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Le désert de Retz retrouve son public
LE MONDE | 25.09.09 | 16h16
http://www.lemonde.fr/culture/article/20...r=RSS-3246
Il aura fallu presque soixante-dix ans, depuis sa protection au titre des Monuments historiques en 1941, pour que le sort du désert de Retz, ce jardin anglo-chinois, folie du XVIIIe siècle construite par François Racine de Monville, en lisière de la forêt de Marly (Yvelines), soit enfin réglé. Grâce à son rachat par la mairie de Chambourcy, pour 1 euro symbolique, fin 2007, la restauration et l'entretien des 20 hectares du lieu vont pouvoir être menés à bien.
En attendant, le public va pouvoir redécouvrir ce lieu magique après des années de fermeture. Le ministre de la culture, Frédéric Mitterrand, a officialisé cette ouverture jeudi 24 septembre. Les visites, sur réservation, restent limitées pour des questions de sécurité. Le parc, clôturé de murs, en déshérence depuis la tempête de 1999, a été déblayé : 1 500 stères de bois s'alignent sous les arbres survivants, souvent centenaires. Sur les 1 200 fà»ts auscultés, 300 sont jugés dangereux.
Ce "désert", terme employé à l'époque pour un endroit retiré dans un enclos, est né de l'ambition d'un esthète, beau, jeune et riche, qui avait tous les dons. Grand maître des eaux et forêts de Normandie, cavalier émérite, tireur à l'arc et danseur hors pair, il joue de la harpe et chante les sonnets qu'il compose, se passionne pour l'architecture, la physique, l'astronomie, la botanique... En 1774, sur quelques arpents jouxtant le territoire de chasse de Louis XVI, François Racine de Monville plante 4 000 arbres exotiques et dresse les plans d'un monde d'illusions dans lequel dialoguent les civilisations au travers de monuments emblématiques livrés aux forces de la nature. Une manière de confronter la prétention des hommes à l'échelle du cosmos. De représenter aussi ce siècle des Lumières, de la monarchie agonisante, à l'heure de l'avènement des idées nouvelles.
De la grotte artificielle, encadrée par deux satyres, qui tenait lieu d'entrée, forçant le visiteur à traverser l'obscurité, monde de l'ignorance, pour accéder à la civilisation, il ne reste que les piliers. Ont disparu aussi le pavillon chinois et l'obélisque de métal. Parmi les seize "fabriques", dissimulées sous des frondaisons qui en forcent le mystère, ont survécu la pyramide - qui a été relevée -, le temple à colonnades dédié au dieu Pan, mal en point, la tente tartare ou salle d'armes, et la colonne détruite dans laquelle François Racine de Monville habitait.
Fin d'un cauchemar
Cette tour, volontairement fissurée et à moitié écroulée, haute de 25 mètres, semble avoir été réalisée d'après un tableau d'Hubert Robert (1733-1808), son ami. Au vrai, la "ruine" obéit à un plan rigoureux qui tourne autour d'un escalier hélicoà¯dal sur lequel s'accrochent, sur trois niveaux, salons, chambres et bureaux en ellipse. François de Monville y aménagea son palais des Mille et Une Nuits, dont malheureusement il ne reste rien du décor. Les plans, dessins et gravures de M. de Monville, dénichés par l'écrivain Julien Cendres, un enfant du pays qui s'enticha du lieu, et reproduits dans Désert de Retz, paysage choisi (Julien Cendres et Chloé Radiguet, éd. de L'Eclat, 175 p., 46 â¬), montrent la perfection de l'entreprise et son raffinement.
Au XXe siècle, les projets avortés les plus fous ont succédé à l'élevage de poules de la famille Passy : circuit automobile, ville nouvelle, centre de loisirs, etc. La restauration à l'identique des fabriques engagée par Pierre Morange, député et maire de Chambourcy, sonne comme la fin d'un cauchemar. Sept architectes en chef des Monuments historiques ont répondu à l'appel d'offres. "D'ores et déjà , 470 000 euros ont été promis par le président du conseil général des Yvelines", indique M. Morange, somme qui s'ajoute aux 70 000 euros de son enveloppe parlementaire. L'Etat devrait mettre aussi au pot, et les mécènes sont attendus. Dans un premier temps, les travaux sur la colonne et le temple de Pan nécessitent 1,4 million d'euros.
Ce "poème à l'image d'une époque" qui fascina tant Colette, Breton, Mandiargues ou encore Malraux, qui élabora à son propos sa loi de sauvegarde des Monuments historiques de 1966, devrait, par cette renaissance, retrouver toute sa dimension philosophique.
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Désert de Retz, visites sur réservation à la mairie de Chambourcy. Tél. : 01-39-22-31-37. Sur Internet : http://www.chambourcy.fr
Florence Evin
Article paru dans l'édition du 26.09.09.