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Version complète : article de juin 1995 ( carrieres , fusées V2 )
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marquis78

TERRIBLE drame en Seine-Maritime. La grotte de Monterolier, au hameau de Clairefeuille, près de Buchy (Seine-Maritime), a tué neuf fois dans la soirée de mercredi. Des longues galeries souterraines, les équipes de sauveteurs, équipés de masques et d’appareils respiratoires, ont sorti neuf corps qui ont été transportés pour autopsie à  l’hôpital Charles-Nicolle de Rouen. Tous seraient décédés d’avoir respiré des émanations d’oxyde de carbone. Parmi ces victimes, trois enfants : Nicolas, quatorze ans, et son frère Thomas, treize ans, ainsi que leur ami Pierre, treize ans également, qui étaient allés jouer dans cette grotte, bien connue des habitants de la région. Durant la guerre, l’armée allemande l’utilisait pour stocker ses fusées V2. Ne voyant pas revenir ses deux fils, Jean-Pierre Havé s’était rendu sur les lieux. Ne le voyant pas rentrer, l’un de ses amis, père du troisième enfant, a prévenu les gendarmes.

« Mes hommes sont entrés pour porter secours aux disparus et se sont fait piéger », explique le lieutenant-colonel Christian Ménage, du corps des sapeurs-pompiers de Rouen. Il ajoute : « Il y avait une concentration d’oxyde de carbone quatre fois supérieure à  la dose mortelle, que rien ne laissait supposer. » Les premiers arrivants, Jean-Yves Soulard, médecin-capitaine des sapeurs-pompiers, et Bruno Poulain, pompier professionnel, se sont effondrés immédiatement. La seconde équipe qui pénétrait plus avant dans le boyau subissait le même sort, perdant trois hommes, Laurent Pannier, pompier professionnel, Fabrice Pigny, pompier volontaire, et Gérard Duvivier, un habitant de Monterolier, venu en renfort parce qu’il connaissait bien les galeries. Devant cette hécatombe, la préfecture décidait, dans la nuit, de suspendre les recherches, le temps d’acheminer du matériel de ventilation.

Elles ont repris hier à  l’aube. Equipés de matériel lourd et assistés de techniciens chimistes de la Sécurité civile, et d’une équipe du Spéléosecours français, les pompiers ont pu pénétrer dans la grotte. Ils ont immédiatement retrouvé les corps des trois collègues décédés dans la grotte. Un pompier, qui avait mis son masque, a pu être sauvé. Evacué sous caisson à  l’hôpital du Havre, il a été tout de suite placé en réanimation. Il se trouve dans un état de détresse vitale.

Progressant lentement dans la grotte, les sauveteurs ont finalement découvert, peu avant 15 heures, le corps sans vie des trois enfants. « Ils étaient dans les galeries les plus éloignées de l’entrée principale », a indiqué le préfet. Le corps du père gisait non loin de ceux de ses enfants. Les recherches ont duré plus de dix-neuf heures. Elles ont été rendues particulièrement difficiles en raison de la présence d’une épaisse fumée, qui émanait probablement de deux feux allumés par les enfants. Longue d’environ un kilomètre, la grotte se compose de trois grands boyaux parallèles cimentés, reliés entre eux par de petites galeries. L’un des boyaux était bloqué par des éboulements. En le dégageant, les sauveteurs ont constaté que la concentration de gaz était encore plus importante dans cette partie.

Une enquête judiciaire a immédiatement été ouverte par le procureur de la République de Dieppe, pour déterminer les causes des morts. « L’oxyde de carbone, c’est le genre de chose très foudroyante, c’est un gaz inodore et qui visuellement n’apparaît pas », rappelait un responsable de la Sécurité civile. L’enquête devra déterminer si les émanations proviennent bien, comme les sauveteurs l’ont pensé au début, du gaz carbonique dégagé par ces feux, ou si la grotte ne renfermait pas un autre produit toxique. Toutes ses issues en seront très rapidement fermées, ont précisé hier le préfet et le maire de la commune. Située sur un terrain privé et ouverte à  tous, cette cavité était notamment fréquentée par tous les enfants et adolescents de la région, et même par des classes, venues y apprendre la géologie. Hier, à  Monterolier et dans toute la région, la douleur se conjuguait à  la stupeur et à  l’interrogation devant cette véritable tragédie.