Les premières années nous avons constaté des points fà ib1es» explique M. Mussillon. Puis des travaux de consolidation ont pu être engagés (voir encadré) à la suite de fuites d'eau dans les canalisations ou de passages de gros engins.
De fait, le travail des architectes se limite à la prévention: ils donnent des précisions sur l'état des galeries et déterminent les interventions futures pour d'éventuelles consolidations. Au reste, il leur est « impossible de déterminer à quel moment cela va tomber ». Aujourd'hui, heureusement, les architectes de l'IGC ont leur mot à dire lors de l'instruction des permis de construire dans les zones de carrières
Ce qui permet d'éviter de retrouver des maisons relativement neuves avec en surplomb, un pan de falaise légèrement détaché, dont l'écroulement s'avérerait catastrophique pour ses habitants.
Didier Arnaud
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L'Inspection générale des carrières a été créée par arrêté préfectoral le 25 avril 1967. Ses missions consistent à rechercher et localiser les carrières souterraines ainsi qu'à effectuer un relevé des plans de ces lieux. L'IGC peut prescrire des mesures de sécurité lors de l'instruction des permis de construire, fournir conseils et avis aux particuliers et aux collectivités locales à leur demande.
Lorsqu'une carrière n'est plus exploitée, elle devient le siège d'une évolution souvent lente.. Diverses formes de dégradation interviennent, liées aux caractéristiques géométriques des vides, à la nature du matériau exploité, à celle des terrains voisins et à des contraintes diverses telles que les constructions, les routes, les infIltrations d'eau. L'échelle des dégradations varie de l'affaissement progressif au fontis jusqu'à l'effondrement. Pour éviter ces désagréments, on a recours au remblaiement, au soutènement et au foudroyage.
Pour 1992, la ville de Conflans - via les Services techniques - a engagé plus de 150 000 F de travaux notamment pour la carrière Par Amour, (consolidation des piliers), la ruelle du Gouffé (restauration d'un mur en bordure de la ruelle) et rue René Albert.
Sources: Inspection générale des carrières, 50, rue Rémilly, 78000 Versailles.
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Vivre A Conflans MAGAZINE
N°55 - Septembre 1992