Sam. 30 Nov. 2002, 21:54
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Les pouvoirs publics sont confrontés à l'usure des infrastructures dénoncée par la Cour des comptes. En cause : la diminution des moyens humains et financiers depuis vingt ans. Illustration dans le Val-d'Oise
Val-d'Oise de notre envoyé spécial
C'est un ouvrage en béton comme il en existe des centaines en France. Le pont d'Epinay, à l'entrée nord d'Argenteuil (Val-d'Oise), enjambe une voie communale sur une portée d'une dizaine de mètres, mais est large de plus du double pour supporter la nationale 311, configurée ici en 2 Â¥ 2 voies. Edifiée au début des années 1970, en partie sur une ancienne carrière de gypse remblayée, la construction est aujourd'hui de guingois, position qu'illustrent les nombreuses fissures. Le degré de dangerosité est tel que la direction départementale de l'équipement (DDE) a procédé à l'enlèvement des corniches qui l'ornaient.
Le poids du béton et du remblaiement sur le sol de pierre à plâtre a enfoncé de 10 centimètres un des deux supports sur lesquels repose l'ouvrage. "Le maximum de tolérance est de 20 centimètres", précise Grégoire Nicolle, l'ingénieur de la DDE responsable du contrôle des ponts dans le Val-d'Oise. Autrement dit, il est grand temps de procéder au rééquilibrage du pont d'Epinay, sur lequel passent 50 000 voitures particulières par jour â le trafic de poids lourds est marginalâ, dont nombre rejoignent l'A15.
Les travaux, inscrits dans les priorités de la DDE, vont commencer au début de l'été, en deux étapes afin de ne pas couper la circulation, qui continuera, de façon alternée, sur deux voies pendant les cinq mois de la rénovation. Cette fois, la terre des remblais sera mélangée à du polystyrène afin de limiter le poids et, donc, de réduire, voire d'éliminer, le phénomène d'affaissement, visiblement sous-estimé il y a trente ans. Toujours sur la RN 311, mais 400 mètres en aval, le viaduc d'Orgement, lui aussi construit voilà une trentaine d'années, nécessite une intervention, ou plutôt sa rampe d'accès, longue de 220 mètres.
Les fissures sur la chaussée sont les signes extérieurs de la détériorations des joints reliant les blocs de béton coulés tous les 30 mètres. Encore une fois, le vieillissement précoce de l'ouvrage peut surprendre. Les experts de la DDE ne s'aventurent pas à donner d'explications. Bruno Verdon, lui, directeur de l'équipement du Val-d'Oise, sait qu'il faut réaliser les deux chantiers simultanément, pour un coà»t de 15millions de francs. Son autre priorité est la réfection de la Nationale1, elle aussi en 2 Â¥ 2 voies, mais seulement dans la direction sud-nord â entre Maffliers et L'Isle-Adam: le sens inverse a été rénové au moment de la construction de l'autoroute A16, qui joint l'Ile-de-France à Beauvais, en Picardie. Un chantier de 5 millions de francs pour moins de 4 kilomètres, qui seront aussi rénovés pendant l'été. Et encore s'agit-il de s'occuper simplement de la couche de roulement, des accotements et de la glissière de sécurité métallique, qui sera remplacée par une protection en béton au centre de la chaussée.
A première vue, la bande de roulement est en bon état, mais Philippe Perrais, chargé du contrôle des routes à la DDE, fait remarquer que les "rustines" de bitume, effectuées sur les fissures longitudinales et les nids de poule et destinées à assurer l'étanchéité de la route, représentent 50 % du revêtement. Ce qui est dangereux, puisque le bitume, contrairement à l'asphalte, est un matériau glissant. La chaussée est d'autant plus glissante que la surface de roulement, vieille de treizeou quatorze ans, a perdu de son adhérence en libérant ses granulats (cailloux qui entrent dans la composition de l'asphalte) sur la chaussée. "Du coup, ses coefficients de sécurité sont moins bons et lui donnent une note inférieure à 13 dans notre nomenclature, ce qui est une mauvaise note", commente M. Perrais. Comment pourrait-il en être autrement alors qu'une route de cette importance â 50 000 véhicules, dont 10 % de camions, par jour â devrait être refaite "normalement" tous les dix ans au maximum ?
A l'inverse, le piteux état des accotements est visible à l'Åil nu, tant les trous remplis d'eau sont fréquents. Dans de nombreux endroits, la différence de niveau entre la chaussée et le bas-côté est importante, avoisinant parfois les 10 centimètres, ce qui représente, selon la nomenclature routière, le seuil de tolérance. L'idée est de refaire les accotements sur une largeur de 2 mètres afin de faciliter les arrêts d'urgence. Quant à la glissière, rouillée et déformée, il faut la changer. "C'est le minimum que l'on puisse faire", commente Jean-Dominique Gillis, adjoint au maire de L'Isle-Adam.
Si les élus locaux se réjouissent de l'engagement des travaux au début de l'été, ils déplorent que ceux-ci se limitent à ces trois volets. M.Gillis fait remarquer que les voies d'accès devraient faire l'objet de bretelles et non pas de stops à hauts risques. Philippe Kilidjian, maire de Maffliers, renchérit en affirmant que cette portion de route est très dangereuse : "Il ne se passe pas une semaine sans accident." Sa dangerosité est encore plus grande lorsqu'il s'agit des enfants et des adolescents qui se rendent à l'école, au collège de Montsoult ou au lycée de Domont. "Il n'y a pas de protection entre la chaussée et le passage le long de la nationale que les piétons sont obligés d'emprunter pour se déplacer", explique M. Kilidjian. L'élu souhaite la construction d'une déviation sur la N1 en attendant la prolongation de l'A16, promise depuis longtemps. Ce type de décisions dépasse les compétences de M. Verdon. Mais comme il aimerait en faire plus si l'Etat lui en donnait les moyens ! "On pourrait mieux nettoyer les routes ou, plus important, généraliser les panneaux de signalisation réfléchissants, gage de sécurité supplémentaire", se met à rêver le représentant départemental du ministère de l'équipement et des transports.
Marcel Scotto
© Le Monde 2001
lafouine
http://www.cyberkata.org/
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