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Delanoà« se noie dans l'aquarium du Trocadéro

La mairie de Paris ne renonce pas au projet de rénovation douteux lancé par Tiberi en 1999.

Par Renaud LECADRE

mardi 04 octobre 2005 (Liberation - 06:00)




érer les miasmes du chiraquisme n'est pas une sinécure, Bertrand Delanoà« est bien placé pour le savoir. L'actuel maire de Paris vient de se faire remonter les bretelles par le tribunal administratif pour n'avoir pas su s'extraire du guêpier de l'aquarium du Trocadéro, situé au pied de la tour Eiffel. Inauguré pour l'Expo universelle de 1878, logé dans une ancienne carrière souterraine, fermé en 1985 pour raisons de sécurité (la voà»te commençait à  s'écrouler), cet aquarium maudit a, depuis, donné lieu à  trois concours de reconstruction publics, tous plus tordus les uns que les autres et donc tous annulés (Libération du 15 juin 2004). Quand il était dans l'opposition, Delanoà« dénonçait à  juste titre cette incompétence municipale. Une fois élu maire, il n'a rien trouvé de mieux que de poursuivre mordicus l'oeuvre de ses prédécesseurs. Au risque de plomber le contribuable parisien à  hauteur de 42 millions d'euros.

En mai 2004, le tribunal administratif annulait la concession confiée au groupe japonais Morita, gestionnaire de l'aquarium de Londres. Jean Tiberi lui avait confié en 1999 le chantier du Trocadéro au motif que son aquarium londonien «rencontre un grand succès et est extrêmement profitable». C'est au contraire un gouffre financier. Normalement, tout candidat à  un marché public doit fournir ses comptes des trois dernières années. Morita avait concouru via une coquille basée aux Pays-Bas, prétendument de création récente, pour s'épargner cette formalité. La mairie a gobé la ficelle, tellement grosse que se pose la question de sa complicité ­ une plainte pénale est en cours pour faux en écriture.

Bertrand Delanoà« et Yves Contassot, son adjoint Vert chargé du dossier, avaient toutes les cartes en main pour arrêter les frais : le dossier est hérité de Chirac et Tiberi, et le tribunal estime que le marché a été passé dans des conditions «irrégulières». Pain bénit. Curieusement, l'actuelle municipalité choisit d'accélérer la reconstruction de l'aquarium. Elle bénéficie pour cela d'une bizarrerie procédurale : le tribunal ne peut annuler que la délibération du conseil municipal autorisant le maire à  signer un marché, mais pas le marché lui-même. L'équipe Delanoà« n'a pas caché sa volonté de pratiquer la politique du fait accompli : «L'état d'avancement des travaux doit être pris en considération», souligne un de ses mémoires.

Jean Dachary, dirigeant du cabinet Socrate (Société d'ouvrage de création et de recherche en aquariologie tropicale et endémique), lauréat du premier concours avorté, est le parfait grain de sable. Cet aquariophile reconverti en procédurier a ressaisi le tribunal administratif, lequel a mis les points sur les i, le 13 septembre, en faisant «injonction» à  Delanoà« de mettre fin au contrat avec Morita. La mairie de Paris en prend pour son grade par son «refus persistant d'exécuter d'une décision de justice.» Conséquence : pour avoir refusé d'appliquer le premier jugement et laissé le japonais construire son aquarium, l'équipe Delanoà« risque de devoir assumer les 42 millions d'euros du chantier. La mairie envisage une nouvelle astuce procédurale pour se sortir du trou. A défaut du droit, l'imagination est au pouvoir.