Ven. 20 Juin 2003, 10:53
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En général, pour qu'un sport se développe, pour en entendre parler, il ne faut pas QUE des acteurs mais aussi des spectateurs, des commentateurs. Il faut donc que cette activité puisse génerer du spectacle, mais pas seulement, il faut encore qu'elle puisse être vue. Par exemple le canyoning ; celui-ci peut être le sujet d'images spectaculaires (il l'a déjà été) sans pour autant qu'un public nombreux puisse y avoir accès autrement que par le biais de ces images. Par contre, l'escalade fait régulièrement l'objet de manifestation publique car là o๠un canyon ne pourrait être une structure artificielle, une paroi en agglo et des prises en résines suffisent à la varappe. On peut donc réaliser ces manifestations en plein centre ville, ceci permettant à un public largement représenté d'y assister. De là une émulation entrainant commerces, publicité qui, pour cette dernière ne va évidemment pas aller se montrer là o๠il n'y a pas assez de spectateurs, et non pas de spectacle : par exemple karpov et kasparov ne génèrent pas beaucoup de spectacle, mais bcp de spectateurs. Et lorsqu'il ne peut y avoir de public, comme pour une traversée de l'Atlantique à la rame, une couverture médiatique importante assure sa diffusion. On comprend bien dans l'extrait suivant (déjà citée par lhermine ds le forum spéléo) quelle a été la recherche de l'équipe télé TF1 :
Après de longues tractations, Loana l'ex-lofteuse s'est déclarée partante pour la spéléo, d'autres projets l'ayant moins intéressé. A la recherche d'un site garantissant de belles images, c'est la grotte du Drailloun qui s'ouvre en falaise dans le cap canaille qui a été retenue. L'accès est particulièrement spectaculaire, puisque le porche s'ouvre à cinquante mètres de hauteur dans une paroi qui domine la rade de Cassis.
Quand un public ne peut assister à tel ou tel exploit, parce qu'il a lieu dans des conditions extrèmes, des images se chargent de rapporter l'évènement. Du fait, l'absence d'un public « direct » permet de réaliser davantage de supercheries. Mais, la spécificité des techniques audiovisuelles interessent aussi un autre niveau que celui, lucratif, de la publicité. Arnold Fanck, cinéaste du début du 20ème siècle découvre, je cite : « un genre exclusivement Allemand : l'héroà¯sme de l'ascension, la montée vers l'azur identifié à la divinité. Pour l'alpiniste tel que le conçoit Fanck, l'effort et la technique relèvent moins de l'exploit sportif que d'un rite qui donne à l'homme le moyen de s'affranchir de l'existence quotidienne vulgaire »(dic. Du cinéma, Larousse). Il tourna avec Leni Riefenstahl, auteur des « Dieux du stade »1936, film de propagande nazi.
La manipulation d'images et d'informations a depuis toujours sévi. Durant chaque nouveau conflit on voit ressurgir une forme de propagande (golfe, timisoara, mais aussi Staline avec Eisenstein, Napoléon commandant à David de le peindre en empereur romain sur son cheval cabré, César, faisant passer les Gaulois pour des barbares ds la guerre des Gaules etc). Pour qu'une propagation d'idée, quelle qu'elle soit, fonctionne, il faut que l'image ou l'information véhiculée ait un impact, correspondant à cette idée.
De gaule, envoie l'expédition d'Herzog sur l'annapurna. La reine d'Angleterre anoblit edmund Hillary, néo-zélandais pionnier de l'Everest. Les Italiens Lacedelli et Compagnoni atteignent le sommet du K2.A chaque fois, une enquète sur les photos prises aux sommets aura lieu : qui a posé le pied en premier ? grâce à qui l'expédition a t-elle réussi, échoué ? Combien de mensonges, de morts et de blessés pour un objectif, politique ; l'impact. Il ne s'agit pas ici d'en faire le procès : sans compétition, qui aurait cherché à atteindre quelque sommet que ce soit. Sans ces exploits il n'y aurait pas de poubelles au sommet de l'Everest. Vers la même période, J.Y. Cousteau et Louis Malle tourne Le monde du silence inaugurant les techniques de plongée en scaphandre autonome.
Ces images-impact, elles sont des trophées, des preuves validants les exploits, mais chacun sait qu'une photo ne constitue ni une preuve, ni la réalité, dans notre époque virtuelle. Guère plus qu'une réalité figée dans les limitations techniques qu'elle impose (n & b, cadrage, temps,etc). Qu'importe ! Telles des oeuvres d'Art, ces images véhiculent des émotions. Elles peuvent donc jouer leur fonction d'impact, qu'elles soient vraies ET fausses. Elles prennent valeur d'icones, de symboles.
Si les exploits respectifs de Pierre chevalier et Fernand Petzl à la dent de Crolles, ceux du même Petzl, Cadoux, Lavigne, Mathieu, et Potié au gouffre Berger résonnent moins que ceux de Loubens, Casteret et Tazzief à la Pierre st Martin, c'est entre autre parce qu'ils n'ont pas subit la vague médiatique qu'a entrainé l'agonie de Loubens dans les Pyrénées, mais surtout parce que ces performances ne fournissent pas d'images très démonstratives (la photo du premier siphon du Berger à -1000m ne diffère en rien d'une photo d'une vasque en bas du premier puits. Par contre la photo des Italiens au sommet du k2 donne l'impression qu'ils dominent la terre et symboliquement qu'ils dominent le monde). Il existe des images spéléos qui sont de toute beauté mais elles n'ont jamais fait l'objet d'une mythification pareille à celle par exemple de tensing Norkay et edmund Hillary au sommet de l'Everest qui est carrément devenue une affaire d'état entre l'Inde et l'Angleterre.
Un point qui peut être un élément de réponse : l'abbé Breuil, au début du siècle dernier, apportait une grande contribution dans l'étude de l'art pariétal, je cite : « En cette époque o๠l'origine préhistorique de l'art apparaissait à la conscience du monde, Breuil s'était donné pour mission de révéler la splendeur inconnue et cachée de l'art des cavernes. Ses relevés consistaient donc à extraire des grottes, les oeuvres, qui en étaient en quelque sorte prisonnières, afin de les porter à la connaissance de tous. Il ne faut donc pas s'étonner que dans la diversité des figurations pariétales, il ait choisi les oeuvres les plus belles, les plus spectaculaires, les plus explicites, et les plus naturalistes » m. Lorblanchet les grottes ornées de la préhistoire 1995. Le sélection et le sauvetage devient tout simplement le motif de ce changement de support (qui est une forme de prolongement de l'art préhistorique).
Ma question est la suivante : est-ce que la relative impopularité de l'espace souterrain découle d'un acte voulu et conscient de ceux qui fréquente les souterrains (pour les préserver par exemple) ou n'est ce pas une façon d'ignorer le mépris voire l'indifférence qui est porté à cet espace par les médias (52 sur la une, par exemple, une étude que j'avais réalisé à l'INA m'a montré sur plus d'une centaine de JT incluant un sujet sur la spéléo, + de 60% parlaient d'accidents. Il y en a bien plus en ski et proportionellement, sans pour autant que les médias en fassent un portrait négatif -» enjeu économique) en tentant d'une part de s'en accommoder, d'autre part de contre attaquer en adoptant un discours généralement sur la défensive, en faisant l'éloge de la diversité des disciplines qui « existeraient » en spéléo, de la richesse du patrimoine souterrain urbain, voire comme Casteret qui fit dans un de ces ouvrages, l'éloge de la boue.