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[archive] Nouvel Obs: Sup. spécial s.sol de Paris sept 01
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Nouvel Observateur
du 06 au 12 septembre 2001

Supplement Paris Ile-De-France

Le fabuleux voyage dans les sous-sol parisiens


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-- h2o
Sauvez une hague, mangez un cataphile.
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Citation :DOSSIER :
C'est simple : presque toutes les pierres et te plâtre que vous voyez empilés en surface ont été retirés du sous-sol francilien. Troué. Mité. Un vrai dédale de galeries, de carrières. Inextricable. Ce fabuleux voyage au coeur des abîmes parisiens les plus secrets, Lisa Vaturi et « le Nouvel Obs Paris-Ile-de-France » vous y invitent en partenariat avec Parigramme. L'éditeur phare du 75 sort, en effet, le 13 septembre en librairie l'« Atlas du Paris souterrain »: 200 pages, 500 photos et documents, inédits le plus souvent. Et une centaine de cartes. Du grand spectacle. Des sueurs froides aussi. Accrochez-vous bien. Sous les pavés, ça remue.

Citation :Ile de France:
Quand la tetre se dérobe...



En région parisienne, des milliers de routes et de maisons ont été construites sur d'anciennes carrières souterraines, qui menacent de s'écrouler. Un cauchemar pour les propriétaires. Un casse-tête pour les maires. Qui préfèrent parfois se voiler la face.


Un grillage encercle la butte. Des dizaines de panneaux avertissent les curieux : interdiction d'entrer. Situés en Seine-et-Marne, à  2 kilomètres de la gare RER de Lagny, ces quelques hectares de terrain sont construits sur d'anciennes carrières. Du gruyère. Pendant des siècles, des carriers ont creusé la butte pour en extraire le gypse, une roche rare indispensable à  l'élaboration du plâtre. Aujourd'hui, le sous-sol est infesté de galeries qui courent à  une dizaine de mètres seulement de la surface. L'Office national des Eaux et Forêts (ONEF), actuel propriétaire, a bouclé la zone. Pourtant les galeries souterraines ne s'arrêtent pas
au grillage : elles poursuivent leur travail de sape sous la route départementale et les pavillons de tout le secteur. La terre s'est récemment écroulée chez un particulier : un trou de 3 mètres de profondeur. En Ile-de-France, 1 000 communes environ sont menacées du fait d'anciennes exploitations de calcaire, de gypse ou de craie. D'après les Inspections générales des carrières (IGC) de Paris et Versailles, tous les départements sont touchés. Les Hauts-de-Seine et les Yvelines possèdent ainsi respectivement 1 200 et 800 hectares de surfaces « sous-minées ». Au bas mot. Car les géomètres n'ont pas les moyens de réaliser des sondages et travaillent à  partir d'archives et plans d'exploitation remontant parfois au début du XIXe siecle.
Le danger pour les biens mais aussi pour les personnes va croissant, estime Marcel Toulemont, responsable de la direction de la Prévention des risques au ministère de l'Environnement. Les galeries souterraines vieillissent et supportent de plus en plus de poids, compte tenu de l'urbanisation galopante. Leur dégradation est inévitable. »
Les Tarentola en savent quelque chose. A Chanteloup-les-Vignes, dans les Yvelines, la maison de cette famille de forains était en apparence idéale. Ils pouvaient ranger camions et caravanes sur leur terrain perché sur le massif de l'Hautil, en surplomb de la ville. Depuis le 11 mars 1991, c'est le cauchemar : les 500 mètres carrés du terrain boisé se dérobent, et dans le jardin les caravanes s'enfoncent sous leurs yeux dans un trou béant de 25 mètres. Un jeune voisin se précipite mais sombre avec l'engin. Les pompiers n'ont jamais retrouvé son corps.
Aucun mystère : la propriété avait été construite sur d'anciennes carrières souterraines de gypse. Plusieurs siècles après l'exploitation, la gravité a repris ses droits et les piliers des galeries, attaqués par le ruissellement des eaux, se sont écroulés. « Depuis dix ans, nous n'avons toujours reçu ni aide de l'Etat ni indemnité d'assurance, s'indigne madame Tarentola. C'est une honte ! Ce n'est quand même pas nous qui avons creusé ces foutues carrières ! C'est pourtant le préfet qui avait donné l'autorisation d'acheter le terrain et le maire celle de construire dessus. » La municipalité réussit tout de même à  faire passer l'accident en catastrophe naturelle : les Tarentola devraient donc finalement récupérer une partie de leur investissement... grâce à  une procédure d'expropriation.
Jusqu'en 1995, il n'existait qu'un seul outil de prévention : les arrêtés de péril, permettant aux maires de faire évacuer les terrains menacés d'effondrement. A Pontoise, une commune du Val-d'Oise qui est sous-minée par 1 200 cavités, une vingtaine d'arrêtés de péril courent depuis les années 80. Une situation terrible pour les propriétaires, qui, comme le stipule
l'article 552 du Code civil, sont aussi propriétaires de leur sous-sol. Ils doivent donc non seulement se reloger, mais entreprendre à  leurs frais des travaux de consolidation (comblement des vides souterrains ou installation de piliers) parfois supérieurs à  500 000 francs. « Ils découvrent la situation, explique Jean-Michel Rollot, maire de Pontoise. Et considèrent que ce n'est pas à  eux de payer. » Aujourd'hui, cette municipalité est l'une des seules à  aider financièrement ses habitants.
Les arrêtés de péril font toutefois figure de simples mesures d'urgence. La loi Barnier de 1995 a donc créé des Plans de prévention des risques (PPR) : d'une part, ils sont supposés empêcher la construction d'habitations sur les terrains menacés et, d'autre part, permettre l'expropriation des propriétaires en situation périlleuse. Lancés par les préfets puis élaborés en partenariat avec les communes, les PPR délimitent des zones rouges à  haut risque dans lesquelles aucune opération immobilière n'est plus autorisée. Bien. Sauf qu'à  Chanteloup-les-Vignes, c'est 15 % du territoire qui est sous-miné ! A tel point que l'on redoute l'effondrement du quartier central du Chapitre. « Que faire ? se demande le maire, Pierre Cardo. Exproprier puis détruire les habitations ? Absurde. Je ne veux pas d'un no man's land. Je veux que l'Etat aide à  payer les travaux. » Impossible, répond-on au ministère de l'Environnement : « Si l'Etat décidait de financer le comblement des carrières, il faudrait qu'il le fasse dans chacune des communes françaises concernées »... et elles se comptent par milliers. Quant à  l'expropriation, elle n'est possible qu'à  condition d'être moins onéreuse que les travaux de stabilisation. Sinon, les propriétaires doivent se débrouiller seuls. Et comme la plupart rechignent à  dépenser, le risque d'accident n'est en rien diminué.
Livrés à  eux-mêmes, les propriétaires sont souvent tentés de jouer les petits escrocs. Plutôt que d'attendre la publication d'un PPR dans leur ville, suivie d'un classement en zone rouge — synonyme d'une perte de valeur foncière —, ils s'empressent de tout mettre en vente. Les acquéreurs comprennent quelques années plus tard qu'ils ont été floués. Marc Donsimoni, du Bureau de recherches géologiques et (suite page 10)

la suite du texte est puls bas...


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Citation :Le rock n’roll des sous-sols parisiens
La base de la capitale se lézarde, s’affaisse, s’effondre parfois… car sous les pavés les vides laissés par les ancienne carrières de calcaire et de gypse déstabiliseent le terrain.
En mars, le trottoir s'effondrait rue des Martyrs (18e arrondissement) ; en avril, c'est un arbre qui s'est enfoncé de plusieurs dizaines de centimètres dans une cour de la rue Esquirol (13e) ; et, en mai, le sol s'affaissait dans une école du 14e arrondissement... Trente incidents de ce type - plus ou moins graves mais n'ayant occasionné que des dégâts matériels - ont été constatés en 2000 à  Paris. Autour de la butte Montmartre, particulièrement touchée, les riverains et les commerçants n'ont aucune hésitation : « C'est à  cause des carrières. »
En partie exact. Paris s'est en effet construit avec la pierre de ses entrailles : le calcaire (au sud) et le gypse (au nord) ont été extraits depuis l'époque gallo-romaine et jusqu'en 1813, date de l'interdiction de ces activités dans l'enceinte de la ville. Après l'exploitation, ces cavités ont été plus ou moins bien comblées, laissant subsister ici et là  des vides. Puis, avec le temps, les caves, les égouts, les parkings, le métro, le RER ont continué à  grignoter les fondations de la cité pour constituer ce qu'on a coutume d'appeler le « gruyère » souterrain.
« Mais il ne faut pas faire de catastrophisme, Paris ne va pas s'effondrer », assure Michel Hameroux, responsable de la banque de données du sous-sol à  l'Inspection générale des carrières (IGC), un service spécialisé de la Ville de Paris, chargé, depuis sa création en 1777, de surveiller et de consolider les anciennes exploitations. Pour pouvoir y circuler, 280 kilomètres de galeries ont été creusés à  l'aplomb des rues, sous les 5e, 6e, 12e, 13e, 14e, 15e et 16e arrondissements (dans la zone des carrières de calcaire, car les carrières de gypse sont inaccessibles). Une équipe de dix puisatiers-mineurs les arpente tous les jours à  l'affà»t de signes de dégradation.
Hormis ces rondes de surveillance, des sondages sont effectués chaque année depuis la surface pour détecter d'éventuels vides inexplorés. En 2000, ce sont 67 campagnes de reconnaissance et 18 chantiers de consolidation qui ont ainsi été menés à  Paris :
lorsqu'une cavité est découverte, elle est comblée, le plus souvent par injection de béton. Reste que ces prospections sont faites de manière assez aléatoire, puisqu'elles se calquent sur le calendrier des rénovations de chaussée.
Surtout, il faut savoir que l'IGC ne s'occupe que du domaine public. Pour le domaine privatif (n'appartenant pas à  la Ville de Paris), la charge des travaux de sécurisation ou, le cas échéant, des dégâts provoqués revient... au propriétaire. L'article 552 du Code civil stipule en effet que la propriété s'étend « jusqu'au tréfonds de la terre » ! D'o๠l'importance, avant d'acheter un bien immobilier à  Paris, de se renseigner sur l'état de son sous-sol.
Ce qui n'est pas toujours possible. Car si les anciennes carrières sont globalement bien connues et maîtrisées – grâce aux 457 cartes des carrières de Paris et de la petite couronne actualisées en permanence par l'IGC –, il subsiste, dans les grandes profondeurs, un phénomène imprévisible : quand une grande quantité d'eau circule (lors de mouvements des nappes dus à  des pompages industriels par exemple), le gypse, très soluble, se désagrège. Se forment alors des poches de vide, sortes de grottes enfouies et menaçantes.
C'est ainsi qu'en 1975 une catastrophe a pu être évitée de justesse : au hasard d'un forage, sous la gare du Nord, un gigantesque gouffre a été découvert. Son remplissage a nécessité plus de 7 000 mètres cubes de béton ! Par la suite, un périmètre de sécurité de 7 737 hectares a été mis en place autour des arrondissements du nord de Paris et d'une partie de la Seine-Saint-Denis. Dans cette zone, toute demande de permis de construire est soumise à  l'Inspection générale des carrières, qui peut imposer au maître d'ouvrage d'effectuer des sondages. « Dans le domaine privé, il n'y a que deux moyens de repérer ces vides, reconnaît Michel Hameroux. Il faut attendre soit un projet de construction immobilière, soit un incident. »
Lisa Vaturi

Citation :Paris flotte-t-il ?
« Certes, il y a eu de fortes précipitations cette année, mais il n'y a aucune raison de s'affoler», affirme Anne-Marie Leparmentier, hydrogéologue à  l'Inspection générale des carrières. Selon elle, tes sous-sols de Paris sont globalement protégés par les immeubles et te macadam : les pluies d'orage, rapides et brutales, n'ont pas le temps de s'infiltrer dans le sol et partent directement dans les canalisations des égouts.
Pourtant l'effondrement du trottoir en mars rue des Martyrs (18e) a probablement été provoqué par des écoulements d'eau, qui ont rongé le remblais d'une ancienne carrière de gypse à  ciel ouvert, provoquant l'effondrement du trottoir.
Anne-Marie Leparmentier reconnaît que dans les sols sensibles, comme Montmartre, des terrains imbibés d'eau, et alourdis, peuvent peser sur les cavités souterraines et accélérer les phénomènes d'affaissement.
Il arrive également que la nappe phréatique qui sommeille sous la capitale remonte. Son ascension la plus importante date du début des années 70 ; des caves et des parkings avaient été inondés. Au banc des accusés : la disparition des pompages industriels (les usines et les entreprises consommatrices d'eau ayant quitté la capitale) et les fuites dans les réseaux d'eau potable et d'assainissement. Aujourd'hui, la nappe fluctue légèrement selon les quartiers, au gré de périodes de sécheresse, des pompages ponctuels, des crues de la Seine. Certains drainages sont encore nécessaires ici et là , comme dans tes tunnels de la RATP, contrainte de jouer les Shadocks en permanence pour garder ses métros au sec.
Mathilde Mathieu et Lisa Vaturi.


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Citation :(suite de la page 8) minières, chargé en octobre 1999 de délimiter la zone rouge de Chelles, en Seine-et-Marne, a pu le constater : « Fin 1999, quand nous avons commencé nos études de sol, il y a eu un mouvement de panique. Les gens savaient qu'ils vivaient sur d'anciennes carrières. Ils ont vendu avant l'officialisation de nos résultats. »
Pire : dans certaines communes, le maire lui-même se bat pour réduire au maximum la zone rouge définie par le PPR. La valeur des biens de ses administrés est ainsi sauvegardée. « A Annet-sur-Marne, se souvient Marc Donsimoni, la municipalité ne voulait pas entendre parler d'une grande zone rouge en plein centre-ville. Lorsque j'ai présenté le projet de PPR, ce fut une levée de boucliers ; le maire s'est adressé au préfet. » La dernière version du PPR dessine trois minuscules cercles rouges au coeur de la ville.
Dans le Val-de-Marne, o๠subsistent au moins 600 hectares de terrains sous-minés, absolument rien n'a été signé. Résultat, « des zones pavillonnaires émergent dans des secteurs à  risque, notamment dans les petites villes de la grande couronne », explique Thierry Hubert, du ministère de l'Environnement. Pour déceler l'arnaque avant d'acheter un pavillon, il faut donc consulter les cartes dressées par l'IGC de son département.
Mais en Seine-et-Marne, le plus grand département d'Ile-de-France, l'IGC n'existe pas. La prévention a pris des années de retard. Patrick Pallu, ami d'Haroun Tazieff et créateur du Musée de la Spéléologie, a recensé 138 communes sous-minées. Or en cinq ans, moins de dix PPR ont été prescrits. « Je dérange, dit le spéléologue. J'ai trouvé des galeries là  o๠il ne fallait pas, là  o๠certains élus auraient préféré ne rien voir. » Des permis de construire ont en effet été délivrés dans des secteurs à  haut risque. Pourtant la création d'une inspection des carrières en Seine-et-Marne n'est pas d'actualité. « Pour des raisons financières, le président du conseil général n'a pas souhaité s'y engager, reconnaît Michel Billecocq, chargé de l'aménagement des infrastructures et du cadre de vie. C'est vrai cependant qu'on ne pourra pas évacuer éternellement la question des carrières souterraines. J'espère qu'on n'attendra pas un grave accident... »
A l'échelle régionale, même incurie : aucun budget n'a été alloué. Dans les sept autres départements d'Ile-de-France, en cinquante ans, les cavités souterraines ont déjà  fait 85 victimes, dont 28 morts.
Mathilde Mathieu
Citation :373 PORTES TRAPPES ET PUITS SECRETS...
La circulation dans les anciennes carrières est interdite aux personnes non habilitées, par arrêté préfectoral du 2 novembre 1955.
Cela ne dissuade pas les « cataphiles », qui ont découvert bon nombre des 373 puits, portes et trappes d'accès aux galeries.
Les murs, porteurs d'inscriptions historiques (noms de rue, datation des travaux de consolidation, emblèmes de la royauté en partie effacés sous la Révolution...), sont, dans certaines zones, recouverts de graffitis.
Une brigade de police spécialisée est chargée de verbaliser les visiteurs « clandestins ».
Citation :CATACOMBES, LE MUSEE RELOOKE
L'origine de l'ossuaire municipal remonte à  la fin du XVIIIe siècle : le cimetière des Innocents devenait un foyer d'infections. Le transfert vers les anciennes carrières « de la Tombe-Issoire » a débuté en 1786 et, très vite, tous les cimetières surchargés de la capitale ont été évacués dans ces catacombes.
D'abord jetés en vrac, les ossements ont été rangés, sous l'Empire, pour former ces murs de crânes et de tibias. Ouvertes au public, sur un parcours de 800 mètres, les galeries abritent les restes d'environ 6 millions de personnes. Le Musée des Catacombes a rouvert en juillet 2001 après quatre mois de travaux.
Visites : 1, place Denfert-Rochereau, Paris-14e ; 01-43-22-47-63.
Jusqu'en février 2002, une exposition photographique, « Au-dessus des catacombes », évoque les monuments et les rues qui surplombent le circuit.


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Citation :ENTRETIEN
Sabine Barles, docteur en urbanisme (*)
Câbles, tuyaux Le Chaos...


Dans la capitale, on éventre la rue ou le trottoir 10 000 à  15 000 fois par an !

Le Nouvel Observateur Paris-Ile-de-France: - Vous parlez de « désordre » dans le sous-sol parisien...
Sabine Barles: - C'est effectivement le règne du chaos. La multiplication des réseaux (eau, égouts, électricité, gaz, chauffage urbain, téléphone, métro, RER, climatisation, câbles de télévision, etc.), les parkings, le centre commercial des Halles, le Grand Louvre n'ont cessé d'accroître la pression sur le sous-sol. La Ville de Paris a en effet autorisé tous ces concessionnaires à  implanter leurs tuyaux les uns après les autres, mais sans la moindre planification. Du coup, à  faible profondeur, il n'y a plus de place !
- Dangereux ?
- II y a risque quand une canalisation de chauffage urbain se trouve trop près d'un réseau d'eau potable. D'une part, l'eau du robinet peut devenir tiède. Mais surtout l'usager n'est pas à  l'abri d'une prolifération bactérienne. Si, dans l'ensemble, les distances de sécurité entre les tuyaux sont respectées, les réseaux sont en revanche vieux et mal entretenus. Une fuite de gaz peut alors provoquer une explosion ou des émanations toxiques à  la surface. D'autant que les souterrains sont largement méconnus. La Ville de Paris ne dispose pas de plan synthétique et les différents opérateurs n'ont que des plans très incomplets de leurs canalisations. Il arrive qu'EDF, dont le réseau a plus de 100 ans, découvre un câble qui passe quelque part et qu'elle ignorait complètement. Imaginez qu'une pelleteuse heurte violemment un câble à  haute tension : le conducteur de l'engin peut recevoir une décharge mortelle !
- C'est inquiétant, non ?
- Ne dramatisons pas. Le plus souvent, il s'agit d'une canalisation qui ne se trouve pas à  l'endroit indiqué sur le plan. Du coup, on va creuser une tranchée sous la rue et si, manque de chance, le tuyau est 50 centimètres plus loin, il va falloir élargir le trou, prolonger la durée des travaux et bloquer la circulation. Avec le risque d'endommager d'autres réseaux dont on ignorait la présence. La Ville de Paris fait un gros effort d'informatisation des plans, mais on ne peut informatiser que ce qu'on connaît.
- Les solutions pour maîtriser cet embouteillage en sous-sol ?
- Depuis les années 70, on parle beaucoup des « galeries techniques » ou de « galeries multiréseaux ». Au lieu d'éparpiller les tuyaux n'importe comment dans le sol, il s'agit de les regrouper dans un tunnel, suffisamment haut pour que des hommes puissent y descendre en cas de pépin. Ce qui permet une meilleure protection des réseaux, un meilleur suivi, un meilleur entretien, et donc une diminution de la gêne en surface. Il faut tout de même savoir qu'à  Paris on éventre les rues ou les trottoirs 10 000 à  15 000 fois par an ! Ces galeries de service existent déjà  dans les zones d'urbanisation nouvelle, comme à  la Défense et dans la nouvelle ZAC Paris Rive gauche, autour de la Grande Bibliothèque. Mais dans le centre d'une ville ancienne comme Paris, on ne peut pas tout changer.
Propos recueillis par Lisa Vaturi
(*) Maître de conférences à  l'Institut français d'urbanisme de l'Université de Paris-VIII, laboratoire Théorie des mutations urbaines.

Citation :Et pourtant on creuse encore

LA TOUR EIFFEL S'AGRANDIRA-T-ELLE EN SOUS-SOL ?
Une nouvelle structure souterraine avec boutiques, restaurants, salle de projection et parcs de stationnement est en discussion depuis une dizaine d'années. Avec la nomination de Jean-Bernard Bros, adjoint au nouveau maire de Paris chargé du tourisme, à  la tête de la Société nouvelle d'exploitation de la tour Eiffel, le projet pourrait enfin voir le jour. L'espace pourrait s'étendre sur 3 à  5 niveaux, soit 30 000 à  50 000 m2 sous le monument, pour un coà»t d'environ 400 000 francs. Reste à  attendre le feu vert de Bertrand Delanoà«.

LA TAUPE Mà‰Tà‰OR CONTINUE
La ligne 14 du métro va être prolongée au nord, de Madeleine jusqu'à  Saint-Lazare (ouverture prévue en décembre 2003) : la nouvelle station est construite à  20 mètres de profondeur, sous les voies de la SNCF et les lignes 3, 12 et 13 du métro, mais au-dessus du RER E (Eole). La ligne devrait aussi être prolongée au sud, entre Bibliothèque-François-Mitterrand et la future station Olympiades (13e). Enfin, en 2002, la RATP lancera les travaux de prolongement de la ligne 13 vers le port de Gennevilliers. Et en 2003-2004, la liaison entre la porte de la Chapelle et la mairie d'Aubervilliers, sur ta ligne 12.

LE TRàˆS GRAND LOUVRE à€ â€“ 3 MàˆTRES ET à€ â€“ 6 MàˆTRES
Un circuit va regrouper, à  partir de 2003, les oeuvres de l'Antiquité tardive du bassin méditerranéen. Auparavant disséminées dans les trois départements archéologiques du Musée du Louvre, ces nouvelles salles s'étendront sur 1 500 m2, dont la moitié sera creusée en sous-sol, sur deux niveaux (à  â€“ 3 et – 6 mètres).



UNE CENTRALE DE CLIMATISATION ENTERRà‰E
En bord de Seine, Climespace, producteur et distributeur de froid en réseau, mettra en service au printemps 2002 sa sixième usine parisienne. Elle sera enfouie sous la place du Canada (8e), sur 5 niveaux (à  â€“ 25 mètres).

CINQ PARKINGS SOUTERRAINS Leur construction est prévue dans la ZAC Paris-Rive gauche (13e), autour de la bibliothèque François-Mitterrand. Par ailleurs, certains réseaux (égouts, électricité, chauffage, téléphone, eau...) ont dà» être créés de toutes pièces puisque cette zone, occupée jusqu'à  présent par des usines et des ateliers en grande partie désaffectés, n'était quasiment pas alimentée.

LE « Pà‰RIPHà‰RIQUE » DE L'EAU
Un tunnel (5,2 kilomètres de long et 3 mètres de diamètre) est en cours de creusement de la porte de Versailles à  la porte d'Auteuil. Enfoui entre 30 et 40 mètres de profondeur, il passe sous la Seine et reliera entre eux les réservoirs d'eau potable de Paris et de sa périphérie pour sécuriser l'approvisionnement de la capitale. Une première liaison a déjà  été réalisée sur 1 000 mètres au nord-est de Paris, entre les portes de Ménilmontant et des Lilas.
Lisa Vaturi
Citation :Paris (7e) : éruptions rue de l'Université
Des détonations, le trottoir qui s'éventre, des geysers de vapeur qui jaillissent en pleine rue, des passants légèrement brà»lés, des voitures abîmées... Par deux fois en 2001, en février et pendant la nuit d'orage du 6 au 7 juillet, des canalisations de chauffage ont explosé et soufflé la chaussée rue de l'Université. Selon la Compagnie parisienne de Chauffage urbain (CPCU), le premier incident aurait été provoqué par un affaissement de terrain sous un de ses tuyaux, qui s'est courbé jusqu'à  la rupture. Le second serait dà» à  une infiltration d'eau, qui aurait provoqué un choc thermique au contact de la canalisation. La Ville de Paris réfute l'hypothèse d'une fuite dans le réseau d'égouts. Des expertises sont en cours. L. V.


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Citation :DOSSIER EAU POTABLE

Aqueducs: 600 kilometres enterrés
Chaque jour, les Parisiens consomment près de 650 millions de litres d'eau potable. Une eau puisée à  plusieurs dizaines de kilomètres de la capitale, dans les nappes souterraines de l'Ile-
de-France, mais aussi dans la Seine et la Marne.

LES SOURCES
Près de 50% de l'eau potable consommée à  Paris provient de nappes Bout, r raines. Captées en 63 points dans un rayon de 80 à  150 kilomètres autour de Paris, elles fournissent près de 100 millions de m3 d'eau par an ; 70% de ces sources se trouvent dans le sud et l'est de Ille de France, dans les régions de Sens, Fontainebleau et Château-Thierry. Acheminée par un important réseau d'aqueducs, l'eau est ensuite chlorée à  Fontainebleau avant d'être stockée dans les différents réservoirs qui bordent la capitale.

LES AQUEDUCS
Quelque 600 kilomètres d'aqueducs reliant les sources aux réservoirs courent sous l'Ile-de-France. A l'exception de celui de la Voulzie o๠l'eau est acheminée par pression, ces conduites transportent l'eau uniquement grâce à  la légère pente donnée aux édifices. Un tour de force pour des aqueducs construits dans la seconde moitié du XIXe siècle. Tout au long de son parcours, depuis la source jusqu'au réservoir, l'eau fait l'objet d'une étroite surveillance grâce à  des analyseurs et à  des détecteurs placés dans les aqueducs.

LES USINES
L'autre moitié de l'eau potable provient de la Seine et de la Marne. Impropres à  la consommation en l'état, ces eaux sont traitées dans des usines situées à  Orly et à  Ivry (pour la Seine), et à  Joinville (pour la Marne), o๠elles subissent filtration et désinfection. Chacune fournit près de 100 000 m3 d'eau potable par jour. Afin de pallier tout problème d'approvisionnement en cas de pollution ou d'incident technique, les trois usines ont été reliées entre elles.

LES Rà‰SERVOIRS
Lieux de stockage de l'eau potable, les cinq réservoirs sont situés aux portes de Paris : Montsouris, Saint-Cloud, Les Lilas, Ménilmontant, L'Haà¿-les-Roses. Construits dans la seconde moitié du XIXe siècle et au début du XXe, ces grands bassins (enterrés ou en surface) contiennent près de deux jours de consommation (1,2 million de m3). Via 1 800 Km de canalisations, l'eau arrive aux robinets des Parisiens. Montsouris fut longtemps le plus grand du monde (54 000 m2 pour 100 000 m3), mais celui de Saint-Cloud (construit en 1924) l'a supplanté (426 000 m3).
Mathieu Aucher


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Citation :DOSSIER : VOYAGE AU BOUT DES LIGNES

Un safari dans le métro

Un trekking au Népal, c'est bien. Une virée touristique dans le métropolitain parisien, c'est pas mal non plus. Surtout la nuit : stations fantômes, clochards oubliés, réclames du temps jadis...

Une poinçonneuse coiffée d'un calot bleu marine perfore les tickets avec le sourire. Des guides, en chemise vichy et canotier, orientent les visiteurs. Il est 23 heures et les ateliers de la RATP de la porte de la Villette ressemblent au décor d'une opérette d'Offenbach. Ce soir, ils sont 270, lampe torche et feuille de route à  la main, à  embarquer. Des curieux, des passionnés, des retraités, des membres d'un club de karaté en sortie de fin d'année. Destination : voyage au bout de la nuit, en métro.
Au milieu des noctambules, un jeune homme s'agite. Julian Pépinster a 28 ans. Il est l'un des fondateurs de l'Ademas (1), l'association qui organise ces virées dans le sous-sol parisien. Le métro, il est « tombé dedans » quand il avait 8 ans. Il rêvait de monter dans la cabine avec le conducteur. Le matériel sur pneu, les Sprague-Thomsom, le nom des stations : il a tout lu, tout retenu. Aujourd'hui, ses amis jurent qu'il en sait beaucoup plus sur le métro que n'importe qui à  la RATP, o๠il émarge depuis deux mois. Pour organiser ces visites, quatre ou cinq par an, il a dà» négocier ferme avec la Régie. En souriant, il dit : « C'est plus facile de visiter le château de Versailles que le métro de Paris. »
Minuit. La visite des ateliers de réparation et de nettoyage, les plus vastes de Paris, s'engage sur un ton plutôt technique : « Un rail de métro pèse 52 kilos au mètre »... Regards inquiets des voyageurs, surtout dans les rangs du club de karaté : « Le prof nous a inscrits pour nous punir. » D'autres corrigent : « Il fait ça pour souder le groupe. »
Minuit et demi. Les passagers grimpent quelques marches d'un escalier en bois et s'entassent dans les wagons. Les néons s'allument, le convoi s'élance. François Pinçon, chanteur à  moustache et à  casquette, a installé son orgue de Barbarie au milieu de la rame. Au micro, Julian est lancé : « Au cours de la nuit, on va découvrir des stations de toutes les générations. » II ne s'arrête plus, n'oublie rien. Le carrelage blanc posé sur les voà»tes des galeries, symbole des préoccupations hygiénistes de l'époque Pasteur. Les stations aux carreaux orange (Oberkampf, Gare de l’Est), parce que « dans les années 60, tout était orange, l'intérieur de la cuisine, le canapé, même les cartes... » L'historique de la RATP, qui a « un joli statut mais pas d'argent » et qui, du coup, s'est convertie aux grands espaces publicitaires.
Première pause, station Cluny la Sorbonne, o๠un clochard a été oublié, endormi sur un banc. Les voyageurs se jettent sur le bar de fortune, François Pinçon chante Aznavour et Gainsbourg, les enfants dorment sur leurs sièges. Le métro repart, en toute liberté : cette nuit, il n'y a pas d'itinéraire qui tienne, pas de correspondance à  emprunter. Quelques manoeuvres et la rame passe de ligne en ligne, la 7 jusqu'à  Monge, la 10 jusqu'à  Porte d’Auteuil ou encore la 8 pour revenir vers République. Gérard, ancien cheminot à  la retraite, en est à  son dixième voyage. Il parfait sa connaissance de « la géographie du réseau », connaît chaque raccordement, s'amuse à  deviner le nom de la rue au-dessus de sa tête.
Deuxième arrêt, dans une station fantôme : Croix-Rouge. L'ancien terminus de la ligne 10 a été fermé au début de la Seconde Guerre mondiale, comme la moitié des stations. C'était le plan Daladier pour économiser l'énergie et les hommes. La station, trop proche de ses voisines, Mabillon et Sèvres-Babylone, n'a jamais rouvert. Au début des années 80, la RATP l'a transformée en décor publicitaire : une plage avec du sable et une baraque à  glaces sous un parasol s'offraient à  la vue des voyageurs. Véronique Sanson y a même tourné un clip. Aujourd'hui, il fait sombre, les murs sont couverts de tags (« Ouah, des peintures préhistoriques », s'amusent les trublions du karaté club) et des canettes de bière traînent sur le quai poussiéreux.
Grands-Boulevards, Bonne-Nouvelle et arrêt entre République et Strasbourg-Saint-Denis, à  Saint-Martin. Cette station, fermée depuis 1939, fut créée pour l'exposition coloniale de 1931. A cette époque glorieuse, il y avait ici plus de personnel que d'usagers, et un trafic à  faire pâlir d'envie le RER A. Sur les murs, des panneaux publicitaires, en faà¯ence ou en papier peint, reprennent les slogans des réclames de l'époque, pour l'eau de Javel ou la Maà¯zena. « Quel gâchis, commente une vieille dame. Il faudrait rouvrir. » Julian apprécie. « Les beaux ouvrages » du patrimoine, il ne s'en lasse pas. Comme le pont d'Austerlitz, illuminé depuis peu, o๠le métro marque un arrêt à  sa demande.
5 heures. Le voyage touche à  sa fin. François Pinçon a vendu quelques CD à  Â« prix choc », enfants et parents piquent du nez, les karatékids sont fatigués, certains voyageurs trouvent le temps long. Pas Lucienne, 76 ans, « vieille Parisienne de banlieue ». Elle ne s'est pas départie de son sourire. Ni de ses vieux plans de métro et des coupures de presse qu'elle conserve à  la main, dans une pochette plastique. Elle a même le macaron du premier jour de l'arrivée du métro à  Gennevilliers. Enfant, elle habitait Malakoff, se baladait sur la ligne 6, aérienne, avec ses parents le dimanche, et s'amusait à  réciter le plus vite possible toutes les stations de la ligne 12. Elle s'indigne du machisme souterrain : « La pauvre Louise Michel s'ennuie un peu, c'est la honte ! » L'année dernière, le 19 juillet, elle s'est envoyé une carte postale à  elle-même : « Aujourd'hui, le métro a 100 ans, que de bons souvenirs ! » En dessous, elle avait ajouté des remerciements, à  Fulgence Bienvenà¼e, le père du métro parisien.
Céline Cabourg et Maà«l Thierry

(1) Ademas : Association d'exploitation du matériel Sprague (sa vocation est de mettre en valeur le patrimoine historique du métro), 17, rue des Abondances, 92100 Boulogne ; 01-48-25-13-32. Visite : de 200 à  250 francs. Prochaine virée, le 27 octobre (2001).

Citation :Légende photos :
1 - Pause photos dans l'une des stations fermées au public.
2 - Minuit et demi : 270 passagers quittent les ateliers RATP de la porte de la Villette.

3 - Ci-dessus : leçon de mécanique. Les passagers peuvent jeter un coup d'oeil sous une rame surélevée. Ci-contre : Julian Pépinster, l'un des fondateurs de l'Ademas. Le métro, il est « tombé dedans » quand il avait 8 ans.


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Sauvez une hague, mangez un cataphile.
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Citation :DOSSIER BONDY (93)

Sous nos pieds, le cloaque

Jean Valjean n'y aurait plus sa chance. Dans les 6 300 kilomètres d'égouts franciliens, les risques d'intoxication chimique sont mortels. Reportage.

Un rasoir électrique, une plaque d'immatriculation, et même une arme... « Les gens ne se rendent pas compte de ce qu'ils balancent », dit un égoutier.


Chaque jour, ils s'enfoncent dans les intestins de la ville. Marche pénible dans l'obscurité. De l'eau parfois jusqu'aux genoux. Les pieds englués dans la boue. Leur profession : égoutier. Ce sont les spéléologues de l'urbain. Un métier difficile et ingrat. La mise en bouche, c'est celle de l'égout.
14 h 30, Bondy (Seine-Saint-Denis). Les 80 kilos de la plaque de fonte retombent sur le trottoir dans un bruit sourd. L'équipe d'Alexandre Oublié, composée de cinq hommes, commence la visite d'un égout primaire, collecteur recueillant eaux de pluie et eaux usées, sous l'avenue Henri-Barbusse. Au bout d'un fil, un détecteur d'atmosphère est introduit dans le regard, la colonne verticale d'accès à  l'égout : une mesure de sécurité obligatoire en raison des risques d'intoxication liés à  la formation de gaz et aux rejets de produits chimiques. Relié par une corde à  la surface et équipé d'un casque à  lampe frontale, d'un harnais, de cuissardes, de gants et de son appareil respiratoire de survie, le premier de cordée descend les échelons rouillés de la cheminée, bientôt rejoint par deux autres membres de l'équipe. Les trois égoutiers entament leur excursion dans le boyau sombre et humide. Environ 1,2 kilomètre parcouru chaque jour. « En deux ans, on doit inspecter 51,9 kilomètres d'égouts visitables et 37,9 kilomètres de non visitables, ceux dont la hauteur est inférieure à  1,60 mètre », explique Alexandre Oublié, le chef d'équipe. Cet Antillais trapu, qui affiche vingt-trois ans de service, a la charge de l'un des huit secteurs de la Seine-Saint-Denis, département qui compte environ 1 300 kilomètres de collecteurs.
A 5 mètres sous terre, c'est le silence sépulcral. Et l'éclairage blafard des lampes frontales. Il faut avancer le long d'un tunnel ovale, de 2 mètres de haut et de 1,30 mètre de large. Au sol, des déchets de toutes sortes jetés dans les bouches d'égout — une plaque d'immatriculation, un rasoir électrique et même une arme — se mêlent aux eaux usées des riverains pour former une boue noirâtre et nauséabonde qui monte jusqu'aux chevilles. Armé d'un bâton, l'équipier de tête balaie le cloaque pour repérer les signes de fatigue du conduit : fissures, enduit éclaté, érosion, infiltrations, branchement bouché...
Les conversations usuelles de la surface se sont tues au profit du langage codé de la visite. « Branchement riverain à  27,10 mètres, pied gauche ; bouche avaloir à  32,40 mètres, pied droit », annonce ainsi laconiquement l'égoutier au fil de son exploration pendant que le second, équipé d'un « vélomètre », mesure la distance séparant le dernier regard de chaque trace d'érosion de la paroi. Fermant la marche, le chef d'équipe consigne chaque élément sur des feuilles représentant l'égout.
300 mètres parcourus. « Les gens ne se rendent pas compte de ce qu'ils balancent. Pour eux, une fois jetés, les déchets disparaissent. On n'en parle plus », lance Bernard, en tête de file. Les flottants, transportés par le débit de l'eau, poursuivront leur route jusqu'à  la station d'épuration. Quant aux déchets immergés, ils termineront leur course dans des chambres de dépollution. Plus larges et plus profonds que les conduits, ces bassins, répartis en plusieurs points du réseau, récoltent par décantation les matières solides les plus lourdes. D'énormes pompes aspirantes activées depuis la surface par des camions viendront les débarrasser de leurs immondices dès qu'ils seront remplis. Des boues qui seront ensuite acheminées vers les usines d'épuration d'Achères, dans les Yvelines, qui recueillent la totalité des eaux usées de Paris et 80% de celles du reste de l'Ile-de-France. Au total, 850 millions de mètres cubes d'eaux usées y sont traités par an.
Voilà  deux heures que les égoutiers avancent. A l'horizon, un faible halo de lumière est diffusé par une plaque d'égout soulevée en aval par leurs deux collègues restés en surface. Le détecteur d'atmosphère continue d'émettre un bip à  intervalles longs et réguliers, signe de l'absence de danger toxique. « Le plus grand risque là -dessous, outre les chutes, ce sont les intoxications, souffle Alex, en tapotant son appareil respiratoire de secours. Au moindre affolement du détecteur, tu enfiles ton masque et tu décampes vite fait. » Car chacun garde le souvenir des deux égoutiers morts, il y a quelques années. (Lire l'encadré ci-contre.)
17h30. Retour à  la surface après 500 mètres parcourus sous terre et une dizaine de tampons soulevés. Les égoutiers se soumettent alors à  une séance de décrassage sommaire des bottes, et les mains sont nettoyées au savon désinfectant dans le camion d'intervention. Détente et pause cigarette avant de revenir à  la « remise ». Douche obligatoire. Mathieu Aucher
Citation :GAZ TOXIQUES, URINE DE RAT...

Classés dans la catégorie des métiers à  risque, les égoutiers doivent se soumettre à  deux visites médicales par an. Outre les vaccins d'usage (tétanos, poliomyélite, typhoà¯de), ils doivent également être immunisés contre la leptospirose, véhiculée par l'urine de rat, et les hépatites A et B. Mais le mal le plus couramment rencontré reste la tendinite, attrapée après dix ans passés à  soulever des tampons.
Au-delà  des risques physiques et bactériologiques, tes agents de salubrité peuvent aussi s'exposer à  des dangers toxiques : rejets de produits chimiques et émanations de gaz toxiques. En particulier, l'hydrogène sulfuré, qui se forme à  partir de substances organiques en décomposition, est l'un des gaz les plus craints par les égoutiers. Mortel à  forte dose, il paralyse tes fosses nasales avant de plonger sa victime dans te coma. C'est pourquoi maintenant les égoutiers sont tous équipés d'un détecteur d'atmosphère, capable de repérer toute trace d'hydrogène sulfuré, mais aussi le manque d'oxygène.
M. A.


Retrouvez les photographies d'Emmanuel Gaffard dans l'Atlas du Paris souterrain
Parigramme, en librairie le 13 septembre.


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