Dim. 01 Dec. 2002, 01:17
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(LE MONDE)
Le "gruyère" du sous-sol parisien sous haute surveillance
Les 280 kilomètres de galeries souterraines accessibles, dans les anciennes carrières de la capitale, font l'objet d'une inspection constante. Malgré la pluviométrie exceptionnelle des derniers mois, la montée de la nappe phréatique ne devrait pas menacer la stabilité de ce réseau.
Depuis le 1er mars, la rue des Martyrs, à Paris (18e arrondissement), dans sa partie haute, est fermée à la circulation. Ce jour-là , la chaussée s'est affaissée, laissant un trou de 5 mètres de profondeur et de 8 de long. Comme à chaque incident de ce type, l'Inspection générale des carrières (IGC) a pris en charge le suivi des travaux. Si les résultats définitifs des forages ne sont pas encore connus, pour Dimitri Spoliansky, adjoint à l'inspecteur des carrières, "il apparaît que la carrière de gypse - un sulfate hydraté de calcium naturel communément appelé pierre à plâtre - sur laquelle se trouve la rue des Martyrs est en bon état, mais que les remblais de la carrière à ciel ouvert qui est au-dessus d'elle, sur une dizaine de mètres, sont d&! #233;tériorés". Cet affaissement est probablement dà» aux écoulements d'eau en surface.
La pluviométrie exceptionnelle enregistrée ces derniers mois sur Paris contribue donc à expliquer un phénomène d'habitude assez rare : les eaux de la capitale les plus surveillées sont celles de sa nappe phréatique. La mission incombe à l'IGC, grâce à quelque 270 piézomètres - instruments servant à mesurer la compressibilité des liquides - répartis sur le territoire de la ville.
Jacques Sicard, chargé de mission à l'Agence de l'eau Seine-Normandie, précise que "la nappe phréatique sous Paris, en moyenne à plus de 10 mètres en dessous du niveau du sol, est assez profonde pour qu'elle ne suscite pas d'inquiétude". Cependant, il rappelle que "les fondations de nombreux immeubles sont régulièrement pompées". C'est le cas de l'Opéra-Bastille, o๠une pompe rejette au rythme de 100 mètres cubes/heure les eaux dans la Seine. La construction du prochain Musée des arts premiers, sur le quai Branly, nécessite une installation de ce type.
UNE MàMOIRE VIVANTE
De façon générale, lors de la construction d'un immeuble avec des parkings souterrains, les promoteurs choisissent d'installer une pompe afin d'éviter les remontées des eaux. Cette nappe connaît une remontée sensible de son niveau depuis le départ progressif des grandes entreprises consommatrices d'eau, comme les blanchisseries de Boulogne. Quant aux crues de la Seine, les barrages réservoirs, en amont de Paris, assurent une réelle protection (Le Mondedu 3Â avril) en limitant les inondations à des débordements temporaires sur les quais, comme ceux que l'on a connus ces derniers jours. En plus de la veille des eaux, l'IGC, obligatoirement consultée pour chaque nouvelle construction d'immeuble, est la mémoire vivante du sous-sol parisien depuis 1777.
L'habitat parisien, depuis le Moyen Age, doit en grande partie les matériaux de construction de ses immeubles à son sous-sol (lire ci-dessous). Une fois l'exploitation d'un site terminée, il était sommairement rebouché, laissant au fil des siècles une multitude de cavités et de galeries. Un arrêté royal a interdit toute extraction des pierres dans Paris intra-muros dès 1779, mais cette interdiction ne sera effective qu'avec la loi du... 14Â décembre 1967, qui l'étend aux Hauts-de-Seine, à la Seine-Saint-Denis et au Val-de-Marne, à l'exception de plusieurs gisements de gypse en Seine-Saint-Denis. De son côté, l'IGC, rattachée à la Mairie de Paris, a étendu son champ d'action, en 1968, à ces trois mêmes départements.
Toutes les galeries héritées du passé, le percement des tunnels pour le métro, les égouts, donnent aujourd'hui au sous-sol parisien son aspect de "gruyère" souterrain. Mais, selon l'IGC, ce "gruyère" n'est pas si fragile : Dimitri Spoliansky rappelle que la construction de cet ensemble, "parfois, s'appuie sur les voà»tes des galeries et leur assure une stabilité. Contrairement à une idée généralement admise, le sous-sol parisien est solide".
UN QUADRILLAGE SERRà
Pour l'IGC, Paris n'est pas le plateau picard (Le Monde du 8Â mai)Â : la montée de la nappe ne menace pas ce sous-sol, au demeurant très surveillé. Sous la houlette du service "division banque de données techniques du sous-sol" de Michel Hameroux, l'IGC ausculte, cartographie et surveille le territoire parisien, divisé en deux aires assez distinctes. Au nord, une zone inaccessible par la surface - 65Â hectares autour de la butte Montmartre - de carrières de gypse. Dans cette zone, il faut pratiquer des forages pour connaître l'état du sous-sol. Dans le sud, les carrières de calcaire sont accessibles et s'étendent sur quelque 770Â hectares débordant sur les banlieues sud-ouest de l'agglomération parisienne. Grâce à l'élaboration de 137Â cartes au 1/1000e sur Paris (plus 320 pour les départements limitrophes), les cartographes co! uvrent 95Â % du sous-sol parisien.
La surveillance, elle, est assurée par une brigade de huit personnes qui sillonnent en permanence les quelque 280 kilomètres de galeries accessibles sous le domaine public dans la zone des carrières calcaires. Si les galeries de calcaire des 15e, 14e, 5e, 6e communiquent entre elles, celles situés sous le 16e, le 13e et le 12e autour de Daumesnil forment des zones indépendantes. C'est au cours d'une ronde de surveillance en 2000, rappelle M. Hameroux, qu'"un fontis -détérioration d'une voà»te d'une carrière de calcaire pouvant aboutir à la formation d'une excavation- fut révélé dans le 6e arrondissement, à l'angle de la rue Madame et de la rue Fleurus, alors que rien en surface ne laissait prévoir cette fissure. Nous avons de suite procédé à un colmatage de cette voà»te, évitant une catastrophe". Cet épisod! e ne doit pas faire oublier que de nombreuses excavations - une dizaine par an - se produisent sans prévenir. A l'exemple de la rue des Martyrs.
Dominique Buffier
LE MONDE
lafouine
http://www.cyberkata.org/
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