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Sam. 13 Juin 2009, 22:17
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Acétylène, bougies et point chaud
Introduction
Le débat entre les tenants de lâacéto et ceux des LED pour sâéclairer sous terre nâest pas nouveau. Certains ne conçoivent pas la spéléo sans la fragrance dâaventure de lâacéthylène (ou plutôt des impuretés qui sây mêlent, lâacéthylène pur nâayant quasiment pas dâodeurâ¦), sa couleur orangée qui rend si bien sur les photos, son éclairage panoramique⦠Elements relevant dâun choix personnel, orienté par des valeurs esthétiques, sentimentales ou pratiques tout à fait recevables, comme lâest aussi le choix des LED pour leur autonomie, leur absence dâodeur (si si, certains y sont sensibles !) leur robustesse, leur lumière focalisée...
Par contre, est-il un utilisateur de LED qui ne se soit déjà fait tancer par un défenseur des Dudules concernant lâutilisation de lâacéto pour créer un point chaud, cet espace indispensable en conditions de survie pour y maintenir un blessé, ou bien attendre les secours sans risquer lâhypothermie sévère ? Si lâon explique quâon descend avec de lâalcool gélifié ou bien des bougies, on récolte, au mieux, un sourire incrédule, au pire une moquerie bien sentie, avec pour conclusion « tes bougies câest de la merde, rien ne vaut lâacéto pour un point chaud, fin de lâhistoire⦠». Et pourtantâ¦
Quelques chiffresâ¦
Sâil est vrai quâune acéto placée sous une couverture de survie réchauffe lâair à une douce température, est-ce pour autant lâunique moyen de faire un point chaud sous terre ?
Il est reproché, à juste titre, aux LED de ne pas dégager âsuffisamment- de chaleur pour créer un point chaud. En revanche, les éclairages à LED sont extrêmement légers et dotés dâune très grande autonomie (près de 60h dâéclairage « raisonnable » avec 4 piles AA pour le module 14 LED de Petzl, et jusqu'à 150h dâéclairage « de survie »). Leur poids plume permet ainsi facilement dâemporter une réserve dâénergie calorifique quelconque que lâon pourra utiliser, le cas échéant, pour constituer un point chaud. La petite démonstration chiffrée qui suit illustrera les avantages de sources alternatives au carbure comme générateurs de chaleur sous terre.
La Dudule
Considérons dâabord la Dudule de base, chère à de nombreux spéléos, et ses possibilités calorifiques.
Une Ariane vide pèse 305 g, et dispose dâun réservoir dâeau de 160 cm3 ainsi que dâun compartiment de 400 cm3 pour le carbure. Le carbure de calcium en bloc à une densité de 2,22 g/cm3.
Le compartiment « carbure » dâune Ariane pourrait contenir 400*2,22=890 g de carbure, si celui-ci se présentait sous forme dâun bloc unique aux dimensions précises du réservoir. Ce nâest évidemment pas le cas, admettons un facteur de remplissage de 50% pour fixer les idées.
Nous disposons donc dâenviron ~ 440 g de carbure, qui constituent 6,9 moles (La « mole » est lâunité de base servant à quantifier les quantités de matière en chimie. Une mole dâun produit contient 6x10^23 molécules du produit en question ; la masse molaire du carbure de calcium est de : 64 g/mole). Câest suffisant pour tenir près de 9h, une Ariane consommant environ 50 g de carbure par heure.
Production de lâacéthylène
La réaction entre le carbure et lâeau est :
CaC2 + 2 H2O â C2H2 + Ca(OH)2 + 129 kJ/mol
Pour faire réagir complètement nos 6,9 moles de carbure (=440 g), il faut 2*6,9=13,8 moles dâeau, soit 247 g (masse molaire de lâeau : 18 g/mole). La réaction produit 6,9 moles dâacétylène, soit une masse de 179 g (masse molaire de lâacéthylène : 26 g/mole). Pour fixer les idées, lâacéthylène dégagé représente dâenviron 154 litres (une mole de nâimporte quel gaz occupe 22,4 L à la pression atmosphérique). La réaction est fortement exothermique (elle libère de lâénergie sous forme de chaleur, voilà pourquoi la dudule chauffe !), soit 129 kJ pour 1 mole de carbure. Avec nos 440 g de carbure (6,9 moles), la quantité libérée est de 890 kJ (nous y reviendrons plus tard).
Combustion de lâacéthylène
La combustion dâune mole dâacétylène libère, dans des conditions idéales, 1300 kJ/mole.
2 C2H2 + 5 02 â 4 C02 + 2 H20 + 2600 kJ
Pour 6,9 moles dâacéthylène, lâénergie libérée lors de la combustion est : 6,9 moles*1300 kJ/mole = 8937 kJ, soit environ 9 MégaJoules ( 9 MJ).
Récapitulons :
Pour produire ces 9 MJ de chaleur, il nous aura fallu trimbaler : 440 g de carbure, 247 g dâeau, 305 g dâAriane (eh oui !) soit un total de ~1 kg.
Si lâon visite une cavité active, on peut négliger le poids de lâeau (même si on la porte bel et bien à un moment ou un autre, dans le kit ou bien dans la dudule à la ceinture !). Disons, dans ce cas : 440 g de carbure + 305 g dâAriane =745 g pour 9 MJ
Si lâon veut être exhaustif, il faut ajouter à ces 9 MJ les 890 kJ directement produits par la réaction entre lâeau et le carbure, qui représentent 10% environ de chaleur « en plus », soit un total de 9,9 MJ.
Systèmes alternatifs
Maintenant, voyons ce quâon pourrait obtenir avec des combustibles alternatifs, comme de lâalcool à réchaud ou des bougies de paraffines.
Ethanol
Lâéthanol (C2H60, masse molaire : 46 g/mole), cher aux cataphiles :mrgreen: , possède un pouvoir calorifique similaire à celui de lâacétylène : C2H60 + 2 02 â C02 + 3H20 + 1300 kJ/mole
On le trouve en grandes surfaces sous une forme gélifiée pour réchauds à fondue, commode à emporter, dans un tube métallique par exemple.
Avec 745 g dâéthanol (soit le poids de notre Ariane et son plein de carbure), nous disposons de 16 moles dâéthanol. Leur combustion générera 16*1300=21 MJ. Câest 212% de lâénergie libérée par notre Dudule (rappel : 9,9 MJ), à masse transportée égale.
Bougies
La paraffine solide utilisée pour les bougies courantes a pour formule C25H52. Son pouvoir calorifique est de 46 MJ/kg.
745 g de bougies (un beau stock !) libéreront 34,3 MJ lors de leur combustion, soit 346% de lâénergie dâune Dudule chargée de même poids (rappel : 9,9 MJ).
Chaleur instantanée
Il est souvent opposé par les tenants de lâacéto pour les points chauds, quâune bougie unique ne permet pas de constituer un point chaud efficace, ou du moins que lâélévation de température y est plus lente quâavec une acéto. Ils ont raison : si le ratio chaleur produite/poids des bougies est bien meilleur que celui de lâacéto, il reste vrai que la combustion dâune seule bougie libère âinstantanément- moins de chaleur quâune acéto bien réglée. Mais il suffit alors de disposer plusieurs bougies sous le point chaud.
A titre indicatif, une bougie « cierge » de 45 g (le modèle courant en grande surface) brà»le environ 6h30. Avec 745 g de bougies (soit plus de 16 bougies !), on a une durée de combustion cumulée dâenviron 110 heures !
Chaleur instantanée dâune bougie unique VS acéto
On peut calculer que la combustion dâune bougie « cierge » produit 322 kJ/h (45g en 6h30, avec un pouvoir calorifique : 46 MJ/kg).
Un bec acéto classique débite 14 L dâacéthylène/heure. 14 L représentent 0,625 moles dâacéthylène (car 1 mole=22,4 L). La combustion de ces 14 L libère 812 kJ/h, soit 252% de lâénergie dispensée par une bougie (322 kJ/h, voir plus haut).
Avec 3 bougies (3*322 kJ/h=966 kJ/h), on dispose dâune source calorifique supérieure à une acéto munie dâun bec « 14L ».
Un bec 21L fournit 33% de débit supplémentaire par rapport à un 14L, soit 1218 kJ/h, environ lâéquivalent de 4 bougies allumées.
En conclusion
Expérience faite, 3 bougies sous une couverture de survie tendue en tente forment un bon point chaud qui rivalise avec une acéto. Le poids nécessaire est de 45 g*3=135 g (plus le briquet, OK !), soit à peine le poids de 2 mousquetons Zycral. Une Dudule, une fois amorcée, ne sâéteint pas à volonté (la réaction ne sâarrête que plusieurs minutes après fermeture totale du pointeau). Le point chaud à la bougie, en revanche, sâallume et sâéteint à volonté en fonction des besoins.
Un module Duo 14 LED (Petzl) pèse 180 g, 4 piles AA environ 100 g, soit un total de 280 g. Avec 3 bougies (135 g), on peut réaliser un point chaud qui durera entre 6h et 18h selon le nombre de bougies choisi (3 à 1), tout aussi efficace quâun point chaud à lâacéto. Pour un total de 400 g (Duo14 LED+ bougies), vous avez près de 100 h de lumière avec vos LED (sans compter la lumière des bougies, ~20 heures de rab) et de quoi faire un point chaud. Nâoubliez quand même pas un briquet, voire 2, dans une poche plastique ou un bidon étanche !
EDIT : qq fautes de frappes
