Mar. 21 Fév. 2006, 09:45
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L'ancien mercenaire Bob Denard, âgé de 76 ans et atteint de la maladie d'Alzheimer, s'est rendu au tribunal de Paris o๠il doit comparaître avec 26 de ses compagnons pour répondre d'une tentative de coup d'Etat aux Comores en 1995.
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Le coup de grâce
PAR JEAN-LOUIS TREMBLAIS
18 février 2006 Avec 27 de ses «affreux», il doit comparaître en correctionnelle à Paris à partir de lundi, pour le putsch de 1995 aux Comores. Atteint de la maladie d'Alzheimer, le célèbre mercenaire sera absent. La vérité aussi, sans doute.
Ce fut un coup longuement préparé et rondement exécuté. Du travail de pros. Tout commence début 1995 à Bergen, en Norvège. Un sexagénaire répondant au nom de Bernard Martin (qui n'est autre que Bob Denard) y achète un câblier baptisé Le Vulcain et immatriculé au Panama. Acheminé à Rotterdam, le bateau subit quelques transformations. En juillet 1995, destination Tenerife, aux Canaries, o๠une trentaine de mercenaires montent à bord. «Nous allons là o๠vous savez que nous allons», lâche le «Vieux» (surnom que lui donnent ses pairs). En clair : cap sur les Comores, son fief.
Le 28 septembre 1995, les flibustiers débarquent sur la Grande Comore et s'emparent de la capitale : Moroni. Le président Djohar est destitué. Les prisonniers politiques sont libérés. A Paris, le Premier ministre Alain Juppé annonce que la France n'interviendra pas. Le 4 octobre, l'armée française lance pourtant l'opération Azalée (1 000 hommes pour chasser les mercenaires). Le 5 octobre, Bob Denard ordonne la reddition. Pendant huit jours, les chiens de guerre sont détenus et «débriefés» par les militaires. Le 13 octobre, un avion les ramène au Bourget, menottés à leur siège.
Voici les faits pour lesquels Robert Denard et vingt-sept de ses comparses (deux sont morts depuis) seront jugés du 20 février au 15 mars par le tribunal correctionnel de Paris. Chef d'inculpation : association de malfaiteurs. Sauf que le principal accusé ne participera pas aux audiences. Agé de 77 ans, le centurion retraité souffre de la maladie d'Alzheimer. A la requête de son avocat, Me Elie Hatem (commis d'office car son client ne touche qu'une retraite de 250 euros par mois, due à ses états de service pendant la guerre d'Indochine !), une expertise médicale l'a déclaré «inapte à comparaître». Explication de Me Hatem : «Ses facultés intellectuelles sont altérées et, même s'il jouit encore d'instants de lucidité, il lui serait impossible de répondre à des questions précises. Peut-être se rendra-t-il à la première audience, mais c'est tout.»
Triste destin pour cet homme qui fit rêver des générations d'aventuriers. Faut-il encore le présenter ? Après un passage dans la Marine (l'épisode indochinois), il sert dans la police du Maroc au début des années 50. L'expérience se termine... en prison, pour un pseudo-complot contre Pierre Mendès France. Echaudé, il se fait VRP en électroménager. Erreur de casting. La bougeotte le reprend vite. En 1960, il lit un article de L'Aurore citant les exploits des mercenaires au Katanga (dans l'ex-Congo belge). Il achète un billet d'avion et file les rejoindre.
Sa vie est un roman
Bob Denard a toutes les qualités requises pour s'imposer : sens du commandement, génie de l'embrouille et courage physique (il sera blessé plusieurs fois). Dès lors, on le verra sous toutes les latitudes, son histoire se confondant avec celles d'une décolonisation tumultueuse : Yémen, Congo, Biafra, Bénin, Angola. Son coup de maître et son coup de coeur seront néanmoins pour les Comores. De 1978 à 1989, il en fut le vice-roi. Avec l'assentiment de la France, jusqu'à ce que le gouvernement socialiste décide d'en finir avec les «affreux», en 1989. Premier accroc dans une relation jadis fusionnelle.
«En effet, commente Me Hatem, le parcours de Bob Denard est indissociable du jeu de dominos propre à la guerre froide. Toutes ses interventions ont servi les intérêts français, en particulier, et ceux du monde libre, en général. Elles se sont faites avec le "feu vert" (soutien officieux) ou le "feu orange" (couverture en cas de réussite mais désaveu en cas d'échec) des services français. L'affaire qui nous intéresse n'échappe pas à cette règle. En 1995, le président Djohar avait plongé l'archipel dans la corruption et la tyrannie. Il aurait commencé à inquiéter la France, et son départ serait devenu souhaitable. D'ailleurs, Paris s'est bien gardé de le remettre en place après l'opération.»
Thèse confirmée par l'un des lieutenants de Bob Denard : «Six mois à préparer le coup, ça n'a pas pu passer inaperçu auprès des services ! Tout le monde savait o๠nous allions. Et puis, je connais le Vieux : lorsqu'il a appris que Paris déclarait les hostilités, il ne comprenait plus rien. C'est un coup de billard à plusieurs bandes. Dans un premier temps, on écarte un Djohar devenu encombrant. Ensuite, on éjecte ceux qui ont fait le sale boulot.»
Manipulation au nom de la realpolitik ? Ou bien cafouillage au sommet de l'Etat ? Seule certitude : en pleine crise des essais nucléaires (automne 1995), l'opération antimercenaires a incontestablement redoré le blason de la France vis-à -vis de la communauté internationale. Et puis, Bob Denard faisait mauvais genre. Tout comme ses hommes, lansquenets égarés dans la modernité. Historiquement et politiquement incorrects. La France souhaitait tourner la page. Le vieux condottiere appartient désormais au passé. «Vous serez riches... en souvenirs !» avait-il coutume de dire à ses reîtres. Vu sous cet angle, et même s'il vit dans un pavillon de banlieue et qu'il a perdu la mémoire, Bob Denard paraît multimilliardaire.
Avec 27 de ses «affreux», il doit comparaître en correctionnelle à Paris à partir de lundi, pour le putsch de 1995 aux Comores. Atteint de la maladie d'Alzheimer, le célèbre mercenaire sera absent. La vérité aussi, sans doute.
Ce fut un coup longuement préparé et rondement exécuté. Du travail de pros. Tout commence début 1995 à Bergen, en Norvège. Un sexagénaire répondant au nom de Bernard Martin (qui n'est autre que Bob Denard) y achète un câblier baptisé Le Vulcain et immatriculé au Panama. Acheminé à Rotterdam, le bateau subit quelques transformations. En juillet 1995, destination Tenerife, aux Canaries, o๠une trentaine de mercenaires montent à bord. «Nous allons là o๠vous savez que nous allons», lâche le «Vieux» (surnom que lui donnent ses pairs). En clair : cap sur les Comores, son fief.
Le 28 septembre 1995, les flibustiers débarquent sur la Grande Comore et s'emparent de la capitale : Moroni. Le président Djohar est destitué. Les prisonniers politiques sont libérés. A Paris, le Premier ministre Alain Juppé annonce que la France n'interviendra pas. Le 4 octobre, l'armée française lance pourtant l'opération Azalée (1 000 hommes pour chasser les mercenaires). Le 5 octobre, Bob Denard ordonne la reddition. Pendant huit jours, les chiens de guerre sont détenus et «débriefés» par les militaires. Le 13 octobre, un avion les ramène au Bourget, menottés à leur siège.
Voici les faits pour lesquels Robert Denard et vingt-sept de ses comparses (deux sont morts depuis) seront jugés du 20 février au 15 mars par le tribunal correctionnel de Paris. Chef d'inculpation : association de malfaiteurs. Sauf que le principal accusé ne participera pas aux audiences. Agé de 77 ans, le centurion retraité souffre de la maladie d'Alzheimer. A la requête de son avocat, Me Elie Hatem (commis d'office car son client ne touche qu'une retraite de 250 euros par mois, due à ses états de service pendant la guerre d'Indochine !), une expertise médicale l'a déclaré «inapte à comparaître». Explication de Me Hatem : «Ses facultés intellectuelles sont altérées et, même s'il jouit encore d'instants de lucidité, il lui serait impossible de répondre à des questions précises. Peut-être se rendra-t-il à la première audience, mais c'est tout.»
Triste destin pour cet homme qui fit rêver des générations d'aventuriers. Faut-il encore le présenter ? Après un passage dans la Marine (l'épisode indochinois), il sert dans la police du Maroc au début des années 50. L'expérience se termine... en prison, pour un pseudo-complot contre Pierre Mendès France. Echaudé, il se fait VRP en électroménager. Erreur de casting. La bougeotte le reprend vite. En 1960, il lit un article de L'Aurore citant les exploits des mercenaires au Katanga (dans l'ex-Congo belge). Il achète un billet d'avion et file les rejoindre.
Sa vie est un roman
Bob Denard a toutes les qualités requises pour s'imposer : sens du commandement, génie de l'embrouille et courage physique (il sera blessé plusieurs fois). Dès lors, on le verra sous toutes les latitudes, son histoire se confondant avec celles d'une décolonisation tumultueuse : Yémen, Congo, Biafra, Bénin, Angola. Son coup de maître et son coup de coeur seront néanmoins pour les Comores. De 1978 à 1989, il en fut le vice-roi. Avec l'assentiment de la France, jusqu'à ce que le gouvernement socialiste décide d'en finir avec les «affreux», en 1989. Premier accroc dans une relation jadis fusionnelle.
«En effet, commente Me Hatem, le parcours de Bob Denard est indissociable du jeu de dominos propre à la guerre froide. Toutes ses interventions ont servi les intérêts français, en particulier, et ceux du monde libre, en général. Elles se sont faites avec le "feu vert" (soutien officieux) ou le "feu orange" (couverture en cas de réussite mais désaveu en cas d'échec) des services français. L'affaire qui nous intéresse n'échappe pas à cette règle. En 1995, le président Djohar avait plongé l'archipel dans la corruption et la tyrannie. Il aurait commencé à inquiéter la France, et son départ serait devenu souhaitable. D'ailleurs, Paris s'est bien gardé de le remettre en place après l'opération.»
Thèse confirmée par l'un des lieutenants de Bob Denard : «Six mois à préparer le coup, ça n'a pas pu passer inaperçu auprès des services ! Tout le monde savait o๠nous allions. Et puis, je connais le Vieux : lorsqu'il a appris que Paris déclarait les hostilités, il ne comprenait plus rien. C'est un coup de billard à plusieurs bandes. Dans un premier temps, on écarte un Djohar devenu encombrant. Ensuite, on éjecte ceux qui ont fait le sale boulot.»
Manipulation au nom de la realpolitik ? Ou bien cafouillage au sommet de l'Etat ? Seule certitude : en pleine crise des essais nucléaires (automne 1995), l'opération antimercenaires a incontestablement redoré le blason de la France vis-à -vis de la communauté internationale. Et puis, Bob Denard faisait mauvais genre. Tout comme ses hommes, lansquenets égarés dans la modernité. Historiquement et politiquement incorrects. La France souhaitait tourner la page. Le vieux condottiere appartient désormais au passé. «Vous serez riches... en souvenirs !» avait-il coutume de dire à ses reîtres. Vu sous cet angle, et même s'il vit dans un pavillon de banlieue et qu'il a perdu la mémoire, Bob Denard paraît multimilliardaire.
Avec 27 de ses «affreux», il doit comparaître en correctionnelle à Paris à partir de lundi, pour le putsch de 1995 aux Comores. Atteint de la maladie d'Alzheimer, le célèbre mercenaire sera absent. La vérité aussi, sans doute.
Ce fut un coup longuement préparé et rondement exécuté. Du travail de pros. Tout commence début 1995 à Bergen, en Norvège. Un sexagénaire répondant au nom de Bernard Martin (qui n'est autre que Bob Denard) y achète un câblier baptisé Le Vulcain et immatriculé au Panama. Acheminé à Rotterdam, le bateau subit quelques transformations. En juillet 1995, destination Tenerife, aux Canaries, o๠une trentaine de mercenaires montent à bord. «Nous allons là o๠vous savez que nous allons», lâche le «Vieux» (surnom que lui donnent ses pairs). En clair : cap sur les Comores, son fief.
Le 28 septembre 1995, les flibustiers débarquent sur la Grande Comore et s'emparent de la capitale : Moroni. Le président Djohar est destitué. Les prisonniers politiques sont libérés. A Paris, le Premier ministre Alain Juppé annonce que la France n'interviendra pas. Le 4 octobre, l'armée française lance pourtant l'opération Azalée (1 000 hommes pour chasser les mercenaires). Le 5 octobre, Bob Denard ordonne la reddition. Pendant huit jours, les chiens de guerre sont détenus et «débriefés» par les militaires. Le 13 octobre, un avion les ramène au Bourget, menottés à leur siège.
Voici les faits pour lesquels Robert Denard et vingt-sept de ses comparses (deux sont morts depuis) seront jugés du 20 février au 15 mars par le tribunal correctionnel de Paris. Chef d'inculpation : association de malfaiteurs. Sauf que le principal accusé ne participera pas aux audiences. Agé de 77 ans, le centurion retraité souffre de la maladie d'Alzheimer. A la requête de son avocat, Me Elie Hatem (commis d'office car son client ne touche qu'une retraite de 250 euros par mois, due à ses états de service pendant la guerre d'Indochine !), une expertise médicale l'a déclaré «inapte à comparaître». Explication de Me Hatem : «Ses facultés intellectuelles sont altérées et, même s'il jouit encore d'instants de lucidité, il lui serait impossible de répondre à des questions précises. Peut-être se rendra-t-il à la première audience, mais c'est tout.» ....
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site du Monde:http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0,36-743363,0.html
L'ancien mercenaire Bob Denard comparaît pour un coup d'état aux Comores en 1995
LEMONDE.FR | 20.02.06 | 19h09 ⢠Mis à jour le 20.02.06 | 19h28
A peine le procès de Robert Denard s'était-il ouvert, lundi 20 février, devant le tribunal correctionnel de Paris, que l'avocat de l'une des parties civiles, Me Saà¯d Larifou, demandait une contre-expertise médicale du principal prévenu, jugé avec 26 autres personnes pour avoir participé à une tentative de coup d'Etat aux Comores en 1995.
Un premier rapport, remis au tribunal le 30 janvier, concluait que Bob Denard, âgé de 76 ans, était inapte à comparaître en raison de troubles d'ordre neurologique liés à la maladie d'Alzheimer. Malgré cela, il avait tenu à être présent à cette première journée d'audience pour que, selon les mots de son avocat, "tout le monde se rende compte de l'état dans lequel il se trouve". Représentant l'ancien président comorien Saà¯d Mohamed Djohar, Me Larifou a pour sa part dénoncé une "manipulation" et a jugé ce rapport médical"incomplet".
La 14e chambre du tribunal correctionnel de Paris, présidée par Thierry Dervernoix de Bonnefon, ne s'est toutefois pas rangée à ses arguments et a rejeté la demande, souhaitant cependant la présence de Bob Denard, le 7 mars, pour l'interroger. L'avocat de ce dernier, Me Elie Hatem, a indiqué qu'il ne s'opposait pas à cet interrogatoire, "sous réserve de l'état de santé de son client".
L'ancien "soldat de fortune" et ses hommes, poursuivis pour avoir renversé le président Djohar en septembre 1995, risquent dix ans de prison pour "association de malfaiteurs". Débarqués sur l'archipel de l'océan Indien, ancienne colonie française, à bord d'un navire parti des Pays-Bas, ils avaient remis le pouvoir aux opposants, Mohammed Taki et Sad-Ali Kemal, avec, assurent-ils, la bienveillance des services secrets français. Mais l'armée française était intervenue le 4 octobre 1995, en vertu d'accords bilatéraux avec les Comores, et avait capturé les mercenaires.
PAYER "UNE DETTE MORALE"
Dans son ordonnance de renvoi, le juge d'instruction Baudoin Thouvenot estime que le coup d'Etat aux Comores a été mené à l'initiative de Bob Denard, mais estime probable que les services secrets français, inquiets notamment des dérives autoritaires du régime de Djohar, avaient alors fermé les yeux. Le but de l'opération aurait été de "créer aux Comores une zone franche et un système bancaire offshore", dit l'ordonnance de renvoi.
Pendant l'instruction, Bob Denard a assuré avoir agi pour payer une "dette morale" envers Ahmed Abdallah. A la fin des années 1970, alors installé aux Comores, Denard y avait pris le commandement de la garde présidentielle et soutenu l'accession au pouvoir du président Ahmed Abdallah. Mohammed Djohar lui avait alors succédé à la présidence. Le président Abdallah a été tué par balles dans la nuit du 26 au 27 novembre 1989 au palais présidentiel de Moroni, en présence de Bob Denard, Dominique Malacrino et Jean-Paul Guerrier. Poursuivis pour "assassinat", les trois hommes ont été acquittés dans cette affaire en 1999, au bénéfice du doute.
Jean-Paul Guerrier, également mis en cause dans ce nouveau procès, n'était pas présent lundi au tribunal, pas plus qu'un autre prévenu, Jean-Philippe Lafont, qui s'est fait excuser car il est actuellement "en mission de reconnaissance logistique à Bagdad". Bob Denard a également fait citer comme témoins Alain Juppé, premier ministre à l'époque des faits, et Charles Millon, alors ministre de la défense, mais ni l'un ni l'autre ne sont venus à l'audience lundi.
Avec AFP et Reuters
Advienne que pourra une fois en bas!