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Portugal Vagabondage sur le Douro, au pays du porto
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LE MONDE | 15.12.04 | 15h04
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Une croisière sur un fleuve paisible au milieu des vignes et des chais, ponctuée d'escales racontant l'histoire du Portugal.
Porto
de notre envoyé spécial


Qu'il est doux le nom de ce long fleuve - le Douro - né dans les monts de la vieille Castille espagnole et qui va se jeter dans les eaux portugaises de l'Atlantique à  Porto ! Doux et bien tranquille aujourd'hui, parce que régulé par des barrages aux dimensions impressionnantes et des écluses gigantesques, les plus hautes d'Europe, qui font l'admiration des ingénieurs en hydraulique et de tous les amoureux des voies d'eau.

Mais jadis, se souviennent les anciens, ses fureurs subites, c'est-à -dire ses crues, semaient la panique en provoquant des centaines de naufrages de rabelos, ces bateaux de bois élégants au gouvernail immense à  bord desquels on entassait les barriques du célèbre vin de Porto pour les descendre jusqu'aux chais et magasins de la ville-port du même nom.

Fleuve, vin et montagnes sont les trois mots-clés du triptyque de ceux qui veulent connaître et apprécier ce Portugal septentrional, hier encore considéré comme en retard de développement par rapport à  ses voisins européens et aujourd'hui, grâce notamment aux subventions communautaires, en plein boom.

Sur près de 240 km, le Douro traverse le Portugal d'est en ouest et constitue un itinéraire initiatique varié, sauvage la plupart du temps et toujours enchanteur. L'été, la fraîcheur de l'onde et des ombres sur le rivage apportent une bienfaisante compensation aux torrides chaleurs. En automne, sur les terrasses escarpées, roussissent les dernières feuilles des vignes.

Le tourisme fluvial a trouvé là  un bon terrain de chasse. Bon et tout neuf. Car on peut faire connaissance avec un pays par les livres, l'avion qui le survole, la route ou le train qui y serpentent. Mais le découvrir par la voie d'eau intérieure a quelque chose de plus subtil, plus intime, subjectif presque. Blaise Pascal disait joliment que les fleuves sont des chemins qui marchent.

A l'embouchure du Douro, Porto et sa topographie tourmentée se débattent comme toutes les métropoles entre urbanisation rapide et sauvage et souci de préserver un riche passé. Le classement en 1996 de la ville au Patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco et sa nomination en 2001 comme capitale européenne de la culture avivent la curiosité des touristes et rehaussent son prestige. Il est vrai que, autant au bord du fleuve que dans la ville haute, aux alentours de la cathédrale et de la gare centrale, se lit dans les ruelles sinueuses l'histoire d'une nation qui fut jadis à  l'avant-garde des plus glorieuses conquêtes ultramarines.

Mais la deuxième ville du pays offre aussi un spectacle décevant en raison des travaux du métro qui l'éventrent et de l'abandon, par leurs propriétaires privés, de demeures aux façades encore couvertes de faà¯ences aux tons blancs et bleus. Ces maisons qui ont abrité l'opulence sont aujourd'hui délabrées, aveugles, béantes, et donnent une allure pitoyable, voire repoussante, à  certains quartiers, ce qui a conduit la municipalité, soutenue par un programme financier européen, à  prendre les choses (c'est-à -dire la restauration immobilière) énergiquement en main.

UNE QUARANTAINE DE Cà‰PAGES

Le fleuve, lui, n'a pas encore trop subi l'outrage du temps ou l'impéritie des hommes. Sur la rive gauche, à  Gaà¯a, rivale de Porto, les chais des grandes compagnies de vin de Porto - les majors rachetant progressivement les sociétés plus petites - constituent une halte obligée dans tout programme touristique.

Se faire raconter l'histoire autant anglaise que portugaise du divin breuvage et se laisser initier aux subtils distinguos entre le porto blanc fruité et les vintages de trente ou quarante ans, dont les bouteilles, une fois ouvertes, doivent être bues sans trop attendre, procure autant d'émotions que la dégustation elle-même. Les cépages ? On en dénombre une quarantaine.... Et c'est ainsi, la tête enjouée et les papilles égayées, qu'on ira visiter la cathédrale, commencée au XIIe siècle, qui mêle de nombreux styles et abrite une chapelle du Saint-Sacrement richement et lourdement ornée de boiseries de palissandre et de panneaux d'argent et d'or brésiliens.

Le palais de la Bourse, o๠est installée depuis 1834 la Chambre de commerce, mérite aussi le détour. Non seulement parce que la salle du Tribunal, superbe, ne sert plus pour des audiences de justice mais pour les intronisations des membres de la confrérie des vins de porto,mais aussi parce que le "clou" des salles est le salon arabe, tout de stuc, inspiré de l'Alhambra de Grenade.

Mais revenons au fleuve et sur le fleuve, en en remontant le cours. Le Fernao-de-Magalhaes, paquebot fluvial blanc et vert, armé par CroisiEurope, glisse sous les six ponts de la ville, celui que construisit au siècle dernier Gustave Eiffel et les ouvrages modernes en béton. Les rives sont bien aménagées, avec marinas, clubs sportifs, aires de baignade et parcours de kayaks. Le cours d'eau est large, docile, et les villas cossues, blotties dans les pinèdes, montrent que la bourgeoisie de Porto ne dédaigne pas ces lieux de villégiature. "Ce qui se développe le plus, c'est le jet ski aux beaux jours", note le commandant du navire, Jean-Marc Portebois, galons aux épaulettes.

MAISONS DE MAàŽTRE

Plus on remonte vers l'amont, plus les rives deviennent sauvages. Les forêts d'eucalyptus remplacent les résineux. Les hérons ne sont pas effarouchés. Chaque village a aménagé son estacade, son ponton, ses quais revêtus de petits pavés de granit. Le fleuve longe la voie ferrée et la route. Parfois, le chenal se rétrécit à  ce point dans les gorges qu'on croit l'échouage inévitable. D'anciens caboteurs maritimes ont été transformés en dragues pour entretenir le chenal.

Sur les hauteurs, au milieu des domaines viticoles, les maisons de maître, blanches aux toits de tuiles rouges - les quintas -, veillent sur la vallée et les alentours comme le feraient ailleurs des châteaux forts postés aux endroits stratégiques. Tout part du porto et du Douro et tout y retourne. Un sommelier rapporte ce dicton : "Dieu créa la Terre et l'homme le Douro."

Jadis utilisé pour le transport de marchandises, notamment le granit, le Douro n'a plus qu'une vocation touristique. Tous les villages riverains se préparent à  recueillir sa manne. "Les chiffres explosent, explique Francisco Lopès, administrateur délégué de l'Institut portuaire et des transports, avec 63 000 touristes sur le fleuve en 1997 et 168 000 en 2003."

L'autocar est un allié précieux du bateau. Des routes sinueuses - mais bientôt une autoroute superbe en encorbellement - conduisent à  Sabrosa, conglomérat de demeures seigneuriales du XVe siècle o๠naquit, en 1480, Magellan. Et voilà  Vila Real, o๠prolifèrent les balcons et portails en ferronnerie d'art, et, un peu à  l'écart, le manoir de Mateus, exemple achevé de l'architecture baroque à  l'intérieur duquel on pourra voir, stupéfait, une collection de reliques religieuses "empruntées" il y a longtemps au Vatican et jamais restituées...

Au loin retentit la corne du Fernao-de-Magalhaes, qui rappelle à  l'ordre les touristes retardataires. Il ne faut pas traîner, car la navigation sur le Douro n'est pas (encore) autorisée la nuit. Et les portes de l'écluse de Carapattelo - qui permettent d'avaler un dénivelé de 36 mètres - ferment à  la tombée du jour.

François Grosrichard


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Croisières fluviales à  succès


Première compagnie française de tourisme fluvial, CroisiEurope, dont le siège est à  Strasbourg, exploite 3 paquebots sur le Douro. Construits à  Namur, en Belgique, et aménagés à  Strasbourg, les navires - qui ont un équipage de 26 membres - peuvent embarquer chacun quelque 140 passagers pour des croisières de six à  huit jours. Propriété de la famille Schmitter, CroisiEurope, avec une flotte de 24 bateaux, fait l'essentiel de son chiffre d'affaires sur le Rhin, le Rhône, la Saône et le Danube. Elle aura transporté 150 000 touristes en 2004. C'est en 2002 que les premières croisières ont été lancées sur le Douro, "une destination en pleine expansion particulièrement appréciée de la clientèle française", selon Patrick Schmitter, directeur général de l'entreprise. Parmi les projets : des croisières "mixtes" au sud du Portugal et de l'Espagne, sur les fleuves russes et le Mékong. CroisiEurope va aussi faire construire l'an prochain des "mini-paquebots" maritimes pour, en 2006, programmer des croisières le long des côtes de Croatie. Une deuxième compagnie de poids, Douro Azul, à  la tête de 6 paquebots, navigue aussi sur le Douro.
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