Jeu. 17 Mars 2005, 17:48
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DELINQUANCE. Les tags, un fléau qui coà»te de plus en plus cher
Pour la première fois, les RG analysent le phénomène des tags, en constante augmentation. Selon leur rapport, les graffitis contribuent à créer un climat d'insécurité et coà»tent une fortune à la SNCF, aux communes et aux particuliers.
ILS SE SONT attaqués au Concorde, plus récemment à l'Eurostar et parfois aux véhicules de police. Dans une logique de défi entre groupes, ils réalisent des « wholecars », opération qui consiste à bomber entièrement une rame de métro en plein jour sous le regard médusé, voire traumatisé, des voyageurs. Le tout étant filmé par des jeunes encagoulés.
Pour la première fois, la Direction centrale des renseignements généraux (DCRG) a tenté d'analyser le phénomène des tags, graffs et graffitis. Dans une étude rendue fin février à Dominique de Villepin, ministre de l'Intérieur, les policiers constatent que ce phénomène, apparu à la fin des années 1980, est en constante augmentation et qu'il contribue à créer un climat d'insécurité. « Ce rapport entre dans la politique générale du ministère de l'Intérieur visant à identifier les atteintes aux personnes, note l'entourage du ministre. Le même type de travail, déjà effectué sur les bandes, est en cours sur les violences faites aux femmes et aux enfants. »
Des produits tenaces.
En préambule, les RG opèrent une distinction entre tags, graffs et graffitis, qui recouvrent des réalités différentes . A l'intérieur même du milieu des tagueurs, la distinction est faite entre vandales et « artistes ». Certains indicateurs inquiètent particulièrement les policiers : les tagueurs utilisent des marqueurs de plus en plus tenaces, employant parfois des matières corrosives. Pour éviter l'effacement de leurs « oeuvres », ils s'arment de bougies d'allumage de voitures, de pointes pour découper le verre qui permettent de graver les vitres des trains. Sans compter les acides spéciaux importés de l'étranger !
Une facture colossale pour la SNCF.
Outre l'insécurité qu'il génère, ce phénomène représente un coà»t colossal pour les principales cibles des tagueurs, la RATP et la SNCF. En effet, les trains sont très prisés, car ils permettent de « véhiculer » les graffitis. Le rapport des RG estime à 500 millions d'euros la facture acquittée par la SNCF en 2001 pour ce type de vandalisme. Un chiffre qui englobe le nettoyage, mais aussi les pertes d'exploitation, frais de personnel... Marie-Christine Cottin, responsable de la mission propreté à la SNCF, concède, de son côté, un coà»t de 50 millions d'euros par an, incluant notamment le travail de prévention (pose de fils antitags...). La RATP débourse, elle, chaque année 14 millions d'euros pour nettoyer les rames.
Des graffitis à caractère raciste ou antisémite.
Selon les RG, les graffitis contribuent à la dégradation de l'environnement (cages d'escalier...) et renforcent le sentiment d'insécurité et d'abandon social. Les policiers se sont livrés à un florilège typologique, illustrant ce type de violence sur l'ensemble du territoire. Ils ont relevé les graffitis anti-institutionnels, comme à Cergy-Pontoise (« Nique la police ») ou en Côte-d'Or (« Procureur à mort »). Autre « tendance » : les tags antifrançais, comme à Sartrouville (« On va te faire la fête, sale Blanc ») ou Romans (« Après le ramadan, on aura vos sacs »). Certains graffitis relèvent de l'islam radical, comme à Mâcon (« L'islam va conquérir le monde ») ou Amiens (« Vive les musulmans, nique les Blancs »). « Tout cela entretient le malaise et les problèmes identitaires, surtout dans les quartiers sensibles », commente un haut fonctionnaire. Au lendemain des attentats du 11 septembre, les graffitis antiaméricains ont fleuri dans les cités (« Vive Ben Laden, nique les USA »). D'autres textes visent les élus israéliens (« Sharon = SS ») ou la communauté juive. Une part significative des graffitis cible également la population arabe, notamment à Metz (« Du napalm pour les imams ») ou au Havre (« Non à l'islam »). « C'est plus qu'un acte de simple délinquance, insiste un enquêteur. Il s'agit d'actes de violence à l'égard de certaines communautés. »
Quelle réponse ?
Les policiers relèvent la difficulté d'intervenir en flagrant délit, car les tagueurs opèrent souvent dans des lieux difficiles d'accès. Une tentative d'interpellation d'un jeune qui taguait un mur antibruit sur l'autoroute s'est terminée tragiquement par une noyade dans la Marne, en avril 2004. Cependant, les graffitis à caractère antisémite ou raciste, touchant notamment les lieux de cultes ou cimetières, constituent une priorité du ministère de l'Intérieur. Des moyens sophistiqués d'analyses chimiques des encres ont notamment été utilisés pour remonter jusqu'aux profanateurs de cimetières dans l'est de la France. Un dispositif qui devrait être développé dans tous les départements, o๠les capacités de police technique et scientifique sont encore jugées insuffisantes.
Christophe Dubois
Le Parisien , jeudi 17 mars 2005
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