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Yuanjiayao, hameau troglodyte Chinois - Version imprimable

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Yuanjiayao, hameau troglodyte Chinois - lafouine - Sam. 10 Mai 2003

Celon l'article, il existe des centaines hameaux troglodytes en chine.

Citation :A Yuanjiayao, hameau troglodyte du Nord, la santé publique est un rêve hors de portée

"La corruption est partout. Mais le secteur le plus corrompu, c'est la santé".

Yuanjiayao (province du Shanxi) de notre envoyé spécial

Le plateau de l?ss, soudain, se déchire et la route s'encadre de ravines. Yuanjiayao, c'est d'abord un flanc. Une paroi d'argile perforée d'abris. Le village est un hameau troglodyte ordinaire, banal, comme il en existe des centaines dans cet extrême nord du Shanxi, aux confins des provinces du Hebei et de la Mongolie-Intérieure.

Avant d'entrer dans la petite caverne de Deng Haiyan, il faut pousser une porte de bois et traverser une courette o๠un âne se régale d'une bassine de maà¯s.

Pull-over violet et fine moustache en épi, Deng Haiyan entre dans la pièce nue, voà»tée, étroite, et s'assoit sur le kang , le lit dur chauffé de l'intérieur par un foyer de charbon. Deng Haiyan s'excuse de ne servir que de l'eau chaude sucrée. Le village - 80 familles - vit à  peine de ses plants de maà¯s. Deng Haiyan est si pauvre qu'il ne peut même pas se marier : "Cela coà»te trop cher , se plaint-il, je n'ai pas l'argent."

Il vit seul avec son père, septuagénaire au visage parcheminé, coiffé d'une casquette de toile grise. Le vieil homme est malade. A intervalles réguliers, il est secoué d'une violente toux, se racle le tréfonds de la gorge et s'en va cracher dans la courette à  côté de l'âne. "Parfois, il crache du sang ,commente Deng Haiyan. Il a la pneumonie." Devant notre air interloqué, il précise aussitôt : "la pneumonie typique" .

L'autre pneumonie, l'atypique, celle qui est en train de paralyser la Chine, n'a pas encore touché Yuanjiayao. Mais le village est en état d'alerte. Le matin même, le secrétaire local du parti a convoqué tout le monde à  une réunion d'information. "Il nous a expliqué que c'est une maladie très grave et très contagieuse" , raconte Deng Haiyan.

MISà‰RABLE PHARMACIE

Une demi-douzaine de villageois expatriés dans les restaurants ou les chantiers de Datong, la grosse ville voisine, sont déjà  rentrés par précaution, alors que l'infection gagne l'ensemble de la province. Avec près de 300 cas de contamination, le Shanxi figure au troisième rang des zones de Chine les plus touchées, après le Guangdong et Pékin.

Une brève visite à  Yuanjiayao suffit à  comprendre le désastre que représenterait une propagation incontrôlée du virus du SRAS dans les campagnes chinoises. Le système de santé publique y est décomposé. Les villageois se contentent de se soigner en puisant dans une misérable pharmacie de campagne : un pochon en plastique contenant quelques médicaments. Ils ne consultent qu'exceptionnellement un médecin. "Si on va au dispensaire du bourg voisin, explique Deng Haiyan, on nous dit que telle ou telle maladie n'est pas soignée et qu'il faut aller à  l'hôpital, en ville." Et là , c'est un autre univers, un monde plutôt hostile, guère accueillant pour des paysans aux maigres ressources. "En fait, on n'a pas l'habitude d'aller à  l'hôpital ,précise Deng Haiyan. C'est un événement pour nous."

En dépit de sa pneumonie, qui lui tord le visage de grimaces, le père de Deng Haiyan n'est pas retourné à  l'hôpital de Datong depuis un an, date de sa dernière visite. "Cela coà»te beaucoup trop cher" , peste le vieillard. Le seul fait d'être examiné par le médecin - sans compter le prix de la consultation - est un droit qu'il faut acheter, une sorte de ticket d'entrée relevant plus de la corruption que de la vérité des coà»ts. Lors de sa dernière visite, le père de Deng Haiyan a dà» débourser près de 500 yuans (près de 500 francs) pour pouvoir approcher le médecin. Pour un villageois dépourvu de sécurité sociale -Â à  l'instar de l'écrasante majorité des paysans - le fardeau devient vite insoutenable. Depuis, il a renoncé et préfère souffrir silencieusement dans sa caverne, ses poumons "en feu" .

REPLI SUR SOI

Deng Haiyan, lui, ne mâche pas ses mots. "La corruption fait partie du système en Chine, dénonce-t-il. On la trouve partout, dans les mines de charbon ou ailleurs. Mais le pire, le secteur le plus corrompu, c'est la santé." Les choses sont au fond assez simples pour lui : il n'a pas remis les pieds dans un hôpital depuis... 1990. Il était alors "gueule noire" dans une mine de charbon. Dans une galerie souterraine, il avait été blessé à  la tête par la chute d'une roche. Son hospitalisation à  l'hôpital militaire de Datong, pour un traumatisme crânien, il s'en souvient comme d'un événement exceptionnel. Il en a même gardé une précieuse trace.

D'une gamelle métallique, conservée comme un précieux coffret, il sort une ordonnance humide qui s'effrite en lambeaux. Il étale les fragments avec délicatesse sur la couverture du kang et tente de recomposer le puzzle de la prescription. A l'époque, il lui en avait coà»té 260 yuans (près de 260 francs). "Maintenant, il faudrait payer cinq fois plus cher, dénonce-t-il. Et, en plus, les médecins sont bien plus désagréables qu'autrefois. Il y a des gens qui sont morts parce qu'on a refusé de les admettre." Deng Haiyan persifle en évoquant les slogans - du genre "Servir le peuple"  - affichés dans les hôpitaux : "En fait, ils ne fichent rien du tout..." Nostalgique, Deng Haiyan regrette l'époque o๠"les médicaments n'étaient pas chers" et o๠"les médecins étaient attentifs" .

Ressentiment, indifférence, repli sur soi... Quand on mesure l'écart qui s'est ainsi creusé entre le système hospitalier et des paysans comme Deng Haiyan, on a tout lieu de redouter l'arrivée du SRAS dans les recoins de la Chine rurale.

Frédéric Bobin
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