Dim. 31 Août 2003, 13:12
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Citation :Alexandrie
Les deux tombes de Perséphone dans la nécropole de Kom Al-Choqafa sont dignes en tous points d'admiration. Un lieu de recueillement o๠cohabitent les cultures pharaonique et grecque.
Dans l'au-delà d'Osiris
Sitôt le seuil des Catacombes franchi, une impression de paix et de sérénité envahit l'esprit. La température est constante, été comme hiver, ce qui est surprenant. Après avoir descendu une centaine de marches d'un escalier circulaire et être parvenu à une vingtaine de mètres sous la surface du monde des vivants, apparaît une chapelle surchargée de représentations : chaque partie du décor est riche de sens.
La façade de l'antichambre repose sur deux colonnes de papyrus. Le fronton a une courbure pharaonique. On distingue, en relief, deux faucons de chaque côté du disque solaire ailé qui la surplombe. A gauche du fronton se trouve une statue féminine en pied, alors qu'à droite, c'est une statue d'homme. Les deux sont sà»rement les propriétaires de la tombe : (elle est appelée la Tombe nº1). Ils sont coiffés à la manière romaine du premier ou du début du deuxième siècle après Jésus-Christ. Pour pénétrer dans la chapelle, il faut franchir un seuil au-dessus duquel se trouve un disque ailé sous une frise de cobras.
De part et d'autre sont placés des boucliers à écailles dont le centre est orné de la tête de la Méduse, pétrifiant les pilleurs de tombes, ainsi que deux serpents, la divinité bienfaisante, Agathodaà¯mon, ceignés de la double couronne pharaonique et enserrant le caducée de Hermés et le thyrse enrubanné de la Dionysos, symbole grec.
Au-dessus des sarcophages de tradition grecque avec leurs guirlandes de feuillages et leurs grappes de raisin, des bas-reliefs montrent des scènes typiquement pharaoniques : adoration du taureau Apis, momification d'Osiris. Les dieux Horus à tête de faucon, et Thot, à tête d'oiseau, entourent Anubis qui procède à l'opération sur le corps d'Osiris. Celui-ci repose sur un lit en forme de lion à la queue relevée et trois des quatre vases canopes, destinés à recevoir les viscères, sont posés sous le meuble.
Les habitants d'une ville devenue romaine depuis plus d'un siècle continuaient à croire, donc, en la vieille religion des pharaons quatre cents ans et davantage après l'installation des Grecs sur la terre d'Egypte. Ils n'ignoraient pas non plus les dieux du Panthéon hellénique, comme en témoignent les évocations de Dionysos et de Hermés, et le bouclier d'Athéna avec la Méduse au milieu. En quoi donc croyaient-ils au juste, ces gens de la fin du premier siècle : aux dieux grecs ou aux dieux égyptiens ?
Premiers tâtonnements
La tombe voisine, celle de Caracalla, appelée «Tombe nº2», apporte un peu de la clarté sur cette question. Un changement dans l'hygromètre a fait apparaître, il y a quelques années, deux scènes peintes au-dessus des sarcophages. Cependant, ces scènes ne se distinguent pas très bien ; elles sont presque nulles comme visibilité.
G. Bitti, qui a découvert cette salle en mars 1901, l'expédition Ernest von Sieglin, qui a localisé l'entrée véritable de l'hypogéeen 1902, T. Schreiber, ainsi que F. W. von Bissing, n'ont guère prêté attention aux peintures de la salle. La seule information qu'ils donnent est que les parois des tombes sont ornées de figures égyptisantes difficilement identifiables. L'ensemble pictural devait être en mauvais état de conservation.
D'autres, après eux, tels Pagenstecher, et M. Rostovtzeff, mentionnent, sans plus, les peintures. A son tour, A. Rowe, directeurdu musée gréco-romain en 1941-47, a décrit des scènes grecques dans une monographie qui n'a jamais vu le jour. Il dit qu'il a aperçu dans la « Tombe nº2 » une forme qu'il interprète comme étant la roue de Neimésis. R. Palasca rédige une thèse inédite en 1959 sur les peintures alexandrines.
Alors que A. Adriani fait une rapide description de la Catacombe dans son étude sur les peinture, sans rien ajouter de neuf ; et, toujours en 1966, A. Bernand, dans Alexandrie la Grande décrit le Hall de Caracalla « Tombe nº2 ». Mais il commence par décrire la Tombe nº1. Il mélange, ainsi, le scènes avec la tombe précédente. Enfin, ce n'est qu'en 1993 que Jean-Yves Empereur découvre la scène grecque de la tombe voisine de celle de Caracalla.
Etat des lieux
Des infiltrations très importantes s'étaient produites dans la nécropole. L'eau est montée dans la tombe principale jusqu'à mi-hauteurdes sarcophages, et de façon générale, l'humidité a considérablement augmenté dans l'ensemble des catacombes. Elle a eu pour effet de faire apparaître des peintures à demi effacées. On apercevait, désormais, mais vaguement, les contours des scènes du type grec. J. Y. Empereur, s'appuyant sur l'identification des deux déesses Athéna et Artemis, ainsi que sur la présence supposée d'un personnage assis à l'extrémité de la scène, pensait y reconnaître le jugement de Pâris. Il fallut, néanmoins, plusieurs saisons et le recours aux ultraviolets pour déchiffrer l'ensemble de façon satisfaisante.
En 1994, J. Y. Empereur penchait pour une nouvelle interprétation des peintures grecques sans pourtant en être sà»r. En 1995, A.Pelle, qui devait photographier cette peinture, est arrivé à d'excellents résultats grâce aux rayons de lumière ultraviolet. Avec cette lumière, on parvient à examiner toutes les parties de la salle et on découvrit, sur la paroi centrale, une scène complète de l'enlèvement de Perséphone sur le char d'Hadès, dieu grec de la mort, en présence des divinités grecques d'Athéna, d'Artémis et d'Aphrodite. J. Y. Empereur avait donc vu la scène exacte de l'enlèvement de Perséphone, son hypothèse initiale.
Architecture des deux tombes
Celles-ci sont creusées dans le rocher et abritent des sarcophages de type identique aux autres sarcophages de la nécropole. L'ensemble de deux tombes était enduit et peint, mais le décor n'est plus conservé sur les sarcophages. Les parties architecturales sont encadrées par une large bande de peinture rouge. Cette bande divise chaque paroi en deux registres d'inégale hauteur. Le registre supérieur des parois porte des représentations de style égyptien, alors que des représentations de style grec couvrent le registre intérieur.
Lecture des peintures
Le travail d'observation a bien évidemment commencé avec la lumière électrique « normale ». La majeure partie des décors restant illisible, on a utilisé une lumière ultraviolet qui, dans le noir le plus complet, permet de voir par fluorescence les pigments restant sur l'enduit.
Pour les scènes de style grec, particulièrement mal conservées, ces observations directes n'étaient pas toujours suffisantes et des comparaisons avec des scènes du même type ont donné des pistes de recherches et ont permis, lors d'une étude des peintures, de distinguer de nouveaux éléments iconographiques.
Par ailleurs, à chacune des étapes de la recherche, les hypothèses des interprétations étaient progressivement fixées de façon graphique. On constate que le mélange de style égyptien et grec est fréquent dans l'iconographie de l'Egypte au début de l'époque impériale. Castiglione le nomme « style double » . Il signale que toutes les représentations de style double appartiennent à l'art funéraire et que ce style est à son apogée aux IIe et au IIIe siècles après Jésus-Christ. Les exemples en sont nombreux parmi lesquels on peut citer tout d'abord le tombeau principal de Kom Al-Choqafa.
Mais pourquoi avoir choisi ce mode de représentation juxtaposée ? Castiglione explique que ce style double est le fait que les morts étaient représentés par le style dominant la réalité qui était alors grec, tandis que « le monde des dieux funéraires continuait à être représenté dans le style traditionnel parce que les puissances dont dépendait le destin dans la vie de l'au-delà ne pouvaient être perpétuées que dans le style exigé par la représentation ». C'est donc une forte croyance aux deux formes du mythe qui exige leur représentation dans leur style respectif.
Par leur peinture, ces deux tombes apportent sous une forme inédite un nouveau témoignage du caractère « pluriculturel », de la civilisation alexandrine. Elles montrent, aussi, les points de vue religieux, qu'il exdes familles dans lesquelles les traditions grecques et égyptiennes se rejoignaient pour former des croyances suffisamment fortes dans une vie de l'au-delà et pour vouloir les exprimer sous les deux formes traditionnelles.
Gisèle Boulad
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lafouine
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