Sam. 31 Juil. 2004, 10:46
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Citation :Haut-Rhin: Feu de déchets à 600 m sous terre
publié le Samedi 10 juillet @ 03:03:34 CEST
interventions
Lorsque les pompiers du Haut-Rhin sont appelés en renfort pour un feu de 1 500 tonnes de déchets « ultimes » se trouvant sous terre, ils ne se doutent pas quâil faudra plus de deux mois pour en venir à bout⦠Retour dâexpérience.
Texte > lt-colonel Philippe Schultz, directeur adjoint > Photos > MDPA/B. Henry ; DR > spmag951 novembre 2003
Le 10 septembre 2002, vers 4 heures du matin, une équipe de mineurs des Mines de potasse dâAlsace (MDPA) perçoit une odeur de fumée. Très rapidement, son origine est localisée. Elle provient du site Stocamine, et plus particulièrement du bloc de stockage n° 15. Ce bloc comprend 2 700 m de galeries dâune section de 5,50 m de large et de 3 m de haut. Au moment des faits, sa capacité de stockage est de 5 000 tonnes, mais il nâen contient que 1 500. La provenance de ces déchets est variable*. Le Codis 68 est informé par lâexploitant, peu après 8 heures. Stocamine ne souhaite pas dâintervention particulière, mais tient à informer les sapeurs-pompiers de lâincident en cours. Le feu est combattu par des équipes de secours composées de mineurs sauveteurs des MDPA renforcés par des agents de Stocamine. Compte tenu du particularisme minier, lâintervention du Sdis nâest, en effet, pas prescrite a priori. Toutefois, face au peu dâinformations qui arrivent, lâofficier Codis décide, dès 8 h 11, dâenvoyer sur place un chef de groupe, bientôt rejoint par un chef de site.
La salle opérationnelle est activée, en préfecture, vers 9 heures. Lâinformation reste imprécise. Face à cette situation, le préfet décide, sur proposition du Sdis, de demander lâintervention du Dicamine (voir encadré). Celui-ci est mis en alerte à 11 h 09 et se présente sur le carreau de la mine Amélie à Wittelsheim, au puits de descente des secours, à 15 h 26.
Un point de situation est fait. Une action de reconnaissance est engagée, par le Dicamine, vers 17 heures. Il est alors décidé de renforcer les moyens dâattaque en établissant une ligne de 70 mm alimentée sur une conduite dâeau de deux pouces, au fond de la mine. Plus de mille mètres de tuyaux seront utilisés dans ce sens. Vers 19 h 00, deux petites lances fonctionnent tant bien que mal, tandis que quelques travaux de déstockage tentent de permettre une meilleure approche du feu. La ventilation de la mine, appelée « aérage », facilite lâaccès, les mineurs sauveteurs ayant le vent dans le dos. Pourtant, vers 22 heures, les personnels constatent la présence de divers matériaux susceptibles de présenter un risque dâexplosion (bombes aérosols, bidons renfermant des produits liquides, etc.) La décision est alors prise de désengager les équipes dâattaque et de privilégier le confinement du bloc par la mise en Åuvre de barrages. Ces travaux sont entrepris dans la nuit par les mineurs. Les équipes du Dicamine, après avoir été mises à rude épreuve, quittent le carreau tôt dans la matinée du 11 septembre, pour rejoindre leur base en Moselle.
Le feu nâest pas éteintâ¦
Le lendemain matin, la fumée sâéchappe toujours du puits Else. La polémique, quant à elle, gagne du terrain, nourrie par lâinquiétude grandissante des riverains, des syndicats de mineursâ¦. Elle nécessitera un investissement important des responsables publics, sans oublier les médias, durant de longues semaines. La phase de confinement est confirmée par le préfet, directeur des secours. A partir de là , il ne sâagit plus que de surveiller. Des mesures atmosphériques sont réalisées heure par heure, tant au puits dâévacuation des fumées que dans le retour dâair, au fond de la mine. Ces dispositifs permettront dâinformer le public sur la nature et la concentration des gaz provenant de la combustion. Moins dâune semaine après le déclenchement du sinistre, plus aucune émission de gaz toxique ne sera relevée à la sortie du puits Else. Mais lâinquiétude de la population, et la polémique quâelle entraîne, ne désenfleront pas pour autant.
Une visibilité de moins de 2 mètres
Le 20 septembre, le Sdis procède à une première reconnaissance dans le bloc 15, en pénétrant dans lâenceinte par le retour dâair. Deux officiers sont accompagnés de deux responsables de Stocamine. Lâaccès et les conditions dans le bloc sont difficiles, même si plus aucune fumée ne sâéchappe par le puits depuis quelques jours. La température ambiante avoisine les 40 °C alors que la visibilité, conséquence du confinement, est inférieure à 2 mètres. Lâéquipe chemine prudemment dans les allées, sous protection respiratoire et en tenue étanche. Aucune activité visible nâapparaît au fond, en tout cas aucune flamme nâest perceptible. A la suite de cette reconnaissance, le choix du confinement est maintenu par le préfet. Durant tout le mois dâoctobre, les contrôles atmosphériques vont néanmoins attester lâexistence dâune combustion à lâintérieur du bloc 15. Des concentrations significatives en CO2, CO, SO2, pour ne citer que les plus importants, traduisent bien une activité. Un mode opératoire est alors proposé par le Sdis et adopté par le préfet. Le 28 octobre, une nouvelle reconnaissance est engagée par le Sdis, avec les mineurs sauveteurs des MDPA et des cadres de Stocamine. Lâobjectif est de localiser, à lâaide de deux caméras thermiques, la présence dâéventuels points chauds.
Lâintervention sâorganiseâ¦
Les équipes sont constituées sur la base de la mixité entre mineurs et sapeurs-pompiers, de manière à disposer à la fois de lâexpertise minière et de lâappréciation du professionnel du feu. Ce principe sera respecté tout au long des descentes qui suivront. Le COS, officier du Sdis, aura un contact permanent avec un ingénieur fond des MDPA, ce qui facilitera la coordination. Chacune des descentes mobilisera en moyenne une dizaine de pompiers et une vingtaine de mineurs sauveteurs. Le poste de commandement opérationnel est installé au fond. Une liaison téléphonique permet de communiquer avec un poste de commandement jour, lui-même en relation avec une équipe de mineurs sauveteurs en réserve et avec le Codis. La médicalisation est assurée par un médecin sapeur-pompier et le médecin des mines. Des contrôles dâexplosimétrie sont réalisés en continu par les équipes engagées, la mine étant réputée « grisouteuse ». Autrement dit, le risque de formation de poches de méthane dâorigine géologique, donc dâexplosion, existe en continu.
La descente, depuis le carreau de la mine Amélie 1, dure un peu plus dâune minute pour 600 mètresâ¦, alors quâun gros quart dâheure est nécessaire pour rejoindre le bloc 15 au moyen dâengins miniers au Diesel appelés TP 13. Lâensemble des personnels est équipé de protection respiratoire, appareils à circuit fermé pour les mineurs, ARI bi-bouteilles 6,8 litres 200 bars pour les pompiers, ainsi que de tenues étanches. Un point de regroupement des moyens logistiques est organisé à proximité de lâentrée dans le bloc 15, le tout bénéficiant dâune arrivée dâair constante, pour éviter un retour des fumées contenues dans le bloc.
Toutefois, chaque équipe ne pourra travailler à lâintérieur du bloc quâun maximum de 35 minutes, tant les conditions dâinterventions seront difficiles. Un maximum de trois rotations sera effectué par les sapeurs-pompiers lors dâune descente qui dure en moyenne 5 à 6 heures. Il est communément admis que chacun des intervenants a été, à chaque fois, allégé de 2 kg entre la descente et la remontée⦠!
370 °C au cÅur du foyer
Le 28 octobre, soit 48 jours après le déclenchement du sinistre, des températures allant jusquâà 370 °C sont encore mesurées,au cÅur de certaines zones de stockage, malgré le confinement. Il est alors décidé de renforcer ce confinement par lâinjection dâazote. Cette idée sera mise en Åuvre, en continu, pendant une dizaine de jours, début novembre, ce qui fera descendre le taux dâoxygène, pendant plusieurs jours, à moins de 4 %... ! A lâissue de cette période dâinertage, force est de constater que, malgré une meilleure visibilité au sein du bloc, des températures importantes persistent au cÅur du stockage. Ce phénomène permet de confirmer une hypothèse que nous avions formulée, à savoir une auto-combustion de certains des matériaux entreposés.
Face au constat de la poursuite dâune activité de combustion, confirmée par lâanalyse des prélèvements atmosphériques, le COS préconise une idée de manÅuvre consistant à refroidir le milieu réactionnel par injection dâeau dans le cÅur du stockage. Deux lances spéciales seront confectionnées dans les ateliers du Sdis, un peu à lâexemple des fameuses lances « Bourgeois ». Elles seront alimentées chacune par un tuyau semi-rigide de 22 mm, branché sur une division 40 DSP â 2X 22 GFR. Lâalimentation sera assurée par une conduite de deux pouces en polyéthylène, installée par les mineurs. Le débit dâeau disponible reste toutefois faible, autour de 10 m3 / h. Mais une pression statique dâune quinzaine de bars permettra, en partie, de compenser le manque dâeau. Lâextinction est engagée à partir du 7 novembre et sera poursuivie lors de deux descentes supplémentaires, les 12 et 15 novembre. Au fur et à mesure de lâextinction, la visibilité dans le bloc sâaméliore.
Le 21 novembre, en milieu dâaprès-midi, soit deux mois et dix jours après le début du sinistre, le COS pourra faire remonter le message : « Feu éteint » ! Près de 50 heures de présence active au fond auront été nécessaires aux sapeurs-pompiers du Haut-Rhin, sans compter le travail de préparation et les opérations de prélèvements effectués par MDPA et Stocamine. Ce sont les actions conjointes de reconnaissance, confinement, inertage à lâazote, refroidissement et extinction à lâeau, le tout efficacement coordonné par lâautorité préfectorale, qui auront enfin eu raison de ce sinistre hors du commun.
Le Dicamine : un détachement dâintervention unique
Le Détachement d'intervention de catastrophe aéromobile spécialisé en « Mission d'intervention en environnement souterrain » est un détachement mixte composé de sauveteurs volontaires des HBL et de sapeurs-pompiers entraînés par les soins des HBL, à l'utilisation des appareils respiratoires à circuit fermé et aux techniques minières. Ce détachement est placé, en opération, sous le commandement d'un officier de sapeurs-pompiers épaulé sur le plan technique par un ingénieur des HBL.
Il est appelé à intervenir à la demande des autorités (préfet, ministère des Affaires étrangères, ministère de l'Intérieur) pour porter secours, assistance et conseils en cas d'accident en milieu souterrain (tunnel, mine, stockage ou parking souterrain). Officiellement créé le 28 aoà»t 1997, le détachement a été appelé à intervenir pour la première fois le 10 septembre.
En conclusion
De nombreuses questions demeurent ouvertes à lâheure actuelle. Pourquoi et comment ce feu a-t-il pu se déclarer ? Comment des matières inflammables ont-elles pu se trouver dans ce stockage, alors même que cela ne devait pas être le cas ? Quâest-ce qui explique lâabsence de précisions sur les matières stockées et notamment dans des big-bags classés « déchets amiantés » ?
Les pouvoirs publics, et non en dernier lieu la justice, sont toujours à la recherche de réponses. Les conséquences économiques de ce sinistre sont dâores et déjà très lourdes : fermeture prématurée de lâexploitation des Mines de potasse dâAlsace et remise en cause de lâavenir de Stocamine. Un seul point vraiment positif doit être souligné : aucune victime nâest à déplorer. Pour le reste, il faut espérer que les acteurs de cet événement prennent toute la mesure de leurs responsabilités, pour que rien de tel ne puisse se reproduire.
Stocamine
En février 1999, dans le contexte du démantèlement progressif des MDPA, un site souterrain de stockage de déchets ultimes est créé sur la commune de Wittelsheim : Stocamine. Située à 600 m sous terre, la zone de stockage est isolée de la surface par 300 m dâargile et de dépôts, ainsi que par une couche de 300 mètres de sel gemme. En dessous des espaces de stockage, 1 000 mètres de matériaux salifères complètent ce dispositif naturel dâétanchéité. Stocamine est le premier centre français de stockage souterrain de déchets « ultimes ». Le principe de la réversibilité de ces déchets a également été retenu lors de la conception du site. La capacité totale de stockage du site, fixée par arrêté préfectoral, est de 320 000 tonnes, pour une durée dâactivité de 30 ans. Stocamine est autorisé à recevoir des déchets de toute la France et de lâétranger.
La liste des produits susceptibles dâêtre acceptés par Stocamine comprend, à titre dâexemple, des sels de trempe, des déchets arséniés, des terres polluées par des métaux lourds, des résidus de lâindustrie de lâélectronique, des produits phytosanitaires non organiques, des résidus provenant de lâincinération des déchets, etc. En revanche, dâautres produits sont a priori exclus : les produits radioactifs, les toxiques biologiques, les produits gazeux, les mélanges indéfinissables et⦠les produits inflammables !
-- h2o
Sauvez une hague, mangez un cataphile.
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