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Version complète : L'Etat s'oppose au projet de copie de la grotte Chauvet
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Le Monde a écrit :Aubenas (Ardèche) de notre correspondante

Le 18 décembre 1994, trois spéléologues découvraient près de Vallon-Pont-d'Arc (Ardèche) la plus ancienne grotte ornée du monde. Dix ans plus tard, ce joyau de l'art préhistorique est devenu l'enjeu d'une vraie saga judiciaire. Une trentaine de procès et de procédures ont été lancés, dans lesquels sont impliqués les découvreurs, les anciens propriétaires, les environnementalistes. La dernière affaire en date concerne le maître d'œuvre d'un projet d'Espace de restitution de la grotte Chauvet (ERGC).

Cette fois-ci, c'est entre le conseil général, maître d'ouvrage de l'ERGC, et les services de l'Etat qu'il y a conflit. Comme cela a été fait pour les grottes de Lascaux, afin de préserver les peintures - les plus anciennes datent de 32 000 ans -, l'accès de la grotte Chauvet a été interdit au public et le projet de reproduire les œuvres dessinées sur les parois de l'immense cavité dans une autre grotte a été avalisé.

Pour réaliser l'ERGC, le site de la Mathe a été retenu. Juste à  côté de l'original, soit aux portes des gorges de l'Ardèche. Un lieu choisi pour restituer au plus près l'émotion ressentie à  Chauvet mais dont certaines associations écologistes contestaient, dès 2001, sa trop grande proximité avec la réserve naturelle des gorges, substrat d'une extraordinaire biodiversité. Une plainte aurait même été déposée à  Bruxelles. Ces associations dénonçaient également les dangers que l'implantation d'un fac-similé, destiné à  attirer une moyenne de 300 000 visiteurs par an, entraînerait sur un site déjà  fréquenté l'été par près d'un million de touristes. Un nouveau contentieux vient d'éclater, qui menace la création de l'ERGC sur le site choisi.

L'Etat, par la voix du préfet de l'Ardèche, Jean-François Kraft, affirme que, sur un tel emplacement, le projet est condamné tant sur le plan technique que juridique. Et souligne certaines "aberrations" du dossier : parking de 600 places inondable, dénivelée de 40 m pour accéder aux bâtiments rendant l'accès difficile aux handicapés...

"ABERRATIONS"

Mais, surtout, il reprend les arguments des environnementalistes : la menace que représenterait l'ERGC pour l'écosystème de la vraie grotte, le problème de son intégration paysagère et les risques encourus pour la faune et la flore locales. Des objections qui rendent impossible le lancement de la déclaration d'utilité publique (DUP) nécessaire à  l'expropriation d'une Ardéchoise, opposée à  la vente de ses parcelles situées au centre du dispositif foncier du projet.

Du côté du département, on rappelle que le parti pris du conseil général de lier la réalisation d'un espace de restitution aux portes des gorges de l'Ardèche et le réaménagement de la combe du Pont-d'Arc (o๠se trouve la grotte) a été entériné le 24 septembre 2003 par la commission des sites, perspectives et paysages. "Un avis de principe sur une problématique de regroupement mais en aucun cas une acceptation du projet en l'état", réplique-t-on en préfecture.

Le département et l'Etat sont, avec le conseil régional de Rhône-Alpes et l'Union européenne, les cofinanceurs d'un projet initialement estimé à  51 millions d'euros, dont 23 millions pour le seul espace de restitution.

Avec l'abandon du site de la Mathe, les nombreuses études qui lui ont été consacrées deviendront caduques. La plupart n'étant pas transposables ailleurs même si la commune de Vallon-Pont-d'Arc, très attachée au projet, propose déjà  deux lieux de substitution. Cependant, il reste une seule certitude à  ce jour : la copie de la grotte Chauvet n'ouvrira pas ses portes en 2005 comme prévu, mais près de 10 millions d'euros auront bien été dépensés...

Carole Dumas