Lun. 22 Oct. 2007, 22:06
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Citation :Le Matin Dimanche Frédéric Rein - 20/10/2007
Quatre ans de travail acharné et de persévérance auront été nécessaires à une équipe de spéléologues pour découvrir 12 km de galeries souterraines dans la grande grotte aux Fées de Vallorbe. Les deux initiateurs nous éclairent sur cette trouvaille sans précédent. Descente en lieu obscur...
Une porte close. C'est là , après 200 mètres, que se termine la route des promeneurs qui, s'éclairant avec une bougie ou une lampe torche, se sont aventurés dans la cavité principale des grottes aux Fées de Vallorbe. La fin d'un chemin pour certains, et le début d'une incroyable aventure pour une poignée de spéléologues. Une porte ouverte sur un autre monde, fait d'incertitudes. Un univers sans brides, qui laisse galoper l'imaginaire.
«Les entrailles de la Terre représentent l'un des derniers endroits de la planète o๠des découvertes sont encore possibles», explique, rêveur, Claude-Alain Diserens, initiateur, avec Pierre Beerli, de la découverte d'un réseau souterrain de 12 km, soit l'avancée spéléologique la plus importante des cent dernières années en Suisse romande.
«Au niveau de sa taille, c'est le plus vaste de Romandie, mais également du Jura suisse», précise Pierre Beerli, membre du club lausannois de spéléologie tout comme son camarade de lampe frontale! «Mais il s'agit là d'une victoire d'équipe, celle du Groupe d'exploration aux fées (GEF), réunissant les associations de spéléologie de Lausanne, de Cheseaux et du Valais», insistent ceux qui possèdent chacun plusieurs dizaines d'années de pratique à leur compteur souterrain.
Un courant d'air providentiel
Un travail de longue haleine, sur quatre ans, qui a aussi parfois conduit leur moral... au fond du trou! Quatre années d'acharnement à cause d'un courant d'air qui leur a montré la voie à suivre, leur prouvant l'existence d'une galerie dissimulée derrière une paroi rocheuse.
A coups d'explosifs (qu'ils sont habilités à manier), de déblayage et de persévérance, ils se sont progressivement dirigés vers cette lueur d'espoir. «Nous avons dà» installer des rails et des tyroliennes permettant d'évacuer des centaines de seaux de débris rocheux», se rappelle Pierre Beerli, en guise de commentaire du film sur les travaux qu'il a réalisés. Puis le sésame s'est ouvert sur une prodigieuse cathédrale minérale au lustre naturel inviolé.
«On a retrouvé de nombreux ossements d'ours des cavernes, un ancêtre de grande taille de l'ours brun qui vivait il y a plus de 11 000 ans, mais également beaucoup de fossiles, comme des coraux», ajoute Pierre Beerli, avec la verve intarissable du passionné. Une vraie caverne d'Ali Baba pour les scientifiques en tout genre!
Un puzzle aux pièces manquantes
Cette ville parallèle, située entre 50 et 150 mètres au-dessous du sol, a été scrupuleusement cartographiée. Preuve à l'appui: une énorme carte plastifiée de plus de 3 mètres. Dessus, des noms parfois surprenants. «Nous avons nommé ces endroits d'après des anecdotes ou des curiosités géologiques, à l'instar du «lac des Fruits-Défendus», dont les concrétions pendant du plafond font penser à des poires. Cette profusion de formations géologiques est chose rare en Suisse romande», selon Claude-Alain Diserens.
Ainsi, le «lac Victory» doit son nom au fait que le record vaudois de la grotte la plus longue - les 6 km des grottes touristiques de Vallorbe - a été battu à cet endroit précis. Et la «galerie des Douze-Pattes»? «Nous étions trois à y pénétrer, à quatre pattes!» Logique. Quand on vous parlait d'un monde qui alimente l'imagination...
Cette carte, étendue devant nous, s'apparente à un puzzle géant construit au gré des explorations bimensuelles, et dont certaines pièces, matérialisées par des points d'interrogation, n'existeraient pas encore. «Les voies à explorer sont nombreuses, et il y a encore du travail pour des années. Nous avons décidé de nous concentrer sur les axes principaux, et espérons doubler ce réseau d'ici à quatre ans. Actuellement, nous creusons également à même la montagne, donc à l'air libre, car nous pensons avoir trouvé une autre entrée. Cela nous permettrait de gagner plusieurs heures de cheminement dans la grotte», se réjouissent-ils.
Intégrer les risques
Pour éviter trop d'allers-retours, les deux hommes ont d'ailleurs installé un bivouac sous terre. Car, là en bas, les efforts prennent d'autres proportions. «Une étude a démontré que c'est une activité o๠l'on perd énormément de calories. L'humidité y est presque absolue, l'eau a 4 ou 5 degrés, le froid est constant, et les conditions de déplacement parfois précaires», argumente Claude-Alain Diserens.
Mais cette «expérience intérieure» comporte aussi sa part de risques. «Les dangers liés à l'eau sont avérés et influencent beaucoup notre travail. De plus, une chute assez sévère à plusieurs kilomètres de l'entrée pourrait nous obliger à rester des jours dans la grotte car, après les 800 premiers mètres de progression, on est confronté à une sorte de verrou naturel matérialisé par un couloir aquatique très étroit qu'une civière ne pourrait pas emprunter. Ce passage rebute d'ailleurs plus d'un spéléologue.» Le risque fait partie de l'aventure, même quand on n'est plus vraiment sur terre!
http://www.lematin.ch/pages/home/tendanc...enu=313514
Jeff95 ~(o|;o)