CKZone

Version complète : Interview de Gilles Thomas dans le Figaro
Vous consultez actuellement la version basse qualité d’un document. Voir la version complète avec le bon formatage.
Citation :Gilles Thomas : «Le vide sous terre s'est considérablement réduit»
Coauteur du premier «Atlas du Paris souterrain», ouvrage de référence paru en 2001.

L'Atlas du Paris souterrain explore le sous-sol parisien, et donne pour la première fois la mesure de sa complexité. Après l'effondrement d'une cour d'école rue Auguste-Perret, Gilles Thomas, un des auteurs de l'ouvrage, revient sur les bases fragiles de la capitale.

LE FIGARO. – Des effondrements du sol sont-ils fréquents dans l'agglomération parisienne ?

Gilles THOMAS. – Ils sont heureusement très rares. Le dernier accident gravissime en date remonte à  juin 1961, lorsqu'une vaste zone pavillonnaire fut engloutie à  Clamart. Bilan, 21 morts. Autant dire que ces affaissements marquent – et de façon durable – la mémoire collective, aussitôt renvoyée aux événements dramatiques de la fin du XVIIIe siècle. C'est à  cette époque en effet que les sous-sols parisiens ont cédé après une exploitation intensive du gypse ou du calcaire. Des rues entières se sont alors effondrées.

Paris, capitale construite sur du vide... Est-ce encore vrai aujourd'hui ?

De moins en moins. Il faut dire que le travail de l'Inspection générale des carrières (IGC) a porté ses fruits. Créé en 1777 pour consolider le sous-sol parisien après une série d'effondrements, ce service de la Ville n'a cessé de sonder, de contrôler et de combler les vides. Sur la rive gauche, l'IGC a consolidé les anciennes carrières de calcaire à  l'aplomb des façades de chaque rue : il en reste quelque 300 kilomètres de galeries, régulièrement inspectées par ses ingénieurs.

Les contrôles de la stabilité du sol ont lieu de façon plus ponctuelle sur la rive droite de la Seine. Là , les exploitations du gypse ont été foudroyées à  la fin du XVIIIe siècle et ne sont plus accessibles. Aujourd'hui, des forages sont réalisés lorsqu'on envisage des travaux, et les trous découverts sont remplis de béton. Peu à  peu, le vide sous terre s'est donc considérablement réduit.

Quelle est notre connaissance actuelle du sous-sol parisien ?

Elle est plutôt bonne. L'IGC possède une cartographie au mètre près du Paris souterrain. Il n'existe pas cependant de plan d'ensemble, regroupant sur une même carte les différents réseaux souterrains. Car il faut bien avoir à  l'esprit que la capitale est perforée de part en part par une multitude de galeries techniques – les égouts, les canalisations d'eau, de téléphone, d'électricité et de chauffage urbain –, mais aussi par les lignes de transports en commun. Et chaque concessionnaire possède ses propres plans. Tous ces intervenants des profondeurs se rencontrent donc, en cas de travaux importants, pour dresser l'état des lieux des zones concernées. Ce fut notamment le cas pour Meteor.

D'o๠provient alors le danger éventuel ?

Des modifications naturelles du sol, de nature hétérogène sous la capitale. C'est apparemment le cas rue Auguste-Perret : un calcaire fissuré qui se brise. Le gypse antéludien, une période de l'éocène, peut lui aussi recéler des poches de dissolution. Ce sont des cavités formées par infiltration d'eau aux endroits o๠ce matériau n'a pas été exploité. En 1975, les géologues ont ainsi été époustouflés en découvrant, sous la gare du Nord, une poche de plusieurs milliers de mètres cubes. Pour donner une idée, ce trou aurait pu contenir l'Arc de triomphe. Mais ces zones sont en général connues et bien surveillées.

Paris est-elle fragile ?

Pas du tout. Mais, même rares, les effondrements viennent rappeler que le risque zéro n'existe pas. Aujourd'hui, quand un immeuble, un morceau de rue ou une cour d'école s'effondrent, il s'agit d'accidents imprévisibles. Les géologues des sociétés concessionnaires comme l'Inspection des carrières peuvent passer à  côté d'un problème lors de leurs contrôles. Et, malgré le travail fourni depuis plus de deux cents ans par l'IGC, il restera toujours des vides résiduels.

Propos recueillis par Delphine Chayet
[18 février 2003]
<!-- m --><a class="postlink" href="http://www.figaro.fr/france/20030218.FIG0053.html">http://www.figaro.fr/france/20030218.FIG0053.html</a><!-- m -->
Merci, bien dit Big Grin Big Grin Big Grin