Ven. 10 Mars 2006, 09:26
0 | 0 | ||
«Ma mère avait trois ans quand son père et mon oncle sont morts. Le père de mon père, qui travaillait dans la même fosse que le père de ma mère, n'était pas allé travailler ce jour-là . Il ne s'était pas réveillé à l'heure, c'est ce qui l'a sauvé. Voilà ce que je sais. On n'est pas très expressif dans la famille, on ne parle pas beaucoup du passé. Quand j'étais petit, on laissait parler les adultes et on allait jouer dehors, on ne demandait pas mieux. Léon Boursier, le rescapé, est parti vivre à Paris. Quand on a vécu des choses pareilles, on s'éloigne de ce travail.
«Je suis descendu à la mine, à 14 ans, parce que c'était la misère. Le premier jour, je me suis dit : "Je ne resterai pas." Quatre cents mètres au-dessus de ma tête, c'était affreux. Et la mentalité des mineurs ne me plaisait pas. Je les trouvais vulgaires, personnels, des bêtes de somme. La solidarité existait mais en cas d'accident. Un gars était pris dans un éboulement, tout le monde s'y mettait. Sinon, on travaillait en partie à la tâche. J'ai connu un homme, un "maca"  quelqu'un qui en abattait plus que tout le monde Â, il a refusé que je travaille à côté de lui pour s'approprier la partie que je devais abattre. "Si tu ne t'en vas pas, je te fous mon aiguille dans le ventre." C'était l'aiguille du marteau-piqueur. Je l'ai revu des années plus tard. Il m'a dit : "Tu sais, Louis, si j'avais su, j'aurais fait comme toi. Maintenant, je suis silicosé à 100 %." Il est mort à la quarantaine. Je suis remonté travailler au jour au bout de dix ans, à cause d'une sciatique paralysante. Six mois après être remonté, je crachais encore du charbon. J'étais plus faible que les autres, c'est ce qui m'a sauvé.
«J'ai fait de l'aà¯kido parce que je voulais apprendre à me défendre, dans la vie, sans détruire les autres. Je suis ceinture noire 2e dan. J'ai eu l'occasion de m'en servir. J'aurais aimé faire des études. J'ai appris le français, l'allemand, la mécanique, la soudure, et même l'ordinateur.»
Bleuiste dans le fond