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Citation :Les poissons des grottes vivent mieux sans leurs yeux
NOUVELOBS.COM | 16.02.2007 | 16:42
Une étude américaine vient de démontrer que pour lâespèce de poisson cavernicole Astyanax mexicanus, la régression de lâÅil, trop consommateur en énergie, était un avantage acquis au cours de leur évolution.
Dans les grottes mexicaines de Pachà³n vivent dâétranges créatures : des poissons presque albinos et aveugles. Les régressions évolutives, comme ici lâarrêt du développement des yeux et la perte de la pigmentation, sont des phénomènes qui laissent les spécialistes de lâévolution perplexes depuis Darwin. Pour percer ce mystère, des scientifiques américains ont étudié les traits caractéristiques de lâespèce cavernicole Astyanax mexicanus et les gènes qui les gouvernent. Ils en ont conclu que deux mécanismes différents étaient mis en oeuvre : dérive génétique pour la dépigmentation et sélection naturelle pour la régression des yeux.
Lâhistoire de ces poissons, connus dans seulement quelques grottes au centre du Mexique, est singulière : des tremblements de terre successifs auraient isolé dans des cavités souterraines une partie de la population ancestrale qui utilisait pleinement ses yeux pour vivre en surface. Obscurité, rareté de la nourriture due à lâabsence de photosynthèse⦠Les conditions de vie cavernicoles ont amené les poissons a évoluer au cours du temps, à perdre certains caractères, comme la vue ou la pigmentation, ou à en développer dâautres.
Les chercheurs américains, supervisés par Richard Borowsky de lâuniversité de New-York, expliquent dans Current Biology ont comparé des séquences de gènes chez les poissons cavernicoles et leurs congénères qui nagent au grand jour.
Dans le cas de la pigmentation, les chercheurs ont remarqué que la diminution ou lâaugmentation de densité dans les cellules pigmentaires, les mélanophores, apparaissait de façon aléatoire. Il sâagit donc dâune dérive génétique, concluent les scientifiques. Cette voie est indépendante des mutations et de la sélection : la perte dâun allèle se fait au hasard, au moment de la transmission de la moitié du patrimoine génétique au descendant. La perte de lâallèle répétée un grand nombre de fois sâaccumule et entraîne une dérive génétique dâautant plus remarquable que la population est petite, comme dans le cas des poissons cavernicoles.
Quant à la régression de lâÅil, elle est liée au mécanisme de sélection. Les mutations qui affectent le système visuel dans la population cavernicole conduisent invariablement à une réduction de la taille de la lentille et de lâÅil. La mutation apparue par hasard aurait ainsi été conservée pour son aspect bénéfique.
Darwin nâétait pas allé jusque là . Il estimait que même pour des animaux vivant dans le noir les yeux ne pouvaient pas être préjudiciables et que leur perte était uniquement liée à lâarrêt de leur utilisation. Mais Borowsky et ses collègues démontrent que les poissons des grottes vivent mieux sans leurs yeux. La rétine est en effet un des tissus les plus énergivores, avec un métabolisme dépassant parfois celui du cerveau. A cela sâajoute le fait que la consommation dâoxygène de la rétine est 50% plus grande dans lâobscurité quâà la lumière, et que la rétine est une structure vivante qui peut être renouvelée plus de 35 fois par an. Autant dire que le maintien de lâÅil est loin dâêtre une bonne affaire dans les grottes !
Alice Bomboy
Sciences et Avenir.com
(16/02/07)
(Lu sur la liste spéléo)
Jeff95 ~(o|;o)