Ven. 28 Nov. 2003, 10:32
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Guatemala-élections: Berger (droite) et Colom (centre droit) éjectent de la présidentielle l'ex-dictateur Rios Montt
Majoritaire, la population autochtone d'origine maya n'a pas d'expression politique propre
GUATEMALA CITY, mardi 11 novembre 2003 (LatinReporters.com) - Considérée comme ses funérailles politiques, la défaite d'Efrain Rios Montt, ex-dictateur soupçonné de génocide, est le fait marquant des élections présidentielle, législatives et municipales de dimanche au Guatemala. Deux hommes d'affaires, Oscar Berger (conservateur) et Alvaro Colom (centre droit), s'affronteront le 28 décembre au second tour de la présidentielle.
Divisée, la gauche guatémaltèque héritière de l'ancienne guérilla est marginalisée. Très pauvre et discriminée, la population autochtone d'origine maya, majoritaire dans ce pays de 11 millions d'habitants, ne parvient toujours pas à se doter d'une expression politique nationale propre.
Couvrant mardi soir 94,49% des bulletins de vote, le dépouillement plaçait en tête des 11 candidats à la présidentielle Oscar Berger (34,59%), suivi d'Alvaro Colom (26,45%) et d'Efrain Rios Montt (19,17%). Ce dernier est évincé du second tour. Les élections législatives concomitantes, plus disputées, ont été dominées aussi par les partisans d'Oscar Berger, mais avec seulement 24,31% des voix. Aucun parti n'obtient la majorité absolue au Congrès, ce qui obligera le prochain président à nouer des alliances.
Agé aujourd'hui de 77 ans, l'ex-général Efrain Rios Montt gouverna brièvement le Guatemala (1982-1983) grâce à un coup d'Etat. Des organisations humanitaires l'accusent d'avoir été alors le responsable de massacres dans le cadre de la longue guerre civile qui, de 1960 à 1996, opposa le pouvoir à des guérillas de type castriste et sandiniste. Le président sortant, Alfonso Portillo, homme de Rios Montt, déclarait en juin dernier à LatinReporters.com que le bilan de ce conflit intérieur serait de "200.000 morts et 60.000 disparus".
Malgré l'interdit prohibant aux ex-putschistes de briguer la magistrature suprême, Rios Montt obtenait enfin cette année, après plusieurs tentatives frustrées, l'aval inattendu et suspect de la Cour constitutionnelle à sa candidature. Au cours de la campagne électorale, des manifestations violentes de militants du parti gouvernemental, le Front républicain guatémaltèque (FRG), parti populiste de droite fondé par l'ex-dictateur, avaient répondu aux recours judiciaires déposés en vain contre la présentation de Rios Montt aux élections.
Ces actes d'intimidation et 21 homicides liés aux élections ont alerté les médias et l'opinion publique. Aussi la hausse de la participation au scrutin multiple -près de 60% des 5 millions d'électeurs inscrits, contre 53,7% en 1999- est-elle perçue comme une volonté de barrer la route au vieux général. "Rios Montt est enterré" titrait lundi le quotidien El Periodico.
L'ambition de l'ex-dictateur l'a perdu. S'il s´était contenté de présenter à la présidence l'un de ses fidèles du FRG (comme Alfonso Portillo, élu chef de l'Etat en 1999), son parti, à défaut d'une difficile nouvelle victoire, aurait probablement obtenu un meilleur score. Et surtout Rios Montt aurait pu conserver son fauteuil de parlementaire (il préside encore le Congrès, jusqu'en janvier prochain), c'est-à -dire une immunité compliquant les actions judiciaires pour "génocide" que veulent lancer contre lui diverses organisations humanitaires et Rigoberta Menchu, Indienne guatémaltèque prix Nobel de la Paix 1992.
Amnesty International accuse les partis de Berger et de Colom
Très critique du FRG de l'ex-dictateur Rios Montt pour les graves atteintes aux droits de l'homme qu'on lui impute, Amnesty International (AI) s'en prenait aussi, dans un communiqué diffusé avant les élections de dimanche, aux partis GANA d'Oscar Berger et UNE d'Alvaro Colom, qui restent en lice pour le second tour de la présidentielle.
Voici un extrait de ce communiqué envoyé par AI à LatinReporters.com: "L'Unià³n Nacional de la Esperanza (UNE, Union nationale de l'espoir) et la Gran Alianza Nacional (GANA, Grande alliance nationale), présentent aussi des candidats ayant trempé dans des affaires d'atteintes aux droits humains lors de la guerre civile. Ces deux formations seraient en outre liées aux mêmes structures de pouvoir parallèle et de criminalité organisée qui, selon certaines informations, aurait tenu le FRG sous sa coupe tout au long du dernier mandat (c'est-à -dire depuis 2000)."
On prête à Rios Montt l'intention de monnayer avec l'un ou l'autre des deux candidats du second tour son appui en échange d'une promesse d'immunité. Mais tant Oscar Berger qu'Alvaro Colom affirmaient dès dimanche soir qu'ils n'accorderaient aucune grâce aux criminels ni aux corrompus. Les proches de l'ex-dictateur espèrent néanmoins qu'Alvaro Colom, théoriquement moins bien placé qu'Oscar Berger, modérera son intransigeance. Et ce d'autant plus qu'au Congrès, le FRG apparaissait mardi, dans l'attente des résultats législatifs définitifs, comme la deuxième force parlementaire.
Les leaders importent plus que les partis
Second de la présidentielle de 1999 et vainqueur, dimanche, du premier tour de celle de cette année à la tête de la coalition de droite Grande alliance nationale (GANA), Oscar Berger -57 ans, avocat, notaire, hommes d'affaires et ancien maire de la capitale, Guatemala City- propose un "Plan de gouvernement" résumé en trois grands titres:
1. Augmentation du revenu familial par la promotion de l'investissement et de l'emploi productif.
2. Lutte contre l'impunité, la violence et la délinquance.
3. Développement humain, par l'éducation, la santé et l'accès aux services de base.
Son adversaire du prochain second tour et candidat de l'Union nationale de l'espoir (UNE), Alvaro Colom, est un ingénieur industriel de 52 ans. Spécialisé dans l'industrie textile, il dirigea plusieurs entreprises. Candidat en 1999 d'une coalition de gauche dominée par l'ancienne guérilla de l'Union révolutionnaire nationale guatémaltèque (URNG), il a, depuis, viré au centre droit. Son "Programme de gouvernement" présente huit "axes": égalité des sexes, investissements en faveur de l'enfance, priorité aux plus pauvres, "interculturalité", éthique et morale, conservation du milieu naturel, participation citoyenne et respect des droits de l'homme.
Alvaro Colom a par ailleurs la particularité d'être "ministre du culte solaire maya", sans toutefois appartenir lui-même à cette ethnie majoritaire au Guatemala. Il pourra donc, au second tour, jouer sur un populisme indigéniste qu'Oscar Berger, plus identifié à l'oligarchie, aurait tort de ne pas redouter.
Aucun candidat autochtone ne briguait la présidence. Rigoberto Quemé, maire de Quetzaltenango, la deuxième grande ville du pays, aurait pu être le premier candidat présidentiel amérindien de l'histoire du Guatemala. Des dissensions internes au sein de la coalition qui l'appuyait l'ont amené à se retirer. Contrairement aux Indiens de la Bolivie et de l'Equateur, pays o๠la proportion d'autochtones est plus ou moins comparable, ceux du Guatemala (56% de la population, selon le président sortant Alfonso Portillo) ne se sont pas encore organisés politiquement. Leurs votes se dispersent sur un large éventail de partis.
Quant à la gauche guatémaltèque, elle apparaît minoritaire et fragmentée. Elle dérive vers le centre, mais même l'abandon des mots "communisme", "socialisme" et de tout autre terme à consonance révolutionnaire n'a pas permis à l'ancienne guérilla de l'URNG, reconvertie en parti politique, de surpasser 2,6% à la présidentielle et 4,16% aux législatives. Sa dissidence, l'Alliance pour une nouvelle nation (ANN), récolte 5,01% des suffrages aux législatives. Elle n'avait pas de candidat présidentiel.
D'une manière générale, au Guatemala, l'idéologie et les programmes électoraux sont secondaires. Les élections sont gagnées par des leaders davantage que par des partis. Le scrutin multiple de dimanche le confirme. Tant la GANA d'Oscar Berger que l'UNE d'Alvaro Colom -deux hommes en rupture avec leurs anciens alliés et partis- sont en effet des coalitions créées récemment dans le seul but d'affronter cette présidentielle de 2003.
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