CKZone

Version complète : [archive] Tombes la Nuit - Catacombes du Père Lachaise
Vous consultez actuellement la version basse qualité d’un document. Voir la version complète avec le bon formatage.
"Tombes la nuit"
Une bande de jeunes partent à  l'aventure dans le cimetière du Pere-Lachaise.

Parus dans L' Echo des Savanes (date ?)

Citation :Ce soir, on va dans les catacombes du Père Lachaise attaquer les gens qui font des messes noires... »
En tout cas, c'est ce qu'ils croyaient, ces petits jeunes gens très chic en tenue de camouflage...

Pour réussir une soirée, faut savoir mettre le paquet. «Ce soir, on va dans les catacombes du Père-Lachaise attaquer des gens qui font des messes noires.» Le téléphone fonctionne entre le XVIe arrondissement, le VIe et Neuilly. La jeunesse BCBG s'organise un trip. Premier rencart chez Pascal dans le quartier des Ministères. On attend les autres assis sur le lit. Maman monte dans la chambre s'assurer que son fils turbulent n'oublie pas sa trousse de secours. Trousse de secours d'accord, mais Pascal a aussi pris des armes. On ne sait jamais. Elle est au courant, la maman? Ils attendent qu'elle parte.
— Do you have a weapon for me?
Pascal équipe son copain imprévoyant. Il lui tend un couteau.
— Tiens, mets-toi ça autour du mollet.
Départ en métro; les plus âgés ont dix-sept-dix-huit ans et ça descend jusqu'à  quinze. Il paraît qu'au Père Lachaise les vigiles sont rasés : «Des anciens paras d'environ quarante ans, tous alcooliques. Le plus dangereux c'est qu'ils ont la trouille.» On ne se demande même plus si la soirée va être une bonne soirée, on a carrément embrayé sur les fantasmes et la passion. Au deuxième rencart, près du pont de Neuilly, ils sont dix-neuf. Les chefs sont bien reconnaissables : treillis militaires camouflage, et sur la tête bandeau de coton blanc frappé du soleil levant japonais encadré d'idéogrammes (« On les a copiés dans une revue financière chinoise »). La tension monte, le bruit court que le mois dernier un mec s'est fait ouvrir la jambe avec un crochet de boucher par un vigile. Les voix sont posées, les cheveux courts et les uniformes donnent confiance. De toute façon, le danger est devenu tel que personne n'oserait se dégonfler maintenant. La messe noire est loin, oubliée, restent les brutes planquées dans leurs R4 blanches en train d'aiguiser leurs crochets entre deux coups de gnôle. Re-métro jusqu'au Père-Lachaise. En route, un objectif est fixé : trouver l'entrée des catacombes. Personne, pas même les chefs les mieux équipés, ne sait o๠elle est, mais c'est super parce qu'un accès de l'intérieur, c'est la possibilité de retourner dans le Père-Lachaise même les nuits de pleine lune, quand les vigiles patrouillent à  mort.
Station Père-Lachaise. Dix-neuf, ça commence à  faire du monde et c'est pas facile de passer inaperçu dans la petite rue latérale. Les premiers longent déjà  la palissade et se glissent dans la brèche. De l'autre côté, la savane. Accroupis dans les herbes hautes, ils sont totalement invisibles. Un des chefs chuchote : «Il y a deux cents mètres jusqu'au mur du cimetière. La grande maison noire avec les deux fenêtres allumées tout en haut, c'est les gardes, alors gaffe et pas de lumière, pas de_ clopes et pas de bruit. On y va!» C'est pas le moment de déconner. Derrière l'adjudant qui a l'air de connaître les lieux, c'est reparti, spontanément, en file indienne. Là -haut, il y a ces deux satanées fenêtres. Heureusement, la lune n'est pas pleine, mais le ciel de Paris reste phosphorescent. On est dans un bocal au centre de la ville qui continue de gronder. Le mur du cimetière approche. Les deux premiers escaladent les deux mètres de crépi et aident les autres à  les rejoindre. De là -haut, on voit le Père-Lachaise immense, comme une ville déserte avec ses rues, ses maisons, ses monuments : Nécropolis. Côté cimetière, le sol est à  quatre mètres. Dix-neuf silhouettes se découpent nettement sur le ciel. Curieuse, cette sensation d'être une cible idéale, comme une pipe au stand de tir. Coups d'oeil inquiets vers les deux rectangles éclairés de la maison des gardes. Faut suivre le mur sur une centaine de mètres; il est glissant, en plus, ce mur. Dans ces cas-là , on a de grands élans de tendresse pour les semelles sophistiquées de ses baskets. «Attention ! y'a une branche à  enjamber, hop!» C'est les meilleurs moments : branchés à  100% sur le danger avec l'imagination à  plein régime qui brode sur la grande ville des morts. «Bordel, on est gonflés!»
Les premiers sont déjà  à  terre, plaqués dans l'ombre du mur. Les autres arrivent comme une avalanche.
— On se compte, on se donne des numéros et on marche toujours dans le même ordre.
— D'accord.
L'éclaireur part devant, agile, courbé en deux, plaqué aux murs des caveaux. Il ne vient à  l'idée de personne que sa superbe combinai-son blanche va extrêmement mal avec sa fonction. La progression est lente, d'autant plus qu'entre les caveaux il fait vraiment noir. Une pierre tombale qui branle sous le pied, et tout le monde se bloque en arrêt, oreilles à  l'affà»t. Le coup le plus fort, c'est quand une chouette (un gros oiseau, en tout cas) s'est envolée sous les pieds du premier et a remonté toute la colonne à  quelques centimètres des têtes : flap, flap, flap ! Il faut traverser des dizaines de rues pavées. Chaque fois les dix-neuf se retrouvent en tas, tout le monde a oublié son numéro. Il faut traverser à  toute vitesse, comme si des balles sifflaient aux oreilles. Toujours pas de vigiles en vue. Progressivement, ça tourne à  la balade, à  mesure que les
yeux s'habituent à  l'obscurité. Un des chefs va rejoindre l'éclaireur et revient en gueulant : «A plat ventrè, -une bagnole ! » à‡a s'écroule dans tous les sens avec un bruit d'enfer, et même des rigolades de deux mecs qui sont tombés l'un sur l'autre. A la deuxième fausse alerte, c'est pire. Progressivement, les chefs, dégoà»tés, quittent la troupe. Maintenant, ça cavale de plus en plus sur les tombes. Par petits groupes, visite des caveaux ouverts, déchiffrage des noms gravés dans la pierre, ça sent l'encens là -dedans. La troupe passe devant la tombe de Jim Morrison sans s'en apercevoir — «C'est qui, Jim Morrison?»
Hé ! l'entrée des catas ! » Du neuf, enfin. Une porte en grillage qui ouvre sur un couloir. Le grillage ne résiste pas longtemps. Deux minutes plus ..tard, retour triste : cul-de-sac à  vingt mètres. A peine le temps d'allumer les lampes de poche... En remontant vers l'entrée principale, histoire de se rapprocher des vi giles, quelques éclaireurs tombent sur une large plaque en fonte. Les spécialistes sortent leurs outils. La voie est libre. «Des échelons!» à‡a traîne pas pour descendre. En bas, une galerie longue, régulière, en forme d'ceuf tête en bas : «Les égouts!» Pas d'odeur, pas de merde non plus. Ces égouts-ci ne collectent que les eaux de pluie, les pensionnaires du cimetière sont propres. .0n patauge, on cavale, on en profite pour gueuler un bon coup. Mais une chose est sà»re, c'est pas les catacombes.
A la sortie, les chefs en treillis reprennent les choses en main.
— Si on veut trouver le passage, faut envoyer des mecs en reconnaissance; on reviendra vous chercher. Le commando s'avance dans la nuit vers un groupe de statues sou-riantes. Escalade à  tâtons, mains baladeuses. Grimper sur des corps nus dans le noir, c'est la fête. à‡a devient carrément magique quand un faisceau de lampe se braque sur une grille planquée derrière les statues. A la première poussée, elle s'ouvre sans un bruit. Ils descendent les escaliers. «C'est le parking de la mort! J'en ai entendu parler.» C'est une série de couloirs bien entretenus, des chariots dans les allées et des plaques de béton avec

des noms gravés, plusieurs centaines par plaque. Plus loin, des piles de caisses en pin frais de soixante-dix sur trente avec des inscriptions à  la main : un corps, deux corps, deux encéphales, les cimetières de provenance et une date, le plus souvent autour de 1850.
Tout le monde comprend que c'est du sérieux. La journée, le mausolée est habité par des spécialistes qui manipulent et répertorient les corps en provenance des vieilles concessions. Le silence s'est installé, c'est plus qu'une précaution. Ils savent tous qu'il faudra aller plus loin, ouvrir une boîte. Le silence, maintenant, c'est bêtement l'angoisse devant la mort.
«Y'a une boîte ouverte, là !» Le cercle se resserre autour de la caisse entrouverte. Une main, plus hardie que les autres, s'avance pour soulever le couvercle, les lampes de poche plongent dans la caisse. Les os sont bien rangés, tibias, vertèbres, côtes. Ce qu'il en faut des os pour faire un homme ! Mais pas de crâne. à‡a ne fait rien, il y a pire. «Regarde, des cheveux...» C'est au moins des poils, collés à  l'os par un truc genre viande ou peau qui n'a pas voulu pourrir : «Il est là , le bonhomme.» C'est trop, faut rentrer. Y'a urgence.
En haut de l'escalier, une silhouette se profile très distincte-ment contre le ciel orangé. Le mec a l'air tranquillement appuyé au chambranle du portail. Il y a des moments dans la vie o๠avaler devient un problème... La panique froide aura duré quelques secondes : tout le monde avait oublié les statues. Au fait, les statues, il faut les descendre, en silence, et personne n'a envie de se faire étouffer entre deux bras de pierre.
A la planque des autres, plus personne. Au bout d'un moment, des têtes apparaissent une à  une de derrière les tombes. Eux aussi ont eu peur : «On avait entendu des chiens, on a cru que c'étaient les vigiles quand vous êtes arrivés. Au fait, qu'est-ce que vous avez trouvé?» Les cinq avaient décidé de ne rien dire des caisses dans le Parking de la Mort, histoire de se garder des privilèges, histoire aussi de se coucher plus tôt.
Retour décontracté, comme le calme après la tempête, ça discute par petits groupes complices. Les histoires du Père-Lachaise : celle d'une baronne russe qui avait légué
son héritage à  celui qui resterait un an jour et nuit dans son tombeau. Elle s'était fait construire un cercueil en cristal et des jeux de miroirs dans le tombeau. Le notaire avait nommé un huissier et un médecin qui passaient deux fois par jour pour nourrir les postulants. Personne n'a tenu le coup, et c'est le notaire, l'huissier et le médecin qui ont bouffé la galette. L'histoire aussi de Victor Noir, inhumé près du crématorium, qui, par testa-ment, voulait une statue posée sur son tombeau le représentant dans l'état exact o๠la mort le surprendrait. Il est mort de deux balles dans le front en train de bander sec. Depuis, des femmes stériles viennent la nuit se frotter le sexe contre la bosse de la statue en bronze.
Le Père-Lachaise est plein d'histoires à  mourir debout comme celle-là . Mais les dix-neuf samouraà¯s avaient eu leur compte d'émotions pour la nuit. Restait à  atteindre le mur sous les fenêtres des vigiles, traverser le terrain vague en courant et déboucher dans la rue. Ereintés niais pas déçus du voyage. «On l'a échappé belle ! »
LESLIE ET JOHN-PAUL LE PERS
...
...

Visiteur

:twistedConfusedujet sympas
Je me souviens parfaitement bien de cet article, mais impossible de me souvenir dans quelle revue c'etait. Y'a ptet moyen de le savoir en demandant à  certains cataphiles.
L'écho des Savanes
Marc a écrit :L'écho des Savanes
Oui !!! ça y est, je me rapelle. (merci, je complete le debut du topic)
Tu as la date ?
La photo avec des caisse pleine d'ossement ca ne serait pas genre un atelier de réduction des corps? lorsqu'un nouveau corps prend place dans un caveau , on réduit les corps précédament inhumés.
on ne réduit rien!!
on creuse, on ramasse ce qui reste au fond du trou, et dans la caisse!
les cercueils en bois et les chairs ont disparus depuis un bail à  ce moment là .